Médecin-résident au département de psychiatrie de l’Université d’Ontario (Canada), le Dr. Barinder Singh évoque l’état critique de cette discipline : « Le nombre des étudiants en médecine s’orientant vers la psychiatrie a diminué de plus de 50 % depuis 2009 et le nombre de psychiatres a baissé de 26 % en dix ans » alors que, durant la même période, « l’effectif global des médecins a augmenté de plus de 31 %. »
Ce constat concerne le Royaume-Uni, mais la situation en France est aussi préoccupante. Et aux États-Unis, en 2012, moins de 4 % des nouveaux diplômés ont choisi de se spécialiser en psychiatrie. Pourtant, le tableau n’est pas si sombre. Certains de ces jeunes médecins auraient pu avoir accès à n’importe quelle spécialité, mais ils ont choisi de se diriger vers la psychiatrie, avec parfois l’ambition de devenir des pionniers écrivant une page d’histoire, car la psychiatrie se trouve probablement à un tournant où peut s’opérer « sa mutation vers une neuroscience clinique. »
Quoi qu’il en soit, comme pratique « dévolue à l’étude, au diagnostic, au traitement et à la prévention des troubles mentaux », la psychiatrie demeure une discipline « vitale » dans la mesure où les affections la concernant « contribuent pour 13 % au fardeau global représenté par les maladies », estime-t-on, et où cette proportion suit une «tendance à la hausse » dans un contexte où, à l’inverse, les ressources humaines et matérielles pour affronter ces problèmes « demeurent insuffisantes. »
Cette désaffection inquiétante pour la psychiatrie est d’autant plus surprenante et préjudiciable que, selon un aphorisme célèbre (dû à Brock Chisholm, premier directeur de l’OMS et psychiatre de formation [1]), « il ne peut pas y avoir réellement de santé physique sans la santé mentale » et que les liens (bidirectionnels) entre les maladies organiques et les troubles psychiques sont largement reconnus. Par exemple, on n’ignore plus les liens épidémiologiques entre le diabète non-insulino-dépendant (diabète de type 2) et la dépression, ni la fréquence de l’addiction au tabac « double chez les malades mentaux » (par rapport à la population générale), d’où le risque accru de complications somatiques, liées à ce tabagisme.
Si l’avenir de la psychiatrie comporte beaucoup d’incertitudes (liées notamment à sa reconnaissance et sa revalorisation auprès des autres médecins comme du grand public), il est « certain que c’est une profession importante, et que tous les pays du monde ont besoin de psychiatres. » D’autant plus, conclut l’auteur, que « ce besoin va continuer à augmenter : c’est donc à nous, psychiatres, de relever ce défi des besoins de santé mentale. Ou s’asseoir, en laissant d’autres accomplir ce travail à notre place. »
Dr Alain Cohen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire