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mercredi 15 décembre 2010

Un juge d'application des soins ?

C’est un vendredi soir par mois. Dans un local du XIe arrondissement de Paris, prêté par un syndicat de psychiatres, le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire se réunit. C’est un petit groupe unique de psys qui débat et se bat en toute liberté. Ce collectif était apparu après un appel lancé dans Libération contre la psychiatrie sécuritaire de Nicolas Sarkozy. La semaine dernière, il aurait pu fêter tranquillement ses deux années d’existence, mais la situation s’est compliquée, ou plutôt précipitée. Un arrêt rendu, le mois dernier, par le Conseil constitutionnel va rendre obligatoire la présence d’un juge pour décider ou non, passé quinze jours, de la poursuite d’une hospitalisation contre la volonté d’un patient. Les «Sages» s’appuyant sur le fait que seul un magistrat peut ôter la liberté d’un citoyen.

Une victoire de l’Etat de droit ? Allons donc, «c’est la création d’un juge d’application des soins», lâche Roger Ferreri, pédopsychiatre dans l’Essonne. Il parle avec talent, sait trouver le mot juste. «On va maintenant nous opposer la vérité judiciaire. Au moins, avant, la situation était claire. Quand on hospitalisait un patient contre sa volonté, ce n’était pas pour son bien, mais parce que la société voulait se protéger. Là, c’est un changement radical. Le juge va décider de la pertinence de la poursuite d’un traitement.» «Ce débat m’ennuie terriblement», poursuit Michaël Guyader, psychiatre dans l’Essonne, de sa belle voix grave. «On veut m’entraîner sur un débat pour savoir qu’elle est la meilleure façon de contraindre un malade. Honteux», gronde-t-il. Ils sont ainsi, grandes gueules, mais les mains dans la pratique. Patrice Charbit, psychiatre à Montpelleir hésite. Se demande s'il ne faut pas adopter une stratégie "pour être efficace".

Hervé Bokobza, personnalité repère du groupe, est ennuyé. Il le sait, ce débat casse les lignes. Certains peuvent être tentés par l’arrivée du juge dans la décision de privation des libertés pour un patient. N’est-ce pas, en effet, moins arbitraire qu’une décision administrative ? «On ne sait quel texte va présenter le gouvernement pour intégrer cet avis du Conseil constitutionnel. Ne nous laissons pas piéger.» Récemment, il a écrit : «Que vont ressentir, penser ou vivre les patients qui seront à l’hôpital sur décision du juge ? J'avoue que moi, j’aime savoir quand je fais un certificat d’hospitalisation à la demande d’un tiers, que c’est avec l’équipe de soins et son engagement que vont se décider les soins, se vivre leur évolution, leur arrêt, leur poursuite.»

Que faire alors ? Se taire ? Faire alliance ? Ou imiter Jean Oury : dans les années 50, alors qu’il dirigeait une clinique en Indre-et-Loire, lassé par les diktats qu’on lui imposait, il a claqué la porte, est parti sur les routes avec ses malades, à la recherche d’un nouvel endroit. Et ce fut la création de la clinique emblématique de La Borde où les malades sont pris en charge avec «hospitalité».





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