Joann Sfar vampirise le roman
LE MONDE DES LIVRES |
On se demande, en commençant L'Eternel, son premier roman, à quoi aurait ressemblé cette histoire de sang, d'amour, de fraternité et de douteuses résurrections si Joann Sfar en avait fait une nouvelle bande dessinée. Et puis, on cesse d'y penser. Le dessinateur et scénariste du "Chat du rabbin", de "Petit Vampire" et de "Grand Vampire" ou de "Klezmer", pour ne citer que quelques-unes des séries qui lui valent de dominer aujourd'hui le neuvième art, a pleinement accompli, après un passage par le cinéma (Gainsbourg, vie héroïque), sa nouvelle métamorphose. Ses images, désormais, il les crée à même le cerveau du lecteur.
Quand, sur la mezzanine de son petit atelier, en surplomb d'une cour qu'on aperçoit à travers une porte vitrée donnant, curieusement, sur le vide, on recueille les impressions que cette expérience lui a laissées, il confie : "A 41 ans, j'ai le sentiment d'avoir trouvé l'activité qui me rend pleinement heureux." On parlera plus tard de l'angoisse qui traverse le livre, des peurs avec lesquelles il joue, et de celles avec lesquelles il ne joue pas, du tragique qui hante, lui aussi, cette comédie noire, mais ce qu'il est urgent de dire, c'est le plaisir, c'est la découverte d'une liberté plus grande, d'une joie plus vive de créer. La lecture de L'Eternelrend, du reste, ce bonheur palpable, et il n'y a pas de meilleur moyen d'entamer une conversation à son sujet. "Je suis très enfantin quand j'écris", ajoute Joann Sfar. Il ne saurait décrire plus précisément le mélange d'émerveillement et d'angoisse que son roman suscite.