Publié le 05 janvier 2024
Par Nicolas Truong
Partout, l’horizon semble obstrué. Et l’avenir fracassé. La prégnance des guerres accentue la sensation de dévastation planétaire. A tel point que l’inquiétude géopolitique semble reléguer à l’arrière-plan l’urgence écologique. Alertés par les rapports sur le réchauffement climatique, la pollution des espaces et la diminution du nombre d’espèces, les contemporains cherchent moins à transformer le monde qu’à le réparer ou à le conserver.
Savants et intellectuels sont moins nombreux à défendre l’idée de progrès. La révolution semble désormais appartenir davantage au lexique technologique, avec l’entrée de l’humanité dans la nouvelle condition numérique, qu’au vocabulaire politique. La crise de l’avenir pèse sur toutes les consciences. Et la résilience, cette capacité à surmonter une épreuve, apparaît comme l’une des rares modalités actuelles de l’espérance. D’où la nécessité de reformuler la célèbre question posée par Emmanuel Kant (1724-1804) : « Que nous est-il permis d’espérer ? »
Dans Critique de la raison pure (1781), le philosophe allemand posait les trois problématiques majeures de la philosophie dans leur dimension spéculative et pratique : « Que puis-je savoir ? », interrogation à laquelle répond, selon lui, la métaphysique ; « Que dois-je faire ? », qui relève de la morale ; et « Que m’est-il permis d’espérer ? », dont la réponse appartient notamment au domaine de la religion.
C’était au moment où l’esprit des Lumières s’étendait en Europe, une époque où il fallait, enjoignait-il, avoir le courage de se servir de son propre entendement, loin du dogmatisme, de l’obscurantisme et de l’arbitraire des monarchies. Un moment où il fallait oser sortir de l’état de minorité dont l’homme est lui-même responsable, un temps où il n’était pas déraisonnable, comme il le fit en 1795, de forger un projet de « paix perpétuelle ».