par Virginie Ballet, Envoyée spéciale à Dourgne (Tarn) et Arras (Pas-de-Calais)
publié le 6 avril 2022
Déjà plus d’une heure qu’il est attablé et, semble-t-il, absorbé par la conversation menée tambour battant avec ses voisines. A tel point que frère Nathanaël en a raté le plateau de fromages qui circulait entre les convives. Il s’en amuse. Il faut dire que d’ordinaire ce moine bénédictin, regard rieur et scapulaire brun, déjeune en silence. «Sauf lorsqu’un frère fait la lecture», se corrige-t-il. Chargé de la bibliothèque de son abbaye tarnaise, le religieux s’est trouvé ce jour-là une voisine de table elle aussi férue de lecture en la personne de Nelly, 70 ans, bibliothécaire bénévole venue de Montgaillard, petite commune de 400 habitants vers Montauban. Ce n’est pourtant pas la passion des beaux ouvrages qui les réunit en ce lundi de mars, autour des grandes tablées boisées de la salle à manger de l’abbaye Sainte-Scholastique de Dourgne (Tarn), mais un engagement citoyen, délié de toute considération religieuse : tous deux sont des «relais ruraux», formés au repérage des violences conjugales par l’association Paroles de femmes, située à Gaillac, à une soixantaine de kilomètres de là.