par Apolline Le Romanser publié le 12 mars 2024
Pouvoir entrer en Ehpad et quand même garder sa boule de poils, de plumes ou d’écailles avec soi. L’accueil généralisé des animaux dans les établissements pour personnes âgées va être au menu des discussions entre députés et sénateurs ce mardi 12 mars. L’amendement sur ce sujet, figurant dans la proposition de loi «Bien vieillir», est en effet discuté en commission mixte paritaire (CMP).
Ce que prévoit la mesure
Le député Philippe Juvin (LR), à l’origine de l’ajout de cet article supplémentaire dans la proposition de loi, entend obliger les 7 500 Ehpad publics, privés ou associatifs à garantir «le droit de leurs résidents d’accueillir leur animal domestique et [prendre] les dispositions nécessaires à leur accueil». Adopté par l’Assemblée en novembre dernier, il avait ensuite été retoqué par le Sénat. Députés et sénateurs vont donc tenter de trouver un terrain d’entente ce mardi.
Le gouvernement a défendu début mars l’instauration d’un tel droit dans la loi. S’il est adopté, il s’imposera aux structures publiques comme privées, a assuré le 1er mars Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées, sur France 2. «Il va falloir être réaliste», on ne pourra pas apporter «un animal comme un boa», a-t-elle toutefois averti. Ce sont plutôt «les chiens, les chats, le poisson rouge, le petit canari» qui seront les bienvenus.
Dans les faits, certains établissements – Ehpad ou résidences seniors – autorisent déjà leurs résidents à amener leurs animaux de compagnie : l’accueil et ses modalités varient d’un règlement intérieur à l’autre.
Les défenseurs des animaux
«La présence de l’animal est essentielle pour le bon équilibre des pensionnaires. Si cette personne a vécu cinq, six, peut-être dix ans avec un animal et doit s’en séparer parce que l’Ehpad ne l’accepte pas, c’est traumatisant», soutient auprès de Libération Fabienne Houlbert, fondatrice de l’association Terpta, qui aide les propriétaires à vieillir avec leurs animaux en Ehpad.
C’est aussi ce que défend le député Philippe Juvin dans son amendement : «Au-delà de l’attachement à leur compagnon, ce dernier aide le résident à socialiser, à rester actif, mais aussi stimule sa mémoire et lutte contre le phénomène de «glissement». «Aujourd’hui, nos refuges accueillent trop souvent des chiens et chats dont les maîtres ont été contraints de s’en séparer à contrecœur, lors de leur transfert en Ehpad […] Il est indispensable et plus que temps que la loi mette fin à ces situations dramatiques !» saluait pour sa part en décembre Reha Hutin, présidente de 30 Millions d’Amis.
Même réaction positive du côté d’organismes représentatifs des établissements, comme le Synerpa, principal syndicat des Ehpad privés : «C’est une mesure qu’on réclamait […] qui est extrêmement importante, a réagi son président au micro de Franceinfo. On sait bien que les personnes âgées, et notamment lors d’une arrivée en établissement, sont assez en retrait. Ça permet des interactions sociales avec des salariés, avec d’autres résidents.» Il reconnaît toutefois l’importance de «cadrer cette pratique dans le règlement intérieur des établissements pour des raisons sanitaires et de cohabitations».
Les opposants au projet
C’est justement l’application concrète de cette proposition qui a conduit les sénateurs à retoquer l’amendement initial : «Un droit opposable introduirait un réel risque pour les Ehpad, puisque les animaux peuvent poser des risques sanitaires (allergies, hygiène, chutes et morsures) mais aussi organisationnels en cas d’incapacité du résident de s’en occuper.», affirment les rapporteurs Jean Sol et Jocelyne Guidez. Se pose également la question de la gestion des animaux au quotidien. Elle risquerait en effet d’incomber en grande partie au personnel des Ehpad, qui dénoncent déjà depuis longtemps leurs conditions de travail à la chaîne et le manque d’effectifs.
«Nous devons étudier la bonne manière d’accueillir ces animaux», reconnaît Fabienne Houlbert, dont l’association travaille sur des structures qui permettraient de rassembler les animaux au sein des Ehpad, mais hors des chambres. Un cadre trop restrictif serait par exemple rédhibitoire pour les familles, mais des conditions pour bien mettre en œuvre ce droit sont nécessaires pour les autres résidents et le personnel. «Des animaux qui avaient l’habitude de l’extérieur se retrouvant enfermés dans 15 m² peuvent aussi très mal le vivre, souligne la responsable associative. On a connu le cas d’un chat qui a dû être sorti pour cette raison. Il faut penser au bien-être animal, sans quoi le propriétaire ira aussi mal de toute façon.»
Si l’obligation pour tous les établissements d’accueillir ces animaux est finalement approuvée par la Commission ce mardi, ces modalités pratiques devraient être définies par décret, après consultation des acteurs du secteur. «Je veillerai à ce que ce soit très vite appliqué», a assuré Fadila Khattabi. Soit, normalement, au printemps.
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