01/10/2014
La prévalence de la dépression au cours de la grossesse se situe entre 7 et 15 %. Des études précédentes ont suggéré que la dépression maternelle non traitée pouvait être néfaste pour la santé des mères et des enfants. Parmi les traitements médicaux utilisables au cours de la grossesse, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont les plus prescrits. Actuellement, nous disposons d’informations limitées sur les effets potentiels à long terme de l’exposition prénatale aux ISRS sur les fonctions neurocognitives de l’enfant. Ainsi, en ce qui concerne le développement du langage, les études sont limitées par les faibles effectifs et une absence de recul.
En Norvège, une étude prospective a examiné les compétences en matière de langage d’enfants de trois ans, selon qu’ils avaient été exposés ou non aux ISRS au cours de la grossesse, tout en prenant en compte les symptômes maternels d’anxiété et de dépression avant, au cours de et après la grossesse.
Pour cette étude a été recrutée entre 1999 et 2008, une cohorte de 45 266 femmes représentative de la population, 51 748 grossesses de singletons étant prises en compte.
Le critère principal portait sur les capacités de langage de l’enfant à l’âge de trois ans, mesurées sur une échelle validée et rapportées par la mère.
Au total, il a été signalé l’utilisation d’ISRS dans 386 grossesses (0,7 %), et à au moins deux reprises pour 161 (42 %) d’entre elles. La prise d’ISRS était plus fréquente dans les couples où la mère et le père avaient un niveau d’éducation plus bas que la moyenne, chez les mères seules, dans les cas de tabagisme au cours de la grossesse et de grossesses non planifiées.
Soixante-dix sept pout cent des enfants faisaient à l’âge de 3 ans des phrases complexes et longues, 19 % des phrases presque complètes, 3,3 % des phrases de 2 ou 3 mots et 0,4 % ne s’exprimaient que par des mots uniques ou de manière inintelligible. Seuls 57 % des enfants dont les mères avaient pris des ISRS se rangeaient dans le groupe de ceux qui avaient les meilleures performances de langage contre 77 % pour ceux qui n’avaient pas été exposés aux ISRS in utero.
Ainsi comparés aux enfants des mères qui n’avaient pas été traitées par ISRS, le risque relatif (RR) de ne faire que des phrases incomplètes (et donc de ne pas avoir le meilleur niveau de langage) a été calculé à 1,21 (intervalle de confiance à 95 % [IC à 95 %] : 0,85-1,72) et 2,28 (1,54-3,38) en cas d’exposition aux ISRS à court et à long-terme, respectivement. Pour le retard de langage les RR sont de 0,86 (IC à 95 % 0,42-1,76) et de 2,30 (IC à 95 % 1,21-4,37). La présence de manifestations d’anxiété et de dépression au cours de la grossesse a été associée de façon indépendante au retard de langage ; RR ajusté = 1,25 (IC à 95 % 1,03-1,50) et 1,83 (IC à 95 % 1,0-2,40) pour les symptômes de courte et à longue durée, respectivement.
En conclusion, les résultats de cette large étude de cohorte, représentative de la population, suggèrent que l’exposition prénatale aux ISRS est associée à de moindres capacités de langage chez les enfants à l’âge de 3 ans indépendamment des symptômes maternels d’anxiété et de dépression avant et au cours de la grossesse.
Il semble que la dépression maternelle après la grossesse n’affecte pas les résultats. Les enfants des mères ayant rapporté des symptômes d’anxiété et de dépression tout au long de la grossesse semblent également avoir un risque accru de retard de langage à l’âge de trois ans. Cependant, il reste qu’aucun de ces résultats ne devrait être pris comme argument contre le traitement de la dépression chez les femmes enceintes quand un tel traitement s’avère nécessaire.
Dr Viola Polena
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