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A quoi reconnaît-on le cerveau d'une personne bègue ? La recherche sur le bégaiement s'est accélérée ces quinze dernières années. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), il a été montré que le cerveau des bègues présente des différences anatomiques et fonctionnelles par rapport à celui de non-bègues, avec notamment des anomalies structurelles frontales gauches.« Alors que la parole fluente (aisée) implique aussi l'hémisphère gauche, les personnes qui bégaient mobilisent leur cerveau droit, et c'est la connexion entre ces différentes aires du cerveau qu'il faut explorer », a estimé le professeur Martin Sommer, neurologue à Göttingen (Allemagne), et lui-même bègue, lors du 6e colloque de l'Association Parole Bégaiement (APB, Begaiement.org), vendredi 4 avril à Paris. Un excès de production de dopamine, un des principaux neurotransmetteurs, a aussi été relevé chez les enfants qui bégaient, ce qui persisterait à l'âge adulte.
Connu depuis des siècles – les descriptions les plus anciennes datent sans doute du Moïse biblique –, le bégaiement est présent dans toutes les cultures et toutes les couches sociales. C’est un symptôme qui altère le débit de la parole, et se caractérise par des répétitions, des prolongations involontaires de sons, de mots, et par des pauses silencieuses ou plus aucun mot ne sort. Il est souvent associé à d'autres troubles : déficit de l'attention, dyspraxies, retards de parole et de langage, etc. Il touche environ 650 000 personnes, soit 1 % de la population en France, et 55 millions dans le monde, surtout des hommes (trois sujets masculins pour un féminin). La prévalence est d'au moins 5 % chez les enfants chez qui ce trouble apparaît habituellement entre 2 et 4 ans. Il sera appelé persistant s'il perdure à l'âge adulte, ce qui concerne un sujet sur quatre. Une évolution qui reste à élucider pour les scientifiques. De nombreuses personnes bègues sont devenues célèbres, dont le monarque anglais George VI, dont l'histoire a fait le succès du film de Tom Hooper « Le Discours d'un roi ».
IDENTIFICATION D'UN NOUVEAU GÊNE MUTANT
Depuis longtemps, il est connu que les enfants qui ont des parents bègues présentent trois fois plus de risques de développer un bégaiement. En 2010, une équipe conduite par le professeur Dennis Drayna (spécialisé dans les troubles de la communication, université d'Harvard) a identifié trois mutations génétiques sur le chromosome 12, associées au bégaiement. Cette même équipe vient d’identifier un nouveau gêne mutant, sur le chromosome 10, lors d'une étude réalisée au Brésil, publiée fin mars dans la revue Genetics and Molecular Research. « C'est une véritable revendication de nombreuses personnes bègues de dire oui, c'est neurologique, ce n'est pas psychologique », explique Olivier Humez, vice-président de l'APB.
« La manière dont on considère le bégaiement est en train de changer avec la neurologie, la biologie cellulaire et la génétique », confirme le docteur Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, médecin phoniatre, enseignante. De nouvelles pistes de recherche qui bouleversent la conception même du bégaiement. « De l’appellation maladie ou affection, le bégaiement est dorénavant considéré comme un signe parmi d'autres dans des tableaux cliniques complexes », poursuit-elle. Ce qui amène à revoir les options thérapeutiques.
THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES
Il y a aujourd'hui consensus pour une prise en charge par un spécialiste (orthophoniste, phoniatre...) le plus tôt possible. « La guidance parentale permet de rétablir l’interaction langagière, c’est-à-dire l’échange dans le dialogue, qui se trouve dénaturé par le bégaiement, explique Nathalie Florentin, orthophoniste thérapeute du bégaiement à Lyon. Cela signifie ne pas être dans une fausse indifférence, ne pas donner de conseils à l’enfant. »C’est en sachant comment agir au moment des disfluences (ces heurts de la paroles) que le parent est rassuré, poursuit-elle. Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) font aussi partie de la thérapie du bégaiement, de même que la relaxation, la sophrologie ou même le chant. Parrain de l'association APB, le chanteur Yoann Fréget, vainqueur de « The Voice » (TF1) raconte comment il a surmonté son bégaiement grâce à la méditation et au chant (gospel).
Dans tous les cas, les retombées psychologiques sont fortes. Car ce trouble génère une profonde blessure narcissique, une souffrance, comme l'a décrit Sorj Chalandon, journaliste et écrivain, dans Le Petit Bonzi (Grasset, 2005), l’histoire de Jacques Rougeron, un garçon de 11 ans qui parle de ces mots qui« ne sortent pas, se cognent en bouche ». Un intrus, une douleur que décrit aussi le journaliste William Chifflet dans Sois bègue et tais-toi, préfacé par François Bayrou (L'Archipel, 260 p., 16,95 euros).
STRATÉGIE D'ÉVITEMENT
En réalité, peu de bègues consultent, et beaucoup adoptent une stratégie d'évitement. Depuis les années 2000, les patients se sont emparés de la Toile, notamment le forum du bégaiement (Forum-begaiement.fr). « Les blogs et les réseaux sociaux ont donné une conscience collective du bégaiement, en sortant les personnes bègues de leur isolement, explique Laurent Lagarde, créateur du blog Goodbye-begaiement.fr en 2009. Je n'avais jamais rencontré d'autres personnes bègues avant l'âge de 25 ans, souligne en effet Jérome Doyenard, qui a créé le blog Auroyaumedesmuets. Avec les nouveaux médias, il est plus facile d'utiliser des mots que l'on souhaite et pas ceux sur lesquels on n'accroche pas. »
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