Par Catherine Mary Publié le 01 septembre 202
CRITIQUE Jean-Yves Duhoo allie habilement la poésie et l’humour pour inviter à une expérience sensible de la découverte du cerveau, tout en s’appuyant sur un riche corpus de connaissances.
Le livre. Dans Mister cerveau, un explorateur que l’on devine être l’auteur, Jean-Yves Duhoo, s’embarque à bord d’une soucoupe volante en compagnie de deux « nano-neurologues », sur la base d’une amusante proposition : « Vous voulez voir un peu de pensée ? » Ils volent dans un espace intergalactique fait de l’enchevêtrement d’étranges racines émises par des bulbes qui s’illuminent jusqu’à saturation. Nous sommes dans le cerveau, tel que se le représente Jean-Yves Duhoo.
Tout l’intérêt du livre réside, comme le souligne dans sa préface le neurologue Lionel Naccache, dans la liberté que s’octroie l’auteur à restituer par l’imaginaire un riche corpus de connaissances tant sur la structure et le fonctionnement du cerveau que sur l’histoire et les lieux de ses découvertes. A l’issue du voyage, il convoque le Petit Prince perché sur une planète inédite, où les axones ont remplacé les baobabs. C’est le neurone, « cellule de base du système nerveux », que l’on trouve aussi dans le ventre et dans l’intestin, précise la légende.
Les chauffeurs de taxi londoniens en exemple
Contournant l’écueil de l’explication savante, l’auteur allie habilement la poésie et l’humour pour inviter à une expérience sensible de la découverte du cerveau. Il introduit l’hippocampe, la région impliquée dans la mémorisation, en racontant sa visite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, suivie de sa réflexion devant sa table de travail. « Les sensations éprouvées lors de la visite ont créé une petite goutte de fluide qui est venue irriguer l’hippocampe », écrit-il en légende d’un dessin d’un cheval des mers changeant de couleur avant d’introduire une bulle blanche qui, dans l’image suivante, s’emplit de figures géométriques symbolisant les images mémorisées. Il peut ensuite expliquer le rôle central de cette zone spécifique dans le stockage des informations, puis mettre en scène un personnage rendu vulnérable par la perte de ses repères spatiaux, symptôme de la maladie d’Alzheimer. « Chez les chauffeurs de taxi londoniens, l’hippocampe est plus gros que la moyenne », rappelle-t-il, tandis que l’animal aquatique répond, « pourquoi londoniens ? ».
Pour questionner les idéologies, Jean-Yves Duhoo s’appuie aussi sur son double, l’Oncle Ho. « Mais le cerveau n’existe que s’il est en interaction avec le monde extérieur. Sans cela, on n’est rien… Rien ne vaut la marche à pied pour activer le cerveau. Platon le disait déjà », lui fait-il remarquer au sujet des attentes suscitées par l’intelligence artificielle. Il n’hésite pas non plus à multiplier les représentations du cerveau, qu’il s’agisse du plan de la ville de Paris, utilisé comme métaphore, ou d’un dessin inspiré de Giuseppe Arcimboldo. En jouant ainsi sur les décalages, il parvient non seulement à instruire le lecteur, mais aussi à l’initier à la démarche du chercheur. Il n’existe aucune vraie représentation du cerveau, semble-t-il lui dire, mais une multitude de modélisations à partir desquelles il devient possible d’en penser la complexité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire