Au lieu de travailler, l’autre jour, mes voisins de bureau et moi avons pollué notre open space en mangeant des chocolats qui pétillent (merci Aurélien) et en discutant beaucoup trop fort. Mon collègue d’en face, Nicolas, nous a raconté une anecdote. Sa fille, âgée de 6 ans, interrogeait de temps en temps une enceinte connectée à la maison. Mais celle-ci ne savait ni faire des blagues ni chanter des chansons : autant dire qu’elle ne servait à rien et que la fillette la trouvait « bête ».
Un jour, par l’entremise de son père, la petite fille a entamé une conversation avec ChatGPT, l’intelligence artificielle (IA) générative d’OpenAI, qui est désormais dotée d’une fonction « voix » accessible à tous. Là, c’était tout autre chose. « Cela a duré dix ou quinze minutes, raconte Nicolas. Je n’ai pas eu besoin d’intervenir : l’échange rebondissait en permanence. Un échange de petite fille qui saute un peu du coq à l’âne. Elle lui parlait de sa soirée pyjama chez une copine. ChatGPT comprenait tout ce qu’elle disait, démarrait ses réponses avec un petit mot valorisant, et la relançait avec une question. » Nicolas est plutôt technophile – c’est même dans ses attributions de poste. Mais il a mis fin à ce coup de cœur fillette-machine : « Il a fallu que je l’arrête, et que je lui explique que c’était dangereux, parce que ChatGPT était trop gentil avec elle. Il était extrêmement poli, d’humeur égale, bienveillant. Même ton meilleur ami, il ne pourrait pas te parler comme ça pendant plus de cinq minutes. »
D’abord, en entendant cela, mon instinct de boomeuse technophobe biberonnée à Frankenstein et Matrix a pris le dessus. Les machines sont en train de gagner, me suis-je dit, et nos enfants sont leurs proies. Puis, je me suis calmée. Et une inquiétude à peine moins irrationnelle a pris le relais. Et si ChatGPT était un meilleur parent que nous ? Après tout, que disent les bases de l’éducation bienveillante, cette théorie autour de laquelle tout le monde s’écharpe depuis quelques années, principalement portée en France par Isabelle Filliozat ? Qu’il faut être à l’écoute de son enfant ; montrer de l’empathie à son égard ; lui formuler des demandes de façon positive ; ne pas crier, élever la voix, ou le punir ; être patient et disponible.
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