TÉMOIGNAGES
Sauvé par un groupe de parole entre «entendeurs», Vincent Demassiet dirige un réseau national d’entraide.
Vincent Demassiet parle bien, très bien même. Il a un peu plus de 40 ans, vit dans le Nord, et préside le Réseau français sur l’entente de voix (REV France). C’est un étonnant mouvement où se retrouvent des gens qui entendent des voix, classés bien vite comme schizophrènes. Ce sont, en tout cas, des personnes qui vont mal, assaillies de voix, des voix qui blessent, des voix qui détruisent souvent. Nés dans les pays anglo-saxons, ces groupes de patients misent sur l’entraide, en présence ou non de soignants.
Quand on l’interroge sur son mouvement, Vincent Demassiet raconte son histoire, qu’il maîtrise parfaitement, et cela en est parfois troublant. Il l’a fait encore le mois dernier, lors d’un colloque, sur le thème «Du pouvoir psychiatrique à la décision partagée» qui s’est tenu à l’université Paris-Diderot. «Pour vous expliquer ce que sont les groupes d’entendeurs de voix, je vais vous raconter ma vie, commence-t-il. Je suis issu d’une famille catholique. Mon père voulait toujours que je sois le meilleur, que je réussisse en tout. A l’âge de 11 ans, j’allais au catéchisme, et l’après-midi, j’étais sous la surveillance d’un garçon de 18 ans. J’étais flatté, il s’intéressait à moi, on jouait, et puis cela a dérapé. C’est très vite passé aux attouchements, et c’était pour moi de l’affection : je n’en recevais jamais. J’ai été violé comme ça, pendant deux ans. Quand cela arrivait, je m’enfuyais en regardant sans fin des objets, un livre, un stylo, un nid d’oiseau dans un arbre. En aucun cas, je ne pouvais en parler.»