Par Guillaume Delacroix Publié le 3 mai 2023
EN IMAGES Des visages creusés de sillons, une posture fière, le regard profond. A partir de 2013, le photographe a parcouru les campagnes à la rencontre de femmes nées dans la première moitié du XXᵉ siècle. Ses photos racontent des vies subies, passées entre la ferme et la cuisine, faites de labeur et d’acceptation.
Elles sont de plain-pied avec le spectateur, dignes. Elles regardent droit dans l’objectif. Ces dames sont nées dans l’entre-deux-guerres, voire pendant la première guerre mondiale pour les plus âgées d’entre elles. Leurs parents étaient paysans et, toute leur vie, elles ont été « fille de » ou « femme de ». Une génération de femmes qui n’avaient d’autre perspective que de passer de la ferme de leurs parents à celle de leurs beaux-parents. Elles y vivent d’ailleurs toujours, souvent seules.
Leur univers s’est réduit, au fil du temps, d’une grande bâtisse pleine de vie à une simple pièce, la cuisine en général, silencieuse. Répétition immuable dans une France rurale où les femmes n’avaient pas le choix. Où elles consentaient à une vie de « non-décision », résume le photographe Alexis Vettoretti, né en 1989.
« A l’école, on apprend que les femmes ont obtenu le droit de vote en 1944, celui d’ouvrir un compte bancaire en 1965. Mais ce fut un choc de découvrir qu’une réalité sociale d’hier, dont les livres d’histoire ne parlent pas, était là, sous mes yeux, vivante », raconte-t-il. Son travail a démarré en 2013, avec le portrait de Thérèse, une bergère de son village, Saint-Marcel-d’Ardèche, dans la vallée du Rhône. « Je l’ai prise en photo chez elle et, quand j’ai eu le plan film entre les mains, j’ai vu qu’elle avait une gueule, qu’elle incarnait un vrai personnage. L’idée m’est alors venue d’engager une série de portraits. »