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lundi 13 avril 2020

Le confinement des plus démunis

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Permettre à 60 sans-abris d'être hébergés et nourris à Lyon pendant le confinement


Depuis le 24 mars, Habitat et Humanisme a permis à une soixantaine de sans-abris d'être acceuillis dans un hôtel du 4ème arrondissement à Lyon.
Parmi eux, des mères avec leurs enfants et des couples en situation de détresse, tous sans logement.


Concrètement, les personnes orientées par les services sociaux sont logées dans 27 chambres doubles et 3 chambres triples, afin de pouvoir y être confinées. Elles bénéficient également de repas, d’un nécessaire d’hygiène, et de la présence de deux travailleurs sociaux assurée toute la journée, épaulés par quelques bénévoles.
Notre but est de conserver un lien social avec eux pendant toute la durée du confinement, et pouvoir leur permettre d’être un minimum protégés.



La justice par téléphone en santé mentale : progrès ou pente glissante?

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Par : Emmanuelle Bernheim et Pierre Pariseau-Legault | Le : 2020-04-06

Opinions
Opinions
Une professeure de droit et un professeur de sciences infirmières plaident pour des audiences judiciaires en personne. D’accord ou pas ?

Nous apprenions la semaine dernière qu’en réponse au coronavirus, des audiences judiciaires urgentes se déroulent désormais au téléphone. C’est le cas des demandes de garde en établissement, soit des procédures visant à hospitaliser contre leur gré des personnes aux prises avec une maladie mentale. Les acteurs judiciaires sont enthousiastes à l’idée de « mettre à l’épreuve les outils technologiques » et de « réduire les déplacements au maximum ». On parle même d’un « legs positif de la pandémie ». Mais sait-on seulement qu’en santé mentale, les audiences en personne sont les fruits de luttes pour les droits qui durèrent plusieurs décennies ?

La lente reconnaissance des droits judiciaires en santé mentale

Dans les années 1970, le gouvernement du Québec s’était montré avant-gardiste en tentant de confier aux tribunaux le soin de déterminer si une personne devait être maintenue contre sa volonté en établissement de santé. Malgré tout, les décisions d’internement et de soins forcés étaient prises sans audience judiciaire par des fonctionnaires n’ayant jamais vu ou entendu les personnes concernées. Ces pratiques ont eu cours jusque dans les années 1990, malgré les mobilisations et revendications politiques de groupes dénonçant des abus de droit répétés et l’absence d’une offre de services adéquate en santé mentale. [...]

[...] Une justice en crise

Depuis, le nombre de requêtes de garde en établissement est en augmentation constante, passant de 1591 en 1996 à plus de 3000 en 2018 dans le district judiciaire de Montréal. Loin de la situation idéale imaginée par le ministre Rochon, les requêtes sont entendues par des juges débordés, les personnes visées sont majoritairement absentes sans que l’on sache pourquoi ou se présentent à la cour peu préparées, représentées par des avocats également débordés. Plus de 95 % des requêtes sont accordées et la durée moyenne des audiences oscille entre 5 et 14 minutes.


À Lyon, les soins psychiatriques à l’épreuve du confinement

Salade Lyonnaise

RODOLPHE KOLLER -  
12 AVRIL 2020

« Le confinement n’est pas l’ami des psychiatres.  » Marion Combris résume en une phrase l’état d’esprit de la profession ces derniers temps. Psychiatre périnatale dans une maternité de Lyon, son quotidien consiste à accompagner les parents dans les troubles liés à la grossesse et à l’arrivée d’un bébé. Or « la pandémie a nécessité des réaménagements compliqués, qu’il faut ajouter à la sidération des premiers jours », témoigne-t-elle. 


Coronavirus : « La caractéristique de la crise, c’est que ce n’est pas l’économie qui décide, c’est le virus »

« C’est montrer beaucoup d’arrogance que de faire croire que l’on peut reprendre le contrôle de la situation en desserrant l’étau du confinement », explique Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».

Stéphane Lauer  Publié le 13 avril 2020

Sur la terrasse d’un restaurant fermé, le 2 avril, à Paris.
Sur la terrasse d’un restaurant fermé, le 2 avril, à Paris. THOMAS COEX / AFP
Chronique. Et si le remède était pire que le mal ? Et si ce confinement, qu’on nous intime de respecter pour sauver des centaines de milliers de vies, était excessif en provoquant l’une des pires crises économiques de l’histoire, aux conséquences humaines incommensurables ?
Passé l’état de sidération qu’a provoqué la pandémie de Covid-19, de plus en plus de voix s’élèvent pour qu’on remette au plus vite l’économie en marche. Dirigeants d’entreprise, économistes, éditorialistes, frustrés de regarder, impuissants, l’activité s’effondrer, commencent à faire entendre cette petite musique. C’est l’un des sujets que le président de la République, Emmanuel Macron, devra aborder dans son allocution, lundi 13 avril, alors que chacun s’interroge sur la durée pendant laquelle l’Etat va pouvoir tenir ainsi à bout de bras une bonne partie de l’économie.
« Etait-il raisonnable de mettre l’économie à terre pour finalement un nombre de morts pas beaucoup plus élevé qu’une épidémie de grippe saisonnière ? », me demandait il y a quelques jours un chef d’entreprise. Cette phrase, d’apparent bon sens, fait l’impasse sur plusieurs éléments essentiels.

« La crise sanitaire montre qu’on ne peut plus attendre : une loi sur le grand âge s’impose »

Pour Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, « nous savons ce qu’il faut faire pour construire une société du grand âge ».
Propos recueillis par  Publié le 13 avril 2020
Une résidente dans un Ehpad à Brest, le 4 mars.
Une résidente dans un Ehpad à Brest, le 4 mars. LOIC VENANCE / AFP
Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale et directeur de l’Ecole nationale supérieure de la Sécurité sociale (EN3S), avait été missionné par le premier ministre, en septembre 2018, pour examiner, notamment, « les différentes modalités de financement de la dépendance ». En mars 2019, il avait remis un rapport à Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, évaluant à 9,2 milliards d’euros le besoin de financement supplémentaire d’ici à 2030 – dont 6,2 milliards d’ici à 2024 – pour prendre en charge le défi du vieillissement de la société française.
Plus de 5 000 personnes âgées sont mortes du Covid-19 à ce jour dans les maisons de retraite. Ce bilan était-il une fatalité ?
Il était malheureusement très prévisible que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) allaient payer un lourd tribut puisque les personnes âgées vulnérables ont un risque de mortalité bien plus élevé face au virus que le reste de la population. Il est évident que les Ehpad ont abordé l’épidémie dans des conditions de protection insuffisantes pour les soignants, du fait de la pénurie de masques en France. Même si cela s’est amélioré depuis. Le bilan est du reste sans doute aujourd’hui sous-évalué car il faudrait additionner les personnes décédées en Ehpad et celles qui sont mortes à l’hôpital après avoir été transférées par les établissements.

L'Unicef fait entendre les cris des enfants confinés victimes de violences

L'ADN  

Unicef France et le collectif NousToutes lancent une campagne de sensibilisation pour faire entendre les cris des enfants et adolescents victimes de violences pendant le confinement.

Un dispositif pensé pour les enfants

Chaque jour en France, plus de 50 000 enfants et adolescents sont victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques. Et l’intensification des mesures de confinement, ces dernières semaines, expose les enfants à un risque accru de violence, de négligence et d’exploitation.

L’attrait de la recherche « cool » sur le cerveau étouffe la psychothérapie

Actualité Houssenia Writing

PAR  · PUBLIÉ 
La recherche sur les traitements psychiatriques a basculé vers une solution miracle où on a une « pilule pour chaque trouble ». Mais la psychothérapie propose des solutions moins lourdes tout en étant aussi efficaces.

Image IRM de la tête, du cerveau et des grandes artères d'une femme adulte en bonne santé. Avec l'aimable autorisation de Patrick Hales, UCL / Wellcome Institute
Image IRM de la tête, du cerveau et des grandes artères d'une femme adulte en bonne santé. Avec l'aimable autorisation de Patrick Hales, UCL / Wellcome Institute

« Il existe toujours une solution bien connue à chaque problème umain – nette, plausible et erronée. »
Des préjugés (1920) de H L Mencken
Il n’y a jamais eu de problème plus complexe auquel l’humanité ait été confrontée que de comprendre notre propre nature humaine. Et il ne manque pas de réponses claires, plausibles et fausses, censées sonder ses profondeurs.

En Afrique, « cette crise renforce les intellectuels qui versent dans la théorie du complot »

LE RENDEZ-VOUS DES IDÉES. L’anthropologue camerounais Parfait Akana, analyse comment la maladie s’en prend aux conventions sociales profondément ancrées.
Propos recueillis par  Publié le 12 avril 2020
Devant l’entrée de l’hôpital central de Yaoundé, le 6 mars 2020.
Devant l’entrée de l’hôpital central de Yaoundé, le 6 mars 2020. AFP
Anthropologue à l’université de Yaoundé II et directeur exécutif du Muntu Institute, Parfait Akana est membre du conseil consultatif du Corona Times. Avec d’autres chercheurs, il a créé la plate-forme des chercheurs en sciences sociales contre le coronavirus (Social Scientists Initiative Against Covid-19 in Cameroon) pour analyser les expériences locales et démêler le vrai du faux.
Une initiative salutaire dans un pays où la ministre de la recherche et de l’innovation, Madeleine Tchuente, a invité la population à limiter la consommation de chauves-souris et de mangues pour endiguer la pandémie, avant de déclarer, le 6 avril, sur la chaîne nationale que « le problème, c’est nos habitudes. Aujourd’hui, les jeunes s’embrassent trop. Quand nous nous étions jeunes, on ne s’embrassait pas, on saluait à distance. Maintenant, tout a changé, les gens s’embrassent partout. Voilà pourquoi la maladie évolue trop ».

L’Afrique a connu plusieurs crises sanitaires et déjà été confrontée à de sévères pandémies. Qu’est-ce qui est nouveau cette fois-ci ?

Parfait Akana Cette maladie modifie sérieusement notre rapport au monde. Elle soumet notre quotidien à des ajustements jusqu’ici inédits. On ne peut plus avoir le même commerce avec les gens qui nous sont proches. Les rituels de salutations, par exemple, s’en trouvent reconfigurés jusqu’à la caricature. Une société de la proximité, du rapprochement et de l’effusion, mais aussi de la promiscuité, pour des raisons économiques, semble progressivement laisser place à une société de l’évitement et de la barrière.

« La maîtrise d’une épidémie, c’est aussi de la politique »

Spécialiste de l’histoire des sciences, Laurent-Henri Vignaud met en perspective les crises sanitaires qui ont traversé le monde avec celle que nous vivons.
Propos recueillis par  Publié le 12 avril 2020
Laurent-Henri Vignaud.
Laurent-Henri Vignaud. Archives personnelles.
Laurent-Henri Vignaud est maître de conférences d’histoire moderne à l’université de Bourgogne. Spécialiste de l’histoire des sciences, il explique au Monde comment s’est forgé le concept de contagion, et de quelle façon les épidémies, comme les mesures prises pour les contrôler, ont façonné nos sociétés.

Quand la notion de contagion est-elle apparue ?

Dans la pensée archaïque grecque, il y avait l’idée que les maladies étaient causées par un poison que l’on appelait « contage » et d’où dérive le mot « contagion ». Mais, au Ve siècle avant J.-C., cette conception a été remplacée par celle d’Hippocrate, selon qui la maladie résulte d’un déséquilibre entre les « humeurs ». On en retrouve la trace dans le mot « choléra », qui vient du grec cholê, la bile.
Cette théorie a prévalu jusqu’aux travaux de Pasteur et de l’Allemand Koch, qui ont mis en évidence le rôle des virus et des bactéries dans la propagation des maladies infectieuses. Malgré cela, lors des épidémies de choléra qui frappent l’Europe au XIXsiècle, il y a tout un débat entre les « contagionnistes », convaincus du rôle des microbes, et les « anti-contagionnistes », persuadés que la santé n’est qu’une question d’hygiène générale : bien manger, respirer de l’air frais, se laver les mains.

Coronavirus : aux Etats-Unis, tousser peut devenir « une menace terroriste »

Les autorités judiciaires estiment que le virus peut être considéré comme un « agent biologique » potentiellement utilisé comme une « arme ».
Par  Publié le 13 avril 2020
Des clients respectent les mesures de distance sociale pour acheter des glaces, le 29 mars à Monterey (Californie).
Des clients respectent les mesures de distance sociale pour acheter des glaces, le 29 mars à Monterey (Californie). SHANNON STAPLETON / REUTERS
LETTRE DE WASHINGTON

Lécher des produits de toilette dans un supermarché du Missouri à la mi-mars, tout en s’esclaffant « qui a peur du coronavirus ? », n’était sans doute pas la plus brillante des idées. En publiant la vidéo de ses exploits sur Facebook, un jeune homme de 26 ans a commis au moins trois erreurs de jugement : il a sous estimé la dangerosité du Covid-19, négligé la peur engendrée par la pandémie dans le pays et sous évalué la réponse judiciaire à un comportement pour le moins déroutant ; l’acte d’un « crétin », a d’ailleurs jugé son avocat. Identifié grâce aux réseaux sociaux, le « crétin » a été inculpé de « menace terroriste au second degré », un crime en droit américain.

En Chine, une immense détresse psychique chez le personnel médical

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Par  le 15 avril 2020

Les médecins et infirmiers chinois aux prises avec l’épidémie de Covid-19 présentent des niveaux de souffrance psychique dramatiquement élevés. Ce constat, inquiétant pour notre propre système de soin...
Un soignant fait une pause pendant son quart de nuit dans un centre de santé communautaire de Wuhan, le 9 février.
Un soignant fait une pause pendant son quart de nuit dans un centre de santé communautaire de Wuhan, le 9 février. China Daily CDIC/REUTERS

Les médecins et infirmiers chinois aux prises avec l’épidémie de Covid-19 présentent des niveaux de souffrance psychique dramatiquement élevés. Ce constat, inquiétant pour notre propre système de soins, est celui de chercheurs qui ont sondé la santé mentale de 1 250 soignants travaillant dans des hôpitaux essentiellement situés dans la province chinoise de Hubei, la plus touchée par l’épidémie.

Pourquoi le confinement nous apprend à surpasser nos propres peurs ?

publié le 
Si le climat anxiogène lié au confinement hante de nombreuses personnes tant il nourrit, en ces temps exceptionnels, un certain nombre d'émotions souvent négatives, en quoi ces peurs que nous hébergeons peuvent nous pousser à nous dépasser nous-mêmes et à nous rendre plus fort.e.s pour demain ?
Pourquoi le confinement nous apprend à surpasser nos propres peurs ?
Pourquoi le confinement nous apprend à surpasser nos propres peurs ? © Getty / Adriana Varela Photography

À une situation exceptionnelle, ressources exceptionnelles !

Antoine Pélissolo estime que si la crainte liée au climat anxiogène est tout à fait compréhensible, d'où une situation inédite et pénible, "il n'y a cependant pas lieu de se projeter dans quelque chose qui serait absolument dramatique. Il faut simplement apprendre à prendre sur soi, à faire des efforts d'adaptation face à la situation difficile".
Il faut avoir confiance en ses propres ressources !

Dans Grand Bien Vous Fasse, au micro d'Ali Rebeihi, Christophe André, psychiatre spécialiste des troubles anxieux, Aurélia Schneider, psychiatre spécialiste des thérapies comportementales et cognitives et Antoine Pélissolo, chef de service en psychiatrie au CHU Henri-Mondor expliquent en quoi il ne faut absolument pas devenir les victimes de nos propres peurs et angoisses liées à la situation du confinement. 


dimanche 12 avril 2020

Edgar Morin: «Nous devons vivre avec l'incertitude»

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par  Francis Lecompte  06.04.2020

Confiné dans sa maison à Montpellier, le philosophe Edgar Morin reste fidèle à sa vision globale de la société. La crise épidémique, nous dit-il, doit nous apprendre à mieux comprendre la science et à vivre avec l’incertitude. Et à retrouver une forme d’humanisme.

La pandémie du coronavirus a remis brutalement la science au centre de la société. Celle-ci va-t-elle en sortir transformée ?

Edgar Morin Ce qui me frappe, c’est qu’une grande partie du public considérait la science comme le répertoire des vérités absolues, des affirmations irréfutables. Et tout le monde était rassuré de voir que le président s’était entouré d’un conseil scientifique. Mais que s’est-il passé ? Très rapidement, on s’est rendu compte que ces scientifiques défendaient des points de vue très différents parfois contradictoires, que ce soit sur les mesures à prendre, les nouveaux remèdes éventuels pour répondre à l’urgence, la validité de tel ou tel médicament, la durée des essais cliniques à engager… Toutes ces controverses introduisent le doute dans l’esprit des citoyens.

Vous voulez dire que le public risque de perdre confiance en la science ?

E.M. : Non, s’il comprend que les sciences vivent et progressent par la controverse. Les débats autour de la chloroquine, par exemple, ont permis de poser la question de l’alternative entre urgence ou prudence. Le monde scientifique avait déjà connu de fortes controverses au moment de l’apparition du sida, dans les années 1980. Or, ce que nous ont montré les philosophes des sciences, c’est précisément que les controverses font partie inhérente de la recherche. Celle-ci en a même besoin pour progresser.

Malheureusement, très peu de scientifiques ont lu Karl Popper, qui a établi qu’une théorie scientifique n’est telle que si elle est réfutable, Gaston Bachelard, qui a posé le problème de la complexité de la connaissance, ou encore Thomas Kuhn, qui a bien montré comment l’histoire des sciences est un processus discontinu. Trop de scientifiques ignorent l’apport de ces grands épistémologues et travaillent encore dans une optique dogmatique.

Nicolas Grimaldi. Dans la solitude d’un monde sans humains

Mis en ligne le 09/04/2020





Empreintes de pieds dans le sable © Felipe Correia/Unsplash
Empreintes de pieds dans le sable, à Lauro de Freitas (Brésil) © Felipe Correia/Unsplash

Pour Nicolas Grimaldi, la vie au temps du confinement n’est pas une vie. À 86 ans, du haut de sa maison face à l’océan, le philosophe auteur du “Traité des solitudes” défend plus que jamais la valeur de la mutualité des émotions. Une méditation pleine de mélancolie et de tendresse.

Vous habitez l’ancien sémaphore de Socoa sur la côte basque, face à l’océan. Cela peut ressembler au lieu idéal pour un confinement ! Comment le vivez-vous ?
Nicolas Grimaldi : Eh bien, comme tout le monde, je survis ! Il est cependant vrai que mes conditions d’existence ne sont pas très changées. Je vis généralement seul, je me nourris peu, je lis beaucoup, et ma vie continue comme si elle n’était pas si menacée.

“D’un côté, on vit normalement, mais, d’un autre côté, on a presque cessé de vivre”

Nicolas Grimaldi

Mais ne sommes-nous pas contraints de penser nos vies menacées ? 
Nous le savons mais nous ne le sentons pas, c’est pourquoi nous n’y pensons pas vraiment. C’est, me semble-t-il, le paradoxe. De même que le diabète est une maladie qui ne fait pas souffrir, de même ce virus est un danger que l’on ne sent pas. Nous sommes donc obligés de faire comme si : comme si nous vivions sous la menace d’un péril auquel nous ne serions pas vraiment assujettis. La situation étrange que nous partageons me frappe par son caractère extrêmement banal et totalement exceptionnel. Rien n’est plus banal, puisque les conditions biologiques et spirituelles de notre existence sont assurées sans difficulté : nous dormons, nous mangeons, j’entends les nouvelles à la radio, je lis La Débâcle de Zola, j’écoute les quatuors de Haydn… Mais par ailleurs, rien n’est plus exceptionnel, puisque les conditions sociales de notre existence sont empêchées. D’un côté, on vit normalement, mais, d’un autre côté, on a presque cessé de vivre. Par une conséquence du confinement, toute relation, toute activité, tout travail, tout rythme sont suspendus. Du même coup, nous ne pourvoyons plus à l’existence des autres. Et cependant les autres pourvoient à la nôtre, puisque les médecins et infirmières nous soignent et que nous allons de temps en temps dans une grande surface où nous trouvons l’indispensable. Quoique l’échange se perpétue, la société n’existe pas. Comment peut-il y avoir une société sans échange ou un échange sans société ? C’est pourtant ce que nous vivons. On se donne l’illusion d’entretenir l’état de société, mais nous sommes comme dans un monde où notre existence ne serait plus assurée que par des distributeurs automatiques et des liens immatériels. Est-ce que le message informatique que je reçois peut tenir lieu d’une main qui tiendrait la mienne si je suis malade ? Évidemment que non.