par un collectif de personnalités politiques et d'élus locaux publié le 7 mars 2024
Alors que ce mandat présidentiel avait été placé sous le signe de l’égalité entre les femmes et les hommes, la réalité démontre que le gouvernement n’a que timidement avancé en la matière. De leur côté, les collectivités locales ne sont pas restées immobiles. Ces dernières années, elles ont innové, expérimenté et surtout agi. Forts de notre expérience en la matière, nous interpellons aujourd’hui le gouvernement sur dix mesures pragmatiques à prendre pour honorer sa promesse.
Le 25 novembre 2017, le président de la République affirmait vouloir faire de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son mandat. Le 20 décembre 2023, il défendait publiquement Gérard Depardieu, visé par deux plaintes pour viol et agression sexuelle, déclarant que celui-ci rendait «fière la France».
Six ans se sont écoulés entre ces deux prises de parole. Que s’est-il passé en six ans ? Comment est-on passé de l’espoir le plus fort, en faveur d’une cause indispensable à notre société, à une indignation aussi entière ?
Six ans se sont écoulés et pourtant : chaque année, 210 000 femmes sont toujours victimes de violences conjugales, cela sans compter les 123 féminicides (une victime tous les trois jours), selon le ministère de l’Intérieur. L’écart de revenu salarial entre les femmes et les hommes dans le secteur privé reste en moyenne de 25 %, selon l’Insee. En 2023, c’est le 6 novembre que les femmes ont commencé à travailler gratuitement, selon le collectif les Glorieuses. Le nombre de familles monoparentales est en augmentation, atteignant presque 25 % (soit 2 millions de familles), 82 % étant composées par la mère et son ou ses enfants, toujours selon l’Insee. Des familles plus souvent exposées à la précarité.
Durant cette période, les collectivités locales ont su prendre la mesure de cet enjeu de l’égalité femmes-hommes, en lançant des initiatives puissantes : mise en place d’un congé paternité d’une durée égale à celui du congé maternité ainsi que du congé menstruel, formation des agents et des élus aux enjeux de l’égalité femmes-hommes dans leur pratique quotidienne, intégration dans la commande publique de mesures en faveur de la parité, expérimentation du budget genré, déploiement opérationnel de dispositifs afin de ménager des lieux sécurisés pour les femmes dans l’espace public notamment la nuit et lors d’événement festifs, multiplication des Maisons des femmes afin de permettre l’accueil de femmes victimes de violences…
Pendant ce temps, que fait l’Etat ? Que propose le gouvernement ? Tout est dit dans le rapport de la Cour des comptes, rendu public le 14 septembre dernier : la politique menée n’a permis que des «avancées limitées», en raison d’«erreurs de méthode», «d’absence de stratégie globale» et de «pilotage efficace». Il est encore temps de faire de ce second quinquennat un mandat résolument engagé en faveur de l’égalité femmes-hommes. Après les errements de la loi anti-immigration, il est temps de revenir au progressisme et à l’humanisme qui de tout temps ont fait la force de la France.
Rappelons-le : selon les travaux de la chercheuse Lucile Peytavin,plus de 95 milliards d’euros pourraient être économisés annuellement à moyen terme si une politique globale permettait de réduire les comportements virilistes de notre société. Soit une fois et demie le budget dédié à l’Education.
L’Etat doit agir et faciliter la capacité d’initiative des collectivités territoriales. L’enjeu n’est pas uniquement financier, même si la mise à disposition d’un budget de 2,6 milliards d’euros – montant proposé par la Fondation des femmes en 2023 à comparer aux 76 millions prévus par le gouvernement en 2024 (soit environ 620 fois moins que le budget de la Défense) – serait à même d’accentuer indéniablement les initiatives. L’enjeu est également réglementaire et de portée symbolique.
Nous proposons donc dix mesures qui doivent constituer une feuille de route au cours des prochains mois. Nous demandons ainsi au gouvernement :
1) de poursuivre le travail engagé suite à l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, en interrogeant également la possibilité d’y intégrer l’accessibilité à la contraception ;
2) d’encourager de manière volontaire la recherche publique en faveur de la contraception masculine ;
3) de proposer dans l’ensemble de la fonction publique un congé paternité égal en durée à celui du congé maternité, soit dix semaines, et d’encourager les entreprises à en faire de même ;
4) de constituer un parcours et un accompagnement spécifiques dans l’ouverture et l’accessibilité aux droits des familles monoparentales, en mettant en place des interlocuteurs dédiés et spécifiquement formés ;
5) d’assurer la mise en application du code de l’éducation sur «l’information et l’éducation à la sexualité […] présentant une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes» et le déploiement massif, par le biais de celui-ci, de fresques du sexisme dans les lycées ;
6) de financer l’installation et le fonctionnement sur l’ensemble du territoire français de Maisons des femmes, afin de faciliter l’accueil et la prise en charge des victimes, et de faciliter le lien avec les services de l’Etat, notamment la police, pour faciliter les dépôts de plainte ;
7) de financer la mise en place de lieux ressources sur le modèle du centre Hubertine-Auclert (Saint-Ouen-sur-Seine) et de la Maison pour l’égalité femmes-hommes (Echirolles) afin de renforcer notre culture commune ;
8) de prévoir la construction et la mise à disposition de logements d’urgence, temporaires, pour les femmes victimes de violence conjugale, intégrés à un véritable parcours d’accompagnement (lien avec la gendarmerie ou la police, mise à l’abri, accompagnement vers le relogement, vers l’ouverture ou l’accès aux droits, vers l’emploi…) ;
9) d’inscrire dans le code général des collectivités territoriales, en adéquation avec l’accord relatif à l’égalité professionnelle dans la fonction publique de 2018, l’obligation de disposer de référents égalité femmes-hommes afin de porter un regard transversal sur les politiques conduites ;
10) d’impulser la mise en place d’un budget genré à l’échelle de celui de l’Etat et appliquer l’éga-conditionnalité dans le versement des aides dans tous les domaines : artistiques, culturels, sportifs, économiques…
Nous devons rêver d’une société meilleure. Mieux, nous devons tout faire pour qu’elle advienne. Pour nous, et pour les générations futures.
Premiers signataires : Christiane Taubira Ancienne ministre de la justice, garde des Sceaux, Najat Vallaud-Belkacem Ancienne ministre du Droit des femmes, de la Ville de la Jeunesse et des Sports, conseillère régionale Aura Carole Delga Présidente du conseil régional d’Occitanie Chaynesse Khirouni Présidente du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle Stéphane Troussel Président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis Alain Anziani Président de la métropole de Bordeaux et maire de Mérignac Michaël Delafosse Président de Montpellier Méditerranée Europe et maire de Montpellier Christophe Ferrari Président de Grenoble Alpes métropole et maire de Pont-de-Claix Nicolas Mayer-Rossignol Président de métropole Rouen Normandie et maire de Rouen Philippe Dupouy Président du conseil départemental du Gers Xavier Fortinon Président du conseil départemental des Landes Mahaut Bertu Maire adjointe à la ville de Nantes en charge de l’égalité, de la ville non sexiste, de la lutte contre les discriminations Corine Lemariey Conseillère déléguée à Grenoble Alpes métropole à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations Michel Menard Président du conseil départemental de Loire-Atlantique Florian Bercault Président de Laval agglomération et maire de Laval Magali Gallais Maire adjointe à la ville de Clermont-Ferrand en charge de l’égalité des droits et des luttes contre les discriminations Sophie Bourgade Maire adjointe à la ville de Chambéry en charge de la ville inclusive, de la lutte contre les discriminations et l’égal accès au service public.
Liste complète des signataires.
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