Ottawa, le samedi 4 octobre 2014 – La notion d’ «irresponsabilité pénale » qui suspend les poursuites judiciaires des criminels atteints de troubles psychiatriques ayant « aboli » leur jugement au moment des faits a entraîné de nombreux débats en France, notamment quand certains (dont l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy) ont suggéré que si l’emprisonnement semblait de fait devoir être évité, une comparution pourrait néanmoins être envisagée. Outre les questionnements idéologiques autour de la pertinence de juger les personnes atteintes de troubles mentaux majeurs, ces controverses concernant la notion d’irresponsabilité pénale mettaient une nouvelle fois en lumière les limites de l’expertise psychiatrique, sur laquelle se fonde pourtant la décision des magistrats à l’heure de décider des suites à donner à une affaire.
Les neurosciences au secours des experts psychiatres auprès des tribunaux ?
Dans de nombreux autres pays, l’influence jouée par d’éventuels troubles psychiatriques dans le passage à l’acte d’un criminel n’est pas examinée en amont du procès mais au cours de celui-ci. Cette différence renvoie à des jurés non professionnels le très difficile rôle de déterminer si cette « circonstance » peut être retenue. Pour ces jurés, les possibles contradictions des spécialistes et le caractère nécessairement faillible de l’expertise médicale renforcent la complexité de leur dilemme. Cependant, à la faveur du développement des neurosciences, un nombre croissant de spécialistes estiment que dans l’avenir les experts psychiatres pourront s’appuyer sur l’imagerie ou sur des marqueurs biologiques, permettant ainsi d’assoir leur diagnostic et de mieux emporter la conviction du jury quant à la présence ou non d’un trouble mental ayant pu altérer ou abolir le jugement du prévenu et devant ou pas entraîner une sanction différente.
Tenter de comprendre « le Mal »
Ce développement des neurosciences et leur utilisation judiciaire dans le cadre notamment de la détermination de la « responsabilité » d’un criminel constituent le sujet d’une note récente du journaliste scientifique canadien Jean-François Cliche sur son blog. Il faut dire que le Canada a été récemment troublé par plusieurs affaires judiciaires dont les auteurs présentaient manifestement des troubles psychiatriques majeurs. Une importante émotion a ainsi traversé la population lors de la récente libération d’un ancien cardiologue, Guy Turcotte, ayant tué en février 2009 ses deux enfants et qui à l’issue d’un premier procès a été jugé « non criminellement responsable » en raison des troubles mentaux dont il est atteint. Par ailleurs, ce lundi s’est ouvert le procès de Luka Rocco Magnotta, qui en mai 2012 a sauvagement assassiné et démembré un étudiant chinois mettant en scène dans une vidéo sur internet ce crime sordide. Ces cas bien que très différents ont inspiré à Jean-François Cliche une réflexion sur les décryptages proposés aujourd’hui par les neurosciences pour ces manifestations incompréhensibles du « mal », selon son expression. Le journaliste se réfère notamment à deux ouvrages parus récemment au Canada « Murderous Minds. Exploring the Criminal Psychopathic Brain : Neurological Imaging and the Manifestation of Evil » du neuroscientifique Dean Haycok et « The Anatomy of Violence. The Biological Roots of Crime » d’Adrian Raine, professeur à l’Université de Pennsylvanie.
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