Place de la République, 17 heures, jeudi 14 avril. Une poignée de blouses blanches sortent d'un camion banderoles, affiches, puis bravant la pluie, montent une bâche à coup de pansements Velcro. À côté de grands draps clamant « Hôpital Debout » sur fond noir et violet, les pancartes des précédentes luttes sont ressorties, comme l'affiche du 19 juin 2013 défendant les maternités des Lilas et des Bluets, un panneau d'opposition aux franchises médicales, ou une banderole contre les Ordres.
Un passant interroge un groupe de soignants sur les responsables. « Il n'y a pas de chef ! », répondent-ils. Que des personnels d’Henri-Mondor, Saint-Louis, Pompidou, la Pitié, Tenon, mais aussi des centres de santé et de l'établissement public de santé de Ville-Évrard. Certains, comme Olivier Youinou, infirmier anesthésiste, sont syndiqués à Sud Santé ; d'autres émargent à divers collectifs (Notre santé en danger, Santé indignée, Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternité de proximité, etc.). « Mais on ne vient pas ici sous cette étiquette. Le mouvement ne part pas des syndicats traditionnels, l'information passe par les réseaux sociaux, Facebook et Twitter. On est là en tant que citoyens, car l'accès à la santé est au cœur d'une société plus juste », explique au « Quotidien » Olivier Youinou.
Vers 18 h 30, le micro grésille. « Tout le monde a la parole. On ouvre le débat », lance Jean, après un hommage à la féministe Maya Surduts. Céline, au nom de la commission Santé de Nuit Debout, lui succède : « Le but est de se réunir dans l'idée d'une convergence des luttes entre représentants de la Santé. » Elle appelle toutes les bonnes volontés à venir la voir pour parler organisation. « C'est compliqué de faire grève à l'hôpital, car on doit continuer à soigner les gens », reconnaît-elle. Et de porter haut le verbe pour encourager le public à participer aux groupes de travail pour un hôpital « humain ». « Nous ne sommes peut-être qu'une minorité dans chaque hôpital, mais il faut que nous échangions nos contacts entre nous », enchérit une salariée de la Pitié-Salpêtrière.
Pendant deux heures, les interventions se succèdent. Des soignants et des paramédicaux surtout, parfois des usagers. Ils dénoncent : la loi Touraine, le plan Hirsch, vu comme une anticipation de loi El Khomri à l'hôpital, la souffrance au travail, l'austérité, le manque de temps et de moyens, la vétusté du matériel, la pénurie médicale, les encoches faites contre le temps de repos, les groupements hospitaliers de territoire (GHT), les attaques portées contre la proximité des soins, le DMP. « On ne peut pas se satisfaire de reconnaissance seulement au lendemain des attentats, c'est tous les jours qu'il faut préserver le système public », entend-on. Les mains se lèvent en signe d'approbation (selon les codes de communication en vigueur à Nuit Debout), les applaudissements fusent.
La voix des psychiatres
Rares étaient les médecins présents à Hôpital Debout, à l'exception des psychiatres, qui, collectif des 39 contre la nuit sécurité, Humapsy, ou Utopsy, ont défendu jusque tard dans la soirée « une psychiatrie à visage humain ». Les médecins de Ville-Évrard (Seine-Saint-Denis) ont notamment partagé leur combat contre l'intégration de l'EPS au GHT 93 Est, non exclusivement psychiatrique, qui met en danger selon eux, la proximité, la continuité et la qualité des soins. D'autres ont mis en garde contre la disparition du secteur psychiatrique, les pratiques de contention, le tout-sécuritaire et tout-normatif, ou encore la restriction à une conception neurobiologique de la pathologie psychique.
Hôpital Debout donne de nouveau rendez-vous ce 15 avril, à partir de 18 heures.
* Selon le calendrier spécifique du mouvement né le 31 mars, dans le sillage de la manifestation contre la loi Travail El Khomri
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