LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | | Par Pierre Barthélémy
C’est un petit monument de la science improbable qui fête ses 10 ans. En 2006 donc, deux membres d’éminentes institutions américaines de la recherche, Dan Ariely (Massachusetts Institute of Technology) et George Loewenstein (université Carnegie-Mellon à Pittsburgh, Pennsylvanie), publiaient dans le Journal of Behavioral Decision Making une étude consacrée à l’influence de l’excitation sexuelle, chez de jeunes hommes, sur les décisions qu’ils sont prêts à prendre dans le feu de l’action. Les auteurs voulaient déterminer quel impact la frénésie de l’embrasement pouvait avoir sur trois points : la préférence pour telle ou telle activité sexuelle ; le choix de comportements moralement douteux pour obtenir une « gratification » ; l’oubli du « sortez couvert ».
Toute la difficulté de l’exercice, on s’en doute, consistait à élaborer un protocole fiable et contrôlable sur un sujet qui touche à l’intime. Nos deux chercheurs ont donc fait preuve d’une ingéniosité remarquable pour mettre au point leur expérience, en demandant notamment aux participants de prendre un peu les choses en main, si l’on peut dire. Quelques dizaines de volontaires se virent confier un ordinateur portable doté d’un clavier très simplifié ne comptant que quelques touches, dont l’étude précise qu’il était « facilement utilisable avec la main non dominante », étant donné que l’autre main servait d’excitateur « exogène » – sauf pour les membres du groupe témoin dont l’excitatiomètre devait rester à zéro.
Pour les vrais cobayes, l’écran était divisé en trois parties : à gauche, un grand espace affichant des photos coquines ; à droite une barre contenant un « thermomètre de l’excitation »avec un curseur à déplacer à l’aide de deux touches du clavier, du bleu (je reste de glace) au rouge (l’ambiance est très chaude tout à coup) ; en bas, un espace où défilaient des questions auxquelles on devait là encore répondre en bougeant un curseur. On pouvait ainsi passer du « non catégorique » au « oui franc et massif » avec, entre, toutes les nuances du « peut-être ».