C'est un titre qui ne pouvait que titiller le chroniqueur de la science improbable. Parue le 18 février dans Psychological Science, l'étude s'intitule : « Génie du mal ? Comment la malhonnêteté peut mener à une plus grande créativité ». Ses auteurs, Francesca Gino (université Harvard) et Scott Wiltermuth (université de Californie du Sud), font partie de ces chercheurs passionnés par « les comportements non éthiques ».Ce qui est bien naturel quand on sait que, chaque année, lesdits comportements coûtent à la société des milliers de milliards de dollars.
Gino et Wiltermuth ne se demandent pas pourquoi on viole si souvent les limites posées par la loi et la morale (la phrase précédente répond à la question), mais s'il existe un lien entre malhonnêteté et créativité. Si son mépris des règles a conduit le banquier Bernard Madoff à élaborer un ingénieux système de Ponzi pour plumer ses clients en toute impunité pendant des décennies. Ou si Lex – le mal prénommé – Luthor tire de son immoralité les stratagèmes diaboliques qu'il invente pour terrasser son ennemi juré, l'exaspérément gentil Superman. Résumons-le ainsi : le génie vient-il aussi du mal ?
PROTOCOLES VICELARDS
Pour le déterminer, ces deux chercheurs ont mis au point cinq expériences impliquant près de 800 participants. A chaque fois, l'idée consistait à pousser les cobayes vers le côté obscur, puis à tester leur créativité, en comparant leurs résultats avec ceux d'un groupe témoin resté dans le droit chemin. Ainsi une expérience permettait aux sujets de mentir sur leurs performances à un test pour obtenir une plus forte récompense.
Dans un autre protocole bien vicelard – au point qu'on se demande si Lex Luthor n'a pas servi de consultant aux scientifiques –, les participants étaient prévenus, avant un exercice de logique à effectuer sur un ordinateur, qu'ils ne devaient pas appuyer sur la barre espace car, en raison d'une erreur de programmation, cela affichait les réponses aux questions. 51 personnes sur 53 ont pressé la barre… Dans une autre expérience, on se contentait d'implanter l'idée d'infraction aux lois avec des images montrant, par exemple, un cycliste s'engageant sur un chemin interdit aux vélos.
La créativité de chacun était évaluée à l'aide d'un test d'association de mots digne des énigmes du Père Fouras dans l'émission « Fort Boyard » ou avec un petit jeu consistant à imaginer en une minute top chrono tout ce que l'on peut faire avec un journal. Les résultats ne surprendront pas ceux qui ont pris la peine de lire le titre de l'étude en entier : à chaque fois, les tricheurs-menteurs se sont montrés plus inventifs que les gens probes. Selon les auteurs, le phénomène s'expliquerait par le fait que, pour être créatif, il faut savoir briser codes et règles, ce que favorise la malhonnêteté.
LE CAS GIOVANNI BRUSCA
Les prisons sont donc remplies de génies incompris. Le Sicilien Giovanni Brusca, dit « le Porc », est l'un d'eux. Assassin du juge Giovanni Falcone en 1992, ce mafioso a tellement tué qu'il en a perdu le compte de ses victimes, entre 100 et 200. En 1993, afin de faire pression sur un de ses anciens camarades de créativité devenu repenti, il fait enlever son fils de 11 ans et use avec lui de toute l'inventivité dont il est capable – elle est immense. Le garçon est photographié pendant des séances de torture et les clichés sont envoyés à son père pour l'obliger à retirer son témoignage. En vain. Giovanni Brusca fait étrangler l'adolescent après plus de deux ans de captivité et dissoudre son cadavre dans un bain d'acide. Un poète.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire