Une étude multicentrique française en double aveugle réalisée dans 23 maternités auprès de 402 femmes enceintes ne montre pas de différence significative quant à l’arrêt du tabac avec un patch nicotinique ou un placebo. « Ces résultats sont décevants et incitent à rechercher de nouvelles approches du sevrage tabagique médicamenteuses ou non », soulignent Ivan Berlin et coll, les auteurs de l’étude publiée dans le « British Medical Journal » (BMJ).
Entre octobre 2007 et janvier 2013, ils ont recruté 476 femmes enceintes (de 9 à 20 semaines d’aménorrhée) âgées plus de 18 ans et fumant au moins 5 cigarettes par jour. Seules les femmes qui après une période d’au moins deux semaines n’avaient pas réussi à réduire ou à arrêter leur consommation ont été incluses. Au final, l’étude a porté sur 402 femmes qui ont reçu après tirage au sort, soit un placebo soit un patch délivrant de la nicotine pendant 16h pour une dose journalière allant jusqu’à 30 mg/jour.
« Il s’agit de la dose quotidienne la plus élevée et de la durée d’exposition la plus longue jamais testées dans une étude chez les femmes enceintes », précise le Dr Ivan Berlin (hôpital Pitié-Salpêtrière/INSERM/APHP, Paris). Le traitement substitutif ou le placebo ont été maintenus jusqu’à l’accouchement (en moyenne 105 jours). Un dosage de la cotinine salivaire (métabolite de la nicotine) a été réalisé et les doses de nicotine ont été ajustées individuellement.
Augmentation de la pression diastolique
En dépit des doses et de la durée du traitement, les patchs nicotiniques n’ont pas mieux fait que le placebo. Une abstinence complète n’a été obtenue que chez 5,5 % des femmes du groupe sous substitution (11 sur 203) et 5,1 % du groupe placebo (10 sur 199), une différence non significative. Deux semaines après l’arrêt, 62 % des femmes s’étaient remises à fumer avec une reprise de la première cigarette en moyenne 15 jours après, dans les deux groupes. Au total, 42 % des femmes qui ont reçu le patch nicotinique et 37 % du groupe placebo ont réduit leur consommation de moitié.
Les auteurs ont comparé le poids moyen à la naissance dans les deux groupes. Dans chacun des groupes, les grossesses ont abouti à 192 naissances vivantes avec un poids moyen similaire entre les deux : 3 065 g chez les femmes sous patchs nicotiniques ; 3 015 g dans le groupe placebo. En revanche, les bébés des 21 femmes qui sont parvenus à une abstinence totale (avec ou sans nicotine) avaient un poids moyen de naissance plus élevé que dans le groupe des femmes non abstinentes.
Si les patchs n’aident pas plus à l’arrêt du tabac, ils augmentent la pression artérielle diastolique de manière significative de 0,02 mm de Hg/j. À la dernière visite de l’étude, la pression diastolique moyenne était de 70 mm de Hg dans le groupe sous nicotine et de 62 dans le groupe placebo.
Les auteurs suggèrent donc que le contrôle de la tension artérielle fasse partie des critères d’évaluation des études à venir chez les femmes enceintes. Selon eux, en l’absence de preuve de l’efficacité des substituts nicotiniques chez les femmes enceintes fumeuses dépendantes du tabac, le soutien psycho-comportemental reste l’intervention à privilégier.
Dr Lydia Archimède
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