Les préjugés sexistes orientent encore les diagnostics psychiatriques que reçoivent les femmes, poussant celles-ci à consommer massivement antidépresseurs et psychotropes. Tel est du moins ce qu’avancent plusieurs observateurs du monde de la santé mentale, qui dénoncent l’existence d’une psychiatrie sexiste.
«Les diagnostics sexistes ne datent pas d’hier», lance Silvia Martinez, intervenante depuis plus de 20 ans en santé mentale au centre L’écho des femmes, dans la Petite-Patrie, à Montréal. Selon elle, une grande majorité de psychiatres posent des diagnostics plus lourds aux femmes qu’aux hommes, même pour des symptômes semblables.
L’Organisation mondiale de la santé fait état de cette situation. «Le genre féminin est un facteur qui va fortement contribuer à la prescription de psychotropes. […] Les docteurs diagnostiquent plus souvent les femmes que les hommes comme souffrant de dépression, même lorsqu’ils présentent des symptômes identiques», peut-on lire sur le site de l’Organisation.
«J’ai longtemps vu un psychiatre, et chaque fois que je lui parlais de mes angoisses, il augmentait ma dose d’antipsychotiques… J’étais devenue végétative, enfermée dans mon corps», témoigne une membre de L’écho des femmes qui a préservé l’anonymat. Avec le temps, elle a réussi à exiger un changement de spécialiste, pour ensuite faire diminuer ses doses. «J’ai l’impression d’avoir repris un peu le contrôle de ma vie», ajoute-t-elle.
«Peu de personnes osent agir de la sorte. Les femmes que nous accueillons sont très intimidées par les psychiatres», témoigne l’intervenante Manon Choinière. Cette dernière a participé, avec Mme Martinez, à la rédaction récente du Guide d’accompagnement en intervention et animation féministe en santé mentale. Dans l’ouvrage, les auteures font état d’une psychiatrie qui dépeint les femmes comme «fragiles».
«C’est une conception populaire qui persiste, cette idée que les femmes craquent plus facilement que les hommes sous la pression», observe Jean-Claude St-Onge, auteur de plusieurs ouvrages sur la santé mentale, dont Tous fous? et L’envers de la pilule. M. St-Onge estime plutôt que la majorité des femmes sont surchargées. «Non seulement elles occupent un emploi, mais ce sont surtout elles qui se consacrent aux enfants, aux tâches domestiques et au soutien des parents vieillissants», indique-t-il.
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