par Cécile Daumas publié le 7 septembre 2022
C’est la rentrée scolaire, voici une classe de CM2, trente élèves de 10 ans environ : regardez ces enfants un à un, et imaginez qu’un à trois d’entre eux ont subi un inceste. Principalement des filles, abusées essentiellement par leur père. Vers 10 ans donc, ou peu avant, et cela peut durer des années. Le pouvoir du silence. «C’est dans les murs de la maison que la plupart des violences faites aux enfants surviennent», a écrit la doctorante en philosophie Tal Piterbraut-Merx. Ce ne sont pas des lolitas prépubères qui aguichent leur père ou un homme plus âgé de leur entourage, situation mythifiée par Lolita, lunettes en forme de cœur et sucette rose au bout de la langue, à l’affiche du film de Kubrick en 1962. Le véritable inceste est un acte de domination qui passe par le sexe, décrit le chercheur queer Juliet Drouar. «L’excitant n’est pas l’amour, mais le pouvoir et l’effraction», rappelle-t-il. Dans environ 75% des cas, ce rapport est imposé par un homme plus âgé, adulte ou adolescent (père, oncle ou cousin, connaissance de la famille…). Cette réalité crue et dévastatrice s’évanouit sur les écrans de cinéma, note la spécialiste du genre au cinéma Iris Brey. «Sa présence devient fragmentaire, voire fantomatique.» Pas d’image, pas de parole.