| 09.02.2017
Le tribunal administratif de Marseille a ordonné en référé la poursuite des soins de Marwa, un an, réclamée par les parents, contre l'avis du corps médical de l'hôpital de la Timone, où le bébé est hospitalisé, et plongé dans un coma artificiel. L'AP-HM a décidé de saisir le Conseil d'État.
Décision médicale « prématurée »
Le tribunal juge que la décision d'arrêt des soins, prise début novembre alors que l'enfant avait été admis à la Timone fin septembre, pour une infection virale grave, a été « prématurée car prise au terme d'un délai qui n'était pas suffisamment long pour évaluer, de manière certaine, l'inefficacité des thérapeutiques en cours et la consolidation de l'état de santé de l'enfant ».
Le tribunal se fonde sur l'expertise qu'il a diligentée dans le cadre de la procédure judiciaire. Les experts refusaient de trancher le débat éthique. Ils disaient partager le « pronostic clinique extrêmement négatif » des médecins de l'hôpital de la Timone : Marwa « est consciente mais atteinte d'un déficit moteur majeur et irréversible », écrivaient-ils, confirmant « une atteinte neurologique sévère et définitive » malgré « quelques améliorations constatées ». Selon eux, « l'évolution va conduire à un handicap majeur chez une enfant grabataire ». Néanmoins, les experts rappelaient que les parents « acceptaient tous les deux le handicap de leur enfant en pleine connaissance de cause ».
Le tribunal estime ce 8 février que l'avis des parents revêt dans ce cas « une importance toute particulière ».
À la suite de cette décision, l'AP-HM a réagi en déclarant partager la douleur de la famille et soutenir l'équipe médicale et le personnel soignant. « Compte-tenu des conséquences et de la portée générale de la décision du tribunal », l'AP-HM porte l'affaire devant le Conseil d'État*.
Obstination déraisonnable ?
« La seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible de perte d'autonomie la rendant tributaire d'une alimentation et d'une ventilation artificielles ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable », soulignent encore les juges.
À l'audience, le père de Marwa, Mohamed Bouchenafa, avait demandé qu'on laisse à sa fille « une chance de vivre », tandis que l'avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), Me Olivier Grimaldi, avait mis en avant « une obstination déraisonnable des parents », assurant que l'« information et l'accompagnement de la famille » avaient été effectués dans les règles par l'hôpital. »
« C'est une incontestable victoire du droit de la vie. Ce jugement rejette la seule invocation de l'obstination déraisonnable comme argument pour ôter la vie. Il montre qu'il est nécessaire d'examiner la singularité de chaque situation », souligne Me Samia Maktouf, avocate des parents.
Pour rappel, la loi du 2 février 2016 Leonetti-Claeys, définit ainsi l'obstination déraisonnable : « (Les soins et traitements actifs) ne doivent être ni mis en œuvre, ni poursuivis au titre du refus d’une obstination déraisonnable lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, et selon la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs. La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. »
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