Après quatre mois et demi de conflit social avec les sages-femmes pour une meilleure visibilité et une meilleure reconnaissance de leur statut, notamment à l'hôpital, c'est peu dire que l'arbitrage de la ministre de la santé, Marisol Touraine, était attendu par l'ensemble des acteurs du dossier. Les contours de la principale mesure dévoilée mardi 4 mars, qui prévoit la création d'un statut médical spécifique de sages-femmes des hôpitaux au sein de la fonction publique hospitalière (FPH), auront été longs à définir. Mais Marisol Touraine a pu, enfin, mettre un terme aux expectatives.
Le métier de sage-femme doit-il être reconnu comme une profession médicale à part entière ? Malgré les nombreuses réunions de concertation, l'épineuse question n'était pas simple à trancher tant les intérêts divergent entre, d'un côté, un collectif de sages-femmes qui souhaitent sortir de la FPH et obtenir un statut de praticien hospitalier sur le modèle des médecins et, de l'autre, les syndicats représentants la profession (CGT, CFDT, FO…) qui s'y opposent. Ces derniers estiment que le statut de fonctionnaire est plus protecteur (il donne par exemple droit à la retraite anticipée). Troisièmes invités à la table des négociations : les gynécologues-obstétriciens, qui jugent que trop d'autonomie des sages-femmes comporterait des risques pour les femmes.
« RUPTURE TOTALE AVEC LE PASSÉ »
A plusieurs reprises jusqu'à lundi matin, la ministre avait confirmé que le statut des sages-femmes allait « changer, que leur rôle médical, leurs compétences spécifiques ser[aie]nt pleinement reconnus à l'hôpital public ». Concrètement, le nouveau statut annoncé ce matin implique que dans chaque établissement hospitalier, la gestion des sages-femmes dépendra de la direction du personnel médical et que les cadres paramédicaux n'auront plus d'autorité sur elles.
« Les compétences des sages-femmes seront désormais identifiées et reconnues comme médicales sans aucune ambiguïté, se félicite la ministre. Il s'agit d'une rupture totale avec le passé, puisque leur profession n'est plus paramédicale. » Quant au décret qui instituera ce nouveau statut, il sortira « dans les prochains mois ».
« LE MOUVEMENT CONTINUE, ON NE LÂCHE RIEN »
Pas d'obtention du statut de praticien hospitalier réclamé pendant des mois, donc. Ce statut — auquel appartiennent aussi pharmaciens, biologistes ou dentistes — aurait été le symbole d'une véritable reconnaissance de la valeur médicale du métier, estime-t-on, côté collectif. « Mieux vaut la création d'un statut de profession médicale à part entière et unique que le rattachement au statut de praticien hospitalier, assure quant à elle la ministre, le statut de praticien hospitalier était celui des médecins des hôpitaux. Maintenant il y aura, à côté, le statut des sages-femmes des hôpitaux ». Elle dit avoir tenu à «ne pas opposer les professions les unes aux autres ».
« Je suis très en colère, dépitée, lâche Caroline Raquin, l'une des porte-parole du collectif qui regroupe notamment l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes ou le Collège national des sages-femmes. Et d'ajouter :
« Le mouvement continue, on fait une assemblée générale sur Paris mercredi et dans toutes les régions dans le courant de la semaine pour décider de comment on va durcir la lutte, on ne lâche rien. 70 % des maternités en France sont en grève depuis octobre, ils [les ministres] n'ont pas dû s'en rendre compte. C'est salvateur pour nous de sortir de la fonction publique hospitalière. Moi je ne passerai pas 45 ans a l'hôpital. L'avancée d'une profession, c'est la mobilité, or là ça n'avancera pas »
De leur côté, les syndicats sont satisfaits : « c'est un gros poids qui tombe, on ne peut que s'en réjouir, souligne Anne-Claude Ottan, sage-femme et représentante CGT de l'intersyndicale. Rester dans la fonction publique mais avec un statut médical, c'était notre revendication depuis plus de vingt ans ».
LA REVALORISATION SALARIALE DISCUTÉE EN AVRIL
Parmi les quatre autres mesures dévoilées – « aussi importantes que la question statutaire qui a trop focalisé le débat » insiste la ministre –, le plan s'engage à valoriser les compétences médicales des sages-femmes et ce aussi bien à l'hôpital qu'en ville. Une campagne de communication sera donc lancée pour mieux faire connaitre du public leur métier, notamment le fait qu'elles ont les compétences pour assurer le suivi gynécologique de prévention et la prescription de la contraception aux femmes en bonne santé.
Les sages-femmes auront aussi, pour la première fois, la responsabilité d'unités fonctionnelles et pourront réaliser des missions dites d'intérêt général leur permettant d'aller exercer divers type d'activités sur le terrain (associatives...) pendant leur temps de travail, comme les médecins. Cette dernière mesure fait sourire Caroline Raquin, qui estime que ces missions « existent déjà [mais que] c'est du vent car concrètement, notre temps de travail ne nous laisse pas le temps d'aller sur le terrain ».
Côté formation, le niveau de rémunération des étudiants en maïeutique de quatrième et cinquième année sera aligné sur celui des étudiants en médecine. Quant au volet de la revalorisation des salaires — les sages-femmes sont actuellement rémunérées à partir des grilles salariales paramédicales — réclamée par les organisations syndicales, la première concertation aura lieu en avril. Sur ce dernier point, Anne-Claude Ottan estime que « tout commence maintenant. Si les propositions ne sont pas satisfaisantes, notamment au niveau de la revalorisation des salaires, on appellera les sages-femmes à se mobiliser pour tirer nos revendications vers le haut. »
« Sages-femmes comme obstétriciens, tout le monde attendait qu'une décision soit prise pour que ce mouvement se termine, souligne Pascale Le Pors-Lemoine, vice-présidente du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français (Syngof). Car il a détérioré l'ambiance dans les services alors que dans la vraie vie, on s'entend bien, on est ensemble dans les galères comme dans les moments de joie. Obstétriciens et sages-femmes sont absolument complémentaires ». Le mouvement semble pourtant loin d'être enterré.
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