Paroles d’ouvriers, des ouvrages sur le métier
24 mars 2013
(merci à F. Geoffroy)
Ils étaient invités à un colloque consacré à «l’image dans le travail», à Poitiers. Thématique abordée : «Paroles et écrits d’ouvriers». Sylviane fabriquait des soutiens-gorge pour l’industrie textile. Marcel était ouvrier dans la construction automobile. Ils sont aujourd’hui à la retraite. Chacun de leur côté, ils ont écrit un livre (1) sur leur histoire, leur travail, leur métier. Leurs mots font mouche. Pourquoi écrire ? Sylviane : «L’écriture, ce n’était pas quelque chose de majeur pour moi au moment où je l’ai fait. J’avais juste envie de témoigner sur ce qu’était mon travail, le décolletage, où 20 nationalités différentes étaient représentées. L’eldorado, c’était il y a dix ans, le secteur va devenir une zone sinistrée.»
Marcel : «Témoigner, au début, je le faisais pour mes archives à moi. Pour évacuer tout ce que j’avais emmagasiné. Je n’avais pas l’intention d’éditer au départ. Puis je me suis dit qu’il ne fallait pas que ces éléments importants soient perdus. Je prenais des notes en travaillant. Si j’avais écrit en dehors du travail, cela n’aurait pas été pareil.»
Paroles d’ouvriers (2) : «Ce sont nos mots à nous, pas ceux des chefs»
Ils étaient invités ensemble à un colloque à Poitiers. Sylviane Rosière, ex-ouvrière textile, et Marcel Durand, ancien de l’industrie automobile, ont chacun écrit un livre sur le travail (1). Après une première chronique (Libération de lundi dernier), retour sur les mots de ces ouvriers à la retraite, qui résonnent comme ceux d’une espèce en voie d’extinction.
A quoi sert de témoigner sur le travail ? Sylviane Rosière : «J’ai trouvé plus facile d’écrire que d’aller au syndicat, j’ai peut-être eu tort. Derrière moi, il y avait trois générations de syndicalistes. Moi, j’ai choisi l’écriture.» Marcel Durand : «Au départ, écrire, c’était juste pour déconner. Après, cela a eu un autre sens, c’est devenu un peu politique.» Quel rapport ont-ils à l’usine ? Durand encore : «On n’avait pas le temps de faire bien le travail. Même si on n’aime pas le produit, on a une conscience professionnelle. Mais le patron ne nous laissait pas réaliser cette façon de bien travailler.» Rosière : «Je n’ai pas subi mon travail, j’aimais ce que je faisais. La corseterie, c’est très sophistiqué, il y a 27 opérations différentes à apprendre pour faire un soutien-gorge. Il y avait le coup de main à prendre. Avec le temps on a un savoir-faire, on va plus vite. Il fallait d’abord faire bien, et beaucoup si possible, et, enfin, habilement. C’est un métier plein de savoir-faire. Une fois qu’on a le coup de main, on peut se permettre des pauses mais, parfois, le patron arrive, comme un chat, derrière nous. Il ne faut pas se faire prendre. Un jour il m’a surprise à faire un sudoku.»
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