par Frédérique Roussel publié le 24 août 2022
Le docteur Esprit Blanche veillait en coulisses, prêt à se précipiter si son patient défaillait. Ce 7 janvier 1843, Monrose devait interpréter Figaro dans le Barbier de Séville, un rôle qu’il connaissait par cœur. L’acteur était le spécialiste du valet fourbe et fripon des pièces de Marivaux, Molière et Beaumarchais. Mais il n’avait pas joué depuis longtemps. Le docteur Blanche, partisan de sortir les aliénés de leur isolement, avait autorisé sa représentation de retraite de la Comédie-Française. A cette annonce, les spectateurs s’étaient précipités. Etait-ce l’ombre de Monrose ou le grand Monrose de retour sur les planches? Etait-ce un adieu au théâtre ou était-il vraiment guéri ? Aurait-il encore cette verve caustique qui faisait de lui un acteur célèbre ? Avant le lever de rideau, la salle frissonnait. Un soir à Rouen, quelques années auparavant, le comédien s’était mis à bafouiller, à mélanger prose et vers. On s’était impatienté, on avait fini par le huer, le croyant ivre. Monrose avait perdu la raison ! Il avait été conduit dans la célèbre clinique sur les hauteurs de Montmartre (1). La salle trépigne. «Plus on dit : “Il est malade !” Et plus le parterre répond : “Qu’il paraisse !” Alors il reparaît ! A l’instant où il reparaît, où il va venir, on tremble : le frisson se répand dans la salle. Pauvre homme dit-on à la fin. Ô miracle ! Le voici ! C’est lui, c’est bien lui, c’est le Monrose d’autrefois !» écrit Jules Janin dans son Histoire de la littérature dramatique.