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lundi 7 décembre 2020

HÉLÈNE DELPRAT TIRE SES RÉFÉRENCES

Par Elisabeth Franck-Dumas  7 décembre 2020 







Foisonnantes et drôles, les toiles de l’artiste accumulent les emprunts avec un sens aigu de l’autodérision et un goût prononcé pour les détails.

Si l’on ne connaissait pas déjà Hélène Delprat, si d’aventure on n’avait jamais vu ses toiles, l’on serait conquise rien qu’en feuilletant I Hate My Paintings («je déteste mes peintures»), publié à l’occasion de l’expo du même nom à la galerie Christophe Gaillard, à Paris (IIIe). L’on y trouve par exemple ceci : «Mais il faut bien le dire, on ne s’amuse pas beaucoup avec la peinture !!! C’est l’Art de l’Ennui» - et sans être complètement d’accord avec elle, on note que l’artiste utilise trois points d’exclamation, ce qui est un peu osé. Ou encore cela : «Comment Magritte a-t-il pu assumer sa Période Vache.

Je me le demande souvent» et là évidemment ce qui plaît, c’est l’absence de point d’interrogation. Hélène Delprat est très forte en ponctuation, d’ailleurs dans son travail tous les détails comptent, les grandes coulées rose bubble-gum et les petites écritures cachées, les insectes à la Odilon Redon et les étendards à motifs, l’aspect rouleau de peinture chinoise et l’aspect grotesque Renaissance, ce qui emprunte à Magritte et ce qui fait penser à Matisse. Si, si, Matisse : pour l’utilisation du décoratif et de la bordure, pour l’absence d’un centre évident. Car ça foisonne en tous sens dans les toiles d’Hélène Delprat, c’est souvent drôle, et l’on peut s’amuser à trouver les références ou pas, à se demander comment a fonctionné le coq-à-l’âne, et qui est arrivé le premier sur la toile : le petit bonhomme qui se promène avec une jambe de bois échappé de chez Daumier ou les gais petits blobs aux yeux de dessins animés (eux, sortis de chez Disney) ou encore les chevaliers revenus d’une improbable croisade. Sur leur fanion, on lit quoi ? Rien, du noir. C’est reposant. Ou alors la mention «I hate my paintings» et finalement il faut comprendre Hélène Delprat, même si on les aime, ses peintures : nous aussi on déteste nos articles et on les écrit quand même.

Ses fonds prêtent à la rêverie, ses fonds sont magnifiques, ils importent autant que les sujets, d’ailleurs peut-être les ont-ils avalés à coups de raclures de blanc, de taches de doré, de motifs tartan, de dégradés de vert et de nuages gris ou blanc. C’est onirique, par endroits Art Déco, un peu conte de Grimm, bref plein de sortilèges : les personnages n’en sortiront jamais, suspendus dans un drôle de hors-temps, une forêt sans issue, mais à leur place nous non plus. «Moi qui adore Barnett Newman, on peut dire qu’on en est loin», s’intitulait la précédente expo de l’artiste en ces murs. Certes. Mais Hélène Delprat nous offre autre chose, un coin de rideau levé sur un esprit en ébullition, pétaradant d’images, presque une complicité.

Hélène Delprat I Hate My Paintings Galerie Christophe Gaillard, 75003. Jusqu’au 31 décembre,




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