Publié le 11/11/2023
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime qu’en 2020, plus de 82 millions de personnes à travers le monde ont été déplacées de force. Les femmes constituent près de la moitié de cette population et 30 % des demandeurs d’asile. La prévention des violences sexuelles et la nécessité de leur prise en charge sont l’une des priorités du HCR. Les femmes fuyant les guerres ou les persécutions sont particulièrement vulnérables tout au long de leur parcours migratoire, mais les études menées jusqu’à présent n’indiquent pas le niveau de risque ni l’incidence des violences sexuelles après leur arrivée dans un pays d’accueil.
Une équipe de médecins généralistes et enseignants chercheurs marseillais, en collaboration avec l’Université d’Aix-Marseille, a mené l’enquête auprès de femmes migrantes, demandeuses d’asile, arrivées depuis moins de 2 ans dans le sud de la France. L’objectif était de déterminer la proportion de ces femmes ayant subi des violences sexuelles depuis leur arrivée et de préciser la nature et les circonstances de ces violences. Au total 273 femmes ont été incluses, entre octobre 2021 et mars 2022. Il s’agit de demandeuses d’asile, venues pour la moitié d’entre elles d’Afrique de l’Ouest, pour l’autre moitié d’Asie, du Moyen Orient ou d’Europe.
L’arrivée en France ne met pas à l’abri…
Les résultats sont saisissants. Car si l’on sait que le parcours migratoire est parsemé de violences, l’arrivée en France ne signifie pas pour ces femmes la fin du calvaire. En effet, 26,3 % de ces femmes interrogées ont été victimes de violences sexuelles depuis leur arrivée en France, et pour 4,8 % il s’agit d’un viol, soit 18 fois plus que dans la population générale. Il peut s’agir également de tentatives de viol (8,8 %), d’exhibitionnisme (8,5 %), de prostitution (2,1 %) ou de chantage sexuel (27,9 %) pour obtenir un logement, des vêtements, de l’argent, etc.
Notons que 75,7 % de ces femmes avaient déjà été victimes de violence sexuelles avant leur arrivée en France et que cela constitue un facteur de risque puisqu’elles sont alors 4 fois plus susceptible d’être à nouveau agressées. Les femmes venant d’Afrique de l’Ouest et celles ne vivant pas en couple sont les plus vulnérables.
Seulement 1 femme sur 10 consulte un médecin ou s’adresse à un service de police quand a eu lieu l’agression, 1 sur 5 en parle à un travailleur social ou à un juriste, mais plus de la moitié ne demandent aucune aide. Enfin, si la majorité des violences touchent des femmes sans hébergement stable, 40,5 % des violences se passent dans le lieu d’accueil. Contrairement à ce qui est observé en population générale, l’auteur est le plus souvent inconnu.
Cette étude publiée dans le Lancet soulève de manière insistante la question de l’indispensable prévention des violences sexuelles dès les premiers mois suivant l’arrivée un pays d’accueil, pour cette population particulièrement vulnérable.
Dr Roseline Péluchon
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