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mercredi 13 avril 2011

La prise en charge des soins médicaux, un acquis menacé

Rien de plus naturel, aujourd'hui en France, que d'aller chez le médecin puis d'acheter les médicaments prescrits chez le pharmacien et de voir ces frais de soins pour l'essentiel remboursés, voire acquis quasiment sans débours.

Cette prise en charge est pourtant loin d'être une évidence. Dans son "Rapport mondial sur la sécurité sociale 2010-2011", le Bureau international du travail (BIT) note que "près d'un tiers des individus (dans le monde) n'a accès à strictement aucun service ou établissement de santé. Pour une proportion plus élevée encore, des dépenses de santé inévitables sont parfois synonymes de catastrophe financière pour le foyer".

De plus, les règles de droit, complexes et nombreuses, qui sous-tendent ces mécanismes, sont loin d'être immuables : des impératifs économiques, des choix politiques traduits dans le budget des Etats ou les budgets sociaux, ont conduit à une évolution des principes gouvernant la prise en charge des soins. Les préceptes originels de l'assurance sociale ont été peu à peu amendés, modifiés, voire abandonnés.

Le premier principe, celui des cotisations proportionnelles au salaire, a vite connu des dérogations, par exemple par la création d'une cotisation forfaitaire annuelle des étudiants.

Mais l'instauration d'une affiliation gratuite au régime général - la couverture maladie universelle (CMU) - marque une mutation profonde. Même si la CMU est à bien des égards heureuse, elle conduit à la prise en charge de frais de soins sur critère de ressources.

La gestion par les représentants des employeurs et des assurés, autre caractéristique de l'assurance sociale, n'a pas été pleinement mise en oeuvre : l'Etat n'a ainsi jamais accordé aux partenaires sociaux le pouvoir de fixer les cotisations en fonction des dépenses.

Ce principe de "démocratie sociale" a été abandonné en deux temps, en 1996 et en 2004, au profit d'une gestion étatique de l'offre de soins au niveau régional.

DÉSENGAGEMENTS

Seul subsiste de l'assurance-maladie initiale "l'élément de solidarité", c'est-à-dire la déconnexion des prestations du montant des cotisations, qui permet la redistribution entre assurés.

Depuis l'origine, le régime de base ne prend pas en charge tous les frais de soins, tant par économie que par souci de modérer la consommation médicale. S'est alors développé un marché de la prise en charge complémentaire des frais de soins sur lequel opèrent des mutuelles, des assureurs et des institutions paritaires de prévoyance.

La couverture des salariés est devenue un objet de négociation collective pour les partenaires sociaux de l'entreprise ou de la branche. Mais les "complémentaires" ont changé de fonction : du fait de désengagements successifs du régime de base, elles assurent une plus grande part des remboursements de frais médicaux.

L'assurance-maladie du régime général de Sécurité sociale pourrait ainsi à terme être remplacée par une obligation de conclure un contrat individuel ou familial d'assurance-santé, comportant des garanties minimales impératives à un tarif fixé par la loi.

Moyennant un supplément, cofinancé ou non par l'employeur, des garanties supplémentaires au contrat de base pourraient être acquises. La CMU prendrait en charge les plus démunis ou ceux considérés comme "inassurables".

Les agences régionales pour la santé verraient leurs fonctions limitées au contrôle de qualité ou à l'accessibilité de l'offre de soins.

Scénario impossible ? A voir.

C'est déjà le modèle néerlandais, l'israélien, le suisse ou l'américain. C'est aussi ce qui est envisagé par certains pour la future prise en charge de la dépendance des personnes âgées, qui devient ainsi un véritable ballon d'essai pour la protection santé du futur.
La "une" du "Monde Economie", daté 12 avril.
La "une" du "Monde Economie", daté 12 avril.DR

Francis Kessler
, maître de conférences à l'université Paris-I

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