Selon le Centre de Recherche pour l'étude et l'Observation des conditions de vie (Credoc), la qualité de vie des seniors s’est considérablement améliorée ces trente dernières années. En meilleure santé, plus sportifs, ayant plus souvent recours à la chirurgie esthétique,ils entrent de plus en plus tard dans la vieillesse.
«La vieillesse, c'est quand on commence à dire : " Jamais je ne me suis senti aussi jeune », a écrit Jules Renard. Un paradoxe qui garde son actualité, alors qu’on voit se profiler depuis plusieurs années une nette amélioration de la qualité de vie des personnes âgées en France, aboutissant à un « rajeunissement » de nos aînés.
Ce que montre bien l’enquête réalisée par le Credoc sur l’ « Évolution des aspirations et des conditions de vie des seniors depuis trente ans » publiée en 2013. Selon ce travail, l’âge d’entrée dans la vieillesse est de plus en plus tardif. Il a ainsi évolué, pour les hommes, de 60 ans en 1850, à 70 ans en 1995, et il est passé, chez les femmes, de 61 ans à 75 ans au cours de la même période.
L’âge d’arrivée en Ehpad recule d’année en année
Ce constat est partagé par le Pr Bruno Vellas, coordonnateur du Gérontopôle et chef de service de Gériatrie au CHU de Toulouse. Il a conduit une étude importante sur ce sujet, avec l’université du Nouveau Mexique (Etats-Unis). Les chercheurs se sont aperçus que c’est tardivement, après 75 ans, et plus précisément dans cette étude à 78 ans, qu’apparaissent les risques de perte de capacité fonctionnelle, qu’elles soient cognitives ou de mobilité, et que la réversibilité de ces symptômes est plus difficile. Quant à l’âge d’arrivée des seniors en Ehpad, il recule d’année en année observe le gériatre, le seuil actuel étant de 86 ans.
L’amélioration de la qualité de vie des gens âgés, au-delà de leur pouvoir d’achat augmenté (la France est le pays d’Europe où la pauvreté des seniors est la moins répandue), se manifeste aussi par le fait que les personnes d’âge mûr sont rattrapées plus tardivement par le handicap, selon le Credoc. En 2013, on comptait 40 % de handicapés ou de porteurs de maladies chroniques à 71 ans alors que ces mêmes taux étaient retrouvés à 61 ans en 1975.
Des performances améliorées
Les seniors prennent également d’avantage « leur santé en main » et sont plus sportifs qu’auparavant. D’après le Credoc, le taux de fréquentation d’un club de sport est actuellement supérieur à 80 % jusqu’à l’âge de 68 ans, tandis que jadis, ce seuil était atteint à 56 ans. Des chercheurs ont d’ailleurs découvert que les plus de 65 ans ont amélioré leurs performances physiques en trente ans.
Ainsi, les marathoniens seniors sont aujourd’hui plus rapides que dans les années 1980. C’est ce qu’ont mis en évidence des scientifiques de l’Inserm (unité 1093), en analysant l’évolution de la participation et des performances des coureurs âgés de 20 à 80 ans au marathon de New York, au cours de ces trente dernières années. Les résultats publiés en 2012 dans la revue AGE, le journal officiel de l’association américaine sur le vieillissement, montrent qu’au cours des deux dernières décennies, les performances des meilleurs marathoniens de plus de 65 ans ont particulièrement progressé alors que celles de leurs homologues plus jeunes sont restées stables. Ce qui, d’après l’un des auteurs de l’étude, pourrait s’expliquer par l’augmentation du nombre de participants à des marathons observé dans ces catégories d’âge, mais aussi par l’intérêt croissant que porte cette population aux bénéfices de l’activité physique pour son bien-être.
Le sport en prévention de certains cancers
De fait, ceux-ci sont multiples. Un travail publié dans le BEH du 6 octobre 2015 met en exergue qu’au-delà de l’augmentation de la masse musculaire et de la densité osseuse, l’activité physique pourrait agir sur la plasticité cérébrale dans certaines pathologies comme la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer.
Dans ce cadre, le rôle de myokines libérées par le muscle lors de l’exercice, et qui auraient une action au niveau de l’hippocampe, a été étudié. L’exercice physique aurait aussi un effet sur l’inflammation chronique à bas bruit, qui accompagne l’avancée en âge. Pratiqué régulièrement, il favoriserait l’instauration d’un processus de modulation de l’état inflammatoire.
On a également découvert des effets positifs du sport sur la prévention de certains cancers et leur survie (néoplasie du sein pour la femme, néoplasie du côlon pour les deux sexes). Et une revue récente de méta-analyses a montré que, vis-à-vis de la mortalité liée à des pathologies cardiovasculaires ou métaboliques, l’exercice seul avait au moins autant d’effets que les traitements pharmacologiques.
Une alimentation plus saine
Ce souci du bien-être corporel s’étend aussi à la nourriture. On constate que les seniors sont plus soucieux de leur alimentation que le reste de la population. D’après le Baromètre santé nutrition 2010, les plus de 60 ans sont presque trois fois plus nombreux à consommer cinq fruits et légumes par jour.
Enfin, pour rester jeune, le senior hésite de moins en moins à avoir recours à la chirurgie esthétique, dont l’usage est, chez les sexagénaires, de plus en plus fréquent, note le Dr Patrick Trevidic (chirurgien plasticien, hôpital Sainte Anne, Paris). Le but assumé n’est pourtant pas, en général, le rajeunissement, mais plutôt le combat contre une image négative de soi, engendrée par des poches sous les yeux ou un affaissement du visage constatés dans la glace.
En meilleur état général et plus actif, le senior se sent logiquement en bon état de santé plus longtemps. D’après le Credoc, le taux de personnes déclarant avoir ce sentiment se maintient au-dessus de 80 % jusqu’à 75 ans aujourd’hui, alors qu’il fléchissait plus tôt (vers 56 ans) il y a trente ans.
Moins traditionalistes que leurs aînés
Le rajeunissement des seniors ne concerne pas que leur apparence. Les plus de 60 ans sont aussi plus progressistes que leurs aînés en matière de mœurs, se rapprochant ainsi de l’opinion des plus jeunes. Les sexagénaires se démarquent notamment de leurs prédécesseurs par rapport au mariage : Ils ne sont plus que 17 % à penser qu’il doit être indissoluble, soit une chute de 24 % en trente ans, alors qu’ils sont 30 % chez les 70 ans et plus. Et la proportion de seniors qui se prononce en faveur du mariage de couples homosexuels a progressé. Aujourd’hui, 48 % des sexagénaires et 33 % des 70 ans et plus sont pour contre 38 % et 25 % respectivement au début des années 2000.
Moins traditionalistes, ils sont également, à l’instar des jeunes, friands de nouvelles technologies comme les smartphones et les tablettes, pointe Raphaëlle Lambert-Pandraud, professeur à l’Ecole supérieure de commerce de Paris. Mais pas pour les mêmes raisons. Dans leur cas, c’est parce qu’elles leur permettent un contact plus facile avec leur famille et leurs proches, analyse-t-elle. Elle explique aussi que les seniors interrogés disent systématiquement se sentir dix ans plus jeunes que leur âge biologique.
Ils se sentent jeunes mais sont-ils heureux, ces nouveaux seniors ? C’est ce que semble indiquer un sondage « Harmonies mutuelles-Le Monde », réalisé en juin 2014 auprès d’un échantillon représentatif de personnes âgées résidant à domicile et complété par une consultation auprès des personnes résidant en Ehpad. Ses résultats : 88% des seniors s’estiment « heureux » et pour un tiers d’entre eux « très heureux » ; Selon les mêmes proportions, les seniors se trouvent « bien entourés » (88%), et « intégrés à la vie sociale » là où ils vivent (93 %). Au-delà de leur propre situation, Ils sont 74 % à penser que les personnes de leur âge sont plutôt bien intégrées au sein de la société française.
Trois catégories chez les plus de 65 ans
Cet optimisme doit cependant être modulé, en fonction de l’âge et de l’état des seniors, souligne le Pr Vellas. Chez les plus de 65 ans, Il existe en effet trois catégories de personnes. Celles en bon état de santé, qui représentent 60 % des seniors, celles qui sont dépendantes pour les actes de la vie quotidienne (10 % des seniors) et les personnes âgées fragiles, qui sont à fort risque de dépendance mais dont le risque est encore réversible. Selon Bruno Vellas, la médecine gériatrique prend bien en charge les personnes dépendantes, mais ne se préoccupe pas assez des patients fragiles pour repérer les symptômes caractérisant cette fragilité (perte de poids involontaires, grande sédentarité, diminution de la force musculaire, vitesse de marche lente et sentiment de fatigabilité) avant que celle-ci ne devienne irréversible.
Il n’en reste pas moins, que, globalement, les seniors d’aujourd’hui, plus à l’aise financièrement, en meilleure santé et plus ouverts sur les questions de société, n’ont plus grand-chose à voir avec ceux d’il y a trente ans.
Une évolution qui, même s’il faut garder en tête la diversité des situations, bouleverse assurément les représentations sociales de la vieillesse.
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