Enfants déscolarisés, insécurité alimentaire, problèmes de santé… Pour les familles en situation d'exclusion, la vie en hôtel social a des conséquences désastreuses. Au point, selon le SAMU social, que le système est arrivé à un point de blocage. Depuis 2010, les familles en demande d'hébergement d'urgence à Paris sont plus nombreuses que les personnes isolées. De ces ménages, dont les trois quarts en Ile-de-France sont orientés vers des hôtels sociaux, on ne connaissait que peu de chose.
Pour la première fois, une enquête d'ampleur intitulée « Enfants et familles sans logement », diffusée mercredi 1er octobre et réalisée par l'Observatoire du SAMU social, un centre d'études financé par des organismes publics et privés, permet de connaître les parcours et les conditions de vie de cette population. Et met en lumière les effets délétères d'une vie ballottée d'hôtel en hôtel.
Les 801 familles de l'échantillon retenu résident en hôtel social, en centre d'hébergement d'urgence (CHU), de réinsertion sociale ou pour demandeurs d'asile (CADA). En moyenne, ces familles sont sans domicile depuis trois ans et ont déménagé 4,3 fois. Cette mobilité est plus fréquente pour ceux hébergés à l'hôtel qu'en CHU.
SURPOIDS ET OBÉSITÉ CHEZ SEPT MÈRES SUR DIX
Première conséquence : entre 6 et 12 ans, 10 % des enfants ne sont pas scolarisés, soit dix fois plus que les estimations sur la population générale. Les retards à l'école, les ruptures de scolarité de quelques jours, des redoublements plus fréquents, témoignent de cet environnement instable.
Le provisoire d'un quotidien en chambre a aussi des répercussions sur la santé. 86 % des familles sont en insécurité alimentaire, c'est-à-dire qu'elles souffrent à des degrés divers de la faim. « Nous avons là un taux comparable à celui que l'on trouve dans les camps de réfugiés », dénonce Emmanuelle Guyavarch, directrice de l'Observatoire du SAMU social de Paris. L'anémie touche la moitié des mères et un tiers des enfants. Le surpoids et l'obésité sont aussi prégnants chez sept mères sur dix et un quart des enfants.
« Là encore, il s'agit de chiffres supérieurs de 10 points à la population générale française et proches de ceux observés en population infantile américaine, précise Emmanuelle Guyavarch.Pour beaucoup de familles, la seule façon de conforter leurs enfants est de leur apporter de la nourriture, souvent de mauvaise qualité nutritive. »
EN ILE-DE-FRANCE, 28 500 PERSONNES LOGÉES
En Ile-de-France, la mise à l'abri des familles se fait prioritairement dans les hôtels. Anciens « garnis » et meublés parisiens, hôtels de chaîne en perte de vitesse, établissements de tourisme ordinaire… sont ainsi réservés par des opérateurs comme le SAMU social de Paris qui, par le biais de son pôle d'hébergement et de réservation hôtelière, gère les demandes émanant du 115 de Paris, de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne. Il s'occupe aussi de la réservation des chambres d'hôtel pour le compte d'associations qui viennent en aide aux migrants et aux demandeurs d'asile.
Fin septembre, en Ile-de-France, 9 850 familles, soit 28 500 personnes, dont une moitié de mineurs, étaient logées dans 545 établissements par le pôle hôtelier du SAMU social. Les hôteliers sont payés sur la base d'un tarif moyen de 17 euros par nuit et par personne. En 2013, les dépenses hôtelières ont coûté 160 millions d'euros, soit près de 80 % du budget du SAMU social.
A de rares exceptions près, ces hôtels ne sont pas aménagés pour y vivre. L'interdiction et l'impossibilité de préparer des repas dans les parties privatives, l'absence de lieu où cuisiner (21 % des hôtels), de toilettes ou de douche dans chacune des chambres (29 %), l'interdiction encore fréquente de recevoir des visites dans certains établissements, ne permettent pas de sortir de la précarité. Au contraire, elles l'accentuent.
« LE PARC HÔTELIER EST À SATURATION »
Pour Eric Pliez, directeur du SAMU social de Paris, ces résultats édifiants justifient à eux seuls la nécessité de réformer en profondeur les modalités d'hébergement. « Chaque jour, nous accueillons vingt nouvelles familles, que nous n'avons plus les moyens d'accueillir. Le parc hôtelier est à saturation, chaque soir, plusieurs dizaines de familles restent à la rue. L'Etat doit déployer des solutions plus adaptées aux familles et souvent moins coûteuses », dénonce Eric Pliez, arrivé en 2013 à la tête du SAMU social, un groupement d'intérêt public financé à 90 % par l'Etat.
Le développement de places en appartements partagés entre plusieurs familles, le rachat d'anciens hôtels et leur transformation en résidences d'accueil gérées par des bailleurs sociaux ou des associations, l'ouverture de places en CADA ou dans d'autres dispositifs spécifiques d'accueil pour les familles demandeuses d'asile sont quelques-unes des pistes qui pourraient désengorger la filière de l'hébergement. « Avec une vraie volonté politique, au moins la moitié des chambres pourraient être réorientées vers d'autres dispositifs dans les cinq ans à venir », estime M. Pliez.
Les ministres successifs, malgré des annonces régulières sur la fin de la gestion hivernale de l'hébergement, n'ont jamais réussi à réformer en profondeur la politique d'hébergement. Jeudi 2 octobre, le Collectif des associations unies, qui rassemble une trentaine d'organisations en lutte contre le « mal-logement », a prévu une journée de sensibilisation et de mobilisation.
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