Le pays dans le miroir des salons de coiffure, le premier des 100 reportages du « Monde » à six mois de l’élection présidentielle.
« Je ne vous ai pas vue vendredi dernier », répète Mélina Le Roy en frottant doucement une petite serviette contre les cheveux mouillés de sa cliente. « Un enterrement », répond Josiane en s’abandonnant entre les mains de la coiffeuse qui applique maintenant un baume « protecteur » sur sa chevelure. Mélina poursuit : « C’était qui ? » La cliente hausse les épaules, l’histoire n’est vraiment pas palpitante : une très vieille dame de 92 ans, du côté de sa belle-famille. Pas de quoi concurrencer le sujet de conversation précédent : le mystère de l’annulation de la Foire aux haricots ce week-end, alors qu’une fête foraine s’installe dans les rues d’Arpajon, dans l’Essonne.
Josiane Grenou vient se faire coiffer par Mélina tous les vendredis, à 11 heures. Un shampoing et un brushing : vingt-huit minutes, 10 euros. Toutes les six semaines, elle fait « reprendre » son blond vénitien et sa coupe. Tous les trois mois, sa permanente.« Je n’aime pas changer de crémerie »,explique-t-elle. Ni d’emploi du temps. Pas besoin d’agenda pour se souvenir que les troisièmes lundis du mois, c’est pédicure manucure à l’institut de beauté de Juvisy-sur-Orge, le mardi, boucherie, le mercredi, boulangerie, et ainsi de suite jusqu’au vendredi, où elle roule jusqu’à Arpajon pour son brushing chez Rital-Coiff. Des habitudes qui la« maintiennent ».
Pour la sociologue de l’éducation Barbara Fouquet-Chauprade, l’école a besoin de « politiques d’envergure qui dépassent le temps du quinquennat » pour réduire les inégalités scolaires.
Barbara Fouquet-Chauprade est sociologue de l’éducation et maître d’enseignement et de recherche à l’université de Genève. Elle coprésidera à la mi-novembre, à Paris, avec d’autres chercheurs, une conférence de comparaison internationale sur la gouvernance des politiques éducatives organisée par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco). Elle interroge la « complexité » à faire campagne pour une école plus juste, moins inégalitaire.
Leur place dans le financement est désormais clarifiée grâce à une note du ministère des Solidarités et de la Santé parue le 12 octobre dernier. Un ticket modérateur de 40% sera appliqué sur le tarif des séances. Et ce dernier sera pris en charge par les OCAM dans le cadre du contrat responsable.
La note indique, en outre, la durée des consultations : 55 minutes pour la première, afin de réaliser un bilan initial, et 40 minutes pour les suivantes. Le tarif de la première séance s’élèvera à 40 euros pour la première et 30 euros pour les suivantes. Le remboursement des séances n’aura lieu que si elles sont prescrites par un médecin traitant.
Les décrets d’application de la loi, votée fin juin, ont enfin été pris. Fin de l’histoire ? Non : des femmes célibataires et en couple lesbien racontent à quel point elles se heurtent à des refus de la part des services de PMA, qui, débordés, prétextent des limites d’âge inexistantes, invoquent de futurs décrets fantaisistes ou leur refusent l’accès à des listes d’attente.
Après bien des lenteurs, les décrets d’application de la loi ouvrant la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes ont été pris fin septembre. Mais des femmes célibataires et en couple lesbien se voient toujours refuser l’accès à ce droit. Elles ont pourtant fait les choses dans les règles, et appelé un service PMA ou un Centre d’étude et de conservation des ovocytes et du sperme (Cecos) : il faut en effet obtenir l’accord du service hospitalier et s’inscrire sur la liste d’attente du Cecos afin de recevoir un don. Cette attente peut être très longue du fait de la pénurie de donneurs en France. Seulement, aujourd’hui, des dizaines de femmes racontent n’avoir même pas été autorisées à s’inscrire sur cette liste.
De Colette à Georges Sand en passant par Marlène Dietrich, la garçonne incarne un mode de vie qui s'accompagne d'un style qui émancipe la femme des codes traditionnels de la séduction. La "femme en pantalon" symbolise alors la contestation du rôle social assigné aux femmes.
Matthieu Garrigou-Lagrange s'entretient avec Christine Bard, enseignante d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers et spécialiste de l'histoire des femmes, du genre et du féminisme, et notamment auteure de Les garçonnes: modes et fantasmes des années folles, publié en 1998 et réédité en 2021 aux éditions Autrement.
Utiliser les codes du masculin pour émanciper la femme
La garçonne nous apparaît comme un symbole d’émancipation et de liberté. Cette attitude à laquelle correspond une mode bien précise façonne l'image d'une femme "rebelle" qui brave les représentations traditionnelles. Cela ne va pas sans quelques contradictions. À la fois hyper-féminine le soir et androgyne le jour, la garçonne remet en question le genre bien avant les gender studies. La silhouette féminine change : les jambes se découvrent jusqu’aux genoux, les gaines remplacent les corsets et l'on valorise davantage la petite poitrine.
Le management mise sur l'humanisation des méthodes de travail, pourtant, il en vient à déshumaniser les individus, les déprofessionnaliser. Comment est-ce possible ? Comment le management est-il donc devenu, pour chacun d'entre nous, le contraire de lui-même, ingérable ?
REPORTAGE Pionnier de la « réhabilitation psychosociale », le professeur Nicolas Franck, de l’hôpital du Vinatier dans la banlieue lyonnaise, veut bousculer le traitement des maladies mentales et l’image de la psychiatrie.
C’est à Bron, en banlieue lyonnaise, au sein de l’hôpital du Vinatier, que se dresse le Centre rive gauche. En cet après-midi de septembre, les patients flânent librement dans le parc, le chant des oiseaux en fond sonore. La spécialité du lieu : la réhabilitation psychosociale, une approche innovante de la psychiatrie.
Ce centre, dirigé par le professeur Nicolas Franck, est une « unité pilote » qui doit présenter son projet aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, lundi 27 septembre. Ici, tout tourne autour de l’idée de « rétablissement ». Il ne s’agit pas de faire disparaître la maladie ou les symptômes, mais plutôt d’essayer de retrouver une forme d’équilibre et de bien-être.
ENQUÊTE La société DeepMind, filiale de Google, a mis au point un programme qui établit avec une justesse inégalée la structure tridimensionnelle des protéines. Une révolution conceptuelle qui va accélérer la recherche biomédicale.
Cette fois, c’est du sérieux. L’intelligence artificielle rivalise désormais avec les plus grands cerveaux scientifiques. Plus fort que les victoires dans les jeux de go, d’échecs, de poker, ou dans le jeu vidéo StarCraft. Moins anecdotique que les systèmes de reconnaissance de museaux de chats ou de chiens. Plus précis que les traductions automatiques fluides mais qui dérapent parfois. Moins risqué que les générateurs de fausses images, de fausses vidéos, ou d’œuvres d’art « à la manière de… ». La nouvelle vague de l’intelligence artificielle, celle des réseaux de neurones et de l’apprentissage statistique, vient de résoudre pour la première fois un important problème scientifique, digne d’un Nobel.
Alors que le port du masque est appelé à se prolonger et représente une source importante de déchets, une étude française confirme le maintien des performances de filtration des masques en polypropylène après plusieurs passages en machine.
Faut-il continuer à mettre à la poubelle les masques chirurgicaux après une unique utilisation ? Au terme d’un an et demi de tests en laboratoire, une équipe de chercheurs français démontre, dans une étude parue lundi 11 octobre dans la revue scientifiqueChemosphere, qu’ils conservent leur pouvoir filtrant et leur respirabilité après dix passages en machine à laver. Leur performance reste même supérieure à celle des masques en tissu de catégorie 1, avec une capacité de filtration bactérienne supérieure à 98 % contre 90 %. Une intuition que de nombreux consommateurs avaient mais qui n’avait pas encore fait l’objet d’une évaluation systématique.
Que penser de l’augmentation des demandes de transition de genre parmi les jeunes et en particulier parmi les jeunes filles? Ne faudrait-il pas temporiser et repousser à la majorité cette possibilité? L’accompagnement psychothérapeutique serait-il plus adapté pour y répondre? Ces questions, une jeune et modeste association de parents les pose désormais sur la place publique, à Genève. Elles ont toutes leur légitimité, en particulier face à l’inquiétude qu’ont pu susciter les demandes de leurs ados.
L’association a pourtant suscité le courroux de sept structures accompagnant des jeunes trans, qui jugent ses réponses inadéquates et de nature à dissuader les professionnel·les de la santé d’accompagner celles et ceux qui en ont besoin. Deux médecins dénoncés sont en effet sous le coup d’une enquête de la Commission de surveillance des professions de la santé et du droit des patients – qui ne s’est pas encore prononcée. Les associations invitent aussi à ne pas déformer le résultat des recherches scientifiques, à respecter les standards de soins élaborés depuis quarante ans par l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres, et à respecter le droit à l’autodétermination des jeunes. En Suisse, celle-ci est liée à la capacité de discernement, non à l’âge.
C’était il y a un an presque jour pour jour : après l’attaque au sabre le soir de l’Halloween dans le Vieux-Québec. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, annonçait l’injection de 100 millions de dollars pour la santé mentale.
L’idée était de faciliter l’accès aux services dans ce secteur, qui prenait déjà trop souvent l’allure d’une course à obstacles avant même la pandémie. Et qui, on le sait, est devenu encore plus difficile depuis.
Et alors ?
Hum…
Le Devoir révélait récemment qu’il y a encore quelque 19 000 personnes en attente de services en psychothérapie au Québec à l’heure actuelle.
Or, en décembre dernier, le nombre de personnes sur cette liste était d’environ… 19 000 !
Dans l'école élémentaire Victor Hugo de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), Chaker Brahmi s'asseoit une quinzaine d'heures par semaine, auprès d'un petit garçon autiste, en classe de CM2. Ce garçon s'exprime de mieux en mieux, ce qui fait la fierté de son AESH.
"Six ans de suivi, et il parle maintenant. L'autre jour, il a parlé, j'en avais les larmes aux yeux".
Chaker Brahmi, AESH d'un garçon de CM2
à franceinfo
En tant qu'AESH, son rôle est de le rassurer et de reformuler pour lui les consignes de l'enseignant. Et petit à petit, il lui laisse trouver ses propres marques. "Par moments, il me dit 'tu sors de la classe', poursuit Chaker. Alors je sors de la classe, je reste dans le couloir. C'est un plaisir car il envie de travailler seul ! Pour moi, c'est un exploit".
"Ou bien c'est le siège le plus light de l'histoire des sièges", s'amuse notamment un médecin habitué des urgences pédiatriques sur Facebook.
POLITIQUE - Pour lui, les maux de l’hôpital public tiennent aux étrangers et à trois lettres: AME. Lors d’un rassemblement à Béziers, samedi 16 octobre, le polémiste Éric Zemmour a appelé à la suppression de l’aide médicale de l’État (AME), un dispositif qui offre aux étrangers en situation irrégulière un accès aux soins et qui constitue depuis longtemps l’une des cibles politiques favorites de l’extrême droite.
“L’hôpital est assiégé par une population venue du monde entier. Nous devons supprimer l’AME”, a tweeté le presque candidat à la présidentielle, en marge de ce rassemblement en compagnie du maire biterrois Robert Ménard.
Si la proposition n’est pas une surprise venant d’un représentant de ce camp, par ailleurs condamné deux fois pour provocation à la haine, l’idée d’un hôpital public “assiégé” en raison de ce dispositif d’aide a provoqué les rectifications et suscité quelques moqueries de soignants travaillant sur le terrain.
On les compte par millions... sur terre, dans les océans ou les sols, visibles ou invisibles, la diversité des espèces est en constante évolution comme l'explique le biologiste Éric Karsenti, médaille d'or du CNRS en 2015, à l'occasion du lancement de l'Année de la biologie.
Comment décrit-on aujourd’hui la diversité du vivant ? Cette notion est-elle en train d’évoluer ?
Éric Karsenti1. Les définitions sont importantes, car je crois que beaucoup d’entre nous ignorent ce que « diversité » veut dire. La première des diversités, c’est celle qui distingue les organismes entre eux : les virus, les bactéries, les protistes, les vertébrés, les invertébrés, les plantes, etc. Ces catégories regroupent chacune des espèces. Chaque espèce, même s’il est curieux d’utiliser le terme d’espèce pour un virus, peut – comme nous l’avons vu avec le Covid 19 – produire des variants.
Prenons le cas de la diversité humaine. L’histoire humaine est une histoire de migrants. Elle est le fruit d’un mélange. Sapiens est apparu en Afrique à la suite de migrations successives de ses prédécesseurs. Il doit son existence à des échanges génomiques entre groupes qui se sont diversifiés en circulant d’un site à l’autre sur de longues périodes de temps, entre 300 000 et 70 000 av. J.-C. Hors d’Afrique, des mélanges se sont également opérés et nous avons hérité de 2 % de l’ADN de Néandertal. Ces échanges et ces mélanges ne doivent pas nous faire perdre de vue que nous parlons de différences presque marginales : notre génome est identique à 98,8 % à celui des chimpanzés.
Représentation 3D de 29 populations humaines, modernes et éteintes, étudiées pour modéliser le crâne du dernier ancêtre commun possible aux membres de notre espèce "Homo sapiens".
Aurélien MOUNIER / MNHN / HNHP / CNRS Photothèque
Vous évoquez les espèces. Combien en a-t-on identifié à ce jour ?
E. K. Le nombre d’espèces connues s’établit à environ 7,2 millions, parmi lesquelles on recense 6,7 millions d’invertébrés, 80 500 vertébrés et 390 800 plantes. À cela, nous devons ajouter les micro-organismes qui forment la vie invisible de notre planète : il existe plus de 6 millions d’espèces de bactéries, qui s’apparentent plutôt à des catégories génomiques. Dans les océans, nous avons également identifié 150 000 genres de protistes, ce qui veut dire que les mers abritent probablement plus d’un million d’espèces de protistes. En effet, un genre (genus) regroupe plusieurs espèces assez proches. Enfin, toujours dans les océans, environ 500 000 virus ont été répertoriés.
parEva Fonteneau, correspondante à Bordeaux publié le 17 octobre 2021
Le suicide d’une octogénaire, qui refusait d’être séparée de l’homme dont elle était tombée amoureuse en Ehpad, soulève l’épineuse question de l’intimité dans les structures pour personnes âgées.
«J’aime comme je n’ai jamais aimé. En nous séparant, je ne sais pas si vous réalisez votre acte.» Dans la petite chambre d’une résidence pour seniors, à La Rochelle, Anne, 83 ans, s’est donné la mort en juillet. Près de son corps, plusieurs dizaines de lettres manuscrites, noircies d’une fine écriture, ont été retrouvées. L’octogénaire avait pris l’habitude de coucher ses pensées sur le papier. Pour se souvenir. Elle y a finalement expliqué son dernier geste, dicté par le «désespoir».
Alerté d’un risque généralisé de fermeture d’unités hospitalières, le ministre de la Santé, Olivier Véran, envisage de repousser de quelques semaines la régulation stricte des rémunérations des médecins intérimaires à l’hôpital public, censée entrer en vigueur le 27 octobre.
Le gouvernement va-t-il accorder un sursis aux «médecins mercenaires» de l’hôpital public ? Depuis quelques jours, les échanges du cabinet du ministre de la Santé, Olivier Véran, avec les syndicats et les directions hospitalières s’intensifient. A tel point que ces derniers s’attendent à un «bougé imminent» du ministre, ce que confirme son cabinet : une décision devrait être annoncée en milieu de semaine. Au centre des discussions, un possible report de l’entrée en vigueur d’une disposition de la loi Rist aux allures de révolution pour l’hôpital. Laquelle prévoit qu’à compter du 27 octobre, tout établissement public de santé qui acceptera de verser aux médecins intérimaires des rémunérations supérieures au plafond légal ne sera plus remboursé par le comptable public. De quoi mettre un coup d’arrêt aux dérives ruineuses pour les hôpitaux et la Sécu. Il y a six mois, les praticiens hospitaliers avaient applaudi cette disposition des deux mains.
Croire aux vaccins, aux gouvernants, aux médias, aux scientifiques... la crise du Covid-19 a fragilisé le verbe croire. Chacun semble être devenu à ses yeux si savant qu’il peut décider de croire selon ses seuls référents, ses seules croyances. Débat entre Jean-François Delfraissy et Etienne Klein.
Il est des verbes que la crise pandémique a particulièrement fragilisés au sein de l’opinion publique. Croire est l’un des plus éprouvés. Croire en : la médecine, l’innovation, les laboratoires pharmaceutiques, les vaccins. Croire en : la parole des gouvernants, celle des opposants politiques, celle des experts (avérés ou usurpateurs), celle des médias. Croire en : la plume des journalistes ou l’ivresse complotiste et irrationnelle propagée via les réseaux sociaux. Croire en : les certitudes des scientifiques ou les promesses de hiérarques religieux. Finalement, croire en qui et à quoi ? Chacun semble être devenu à ses yeux si savant qu’il peut décider de croire selon ses seuls référents, ses seules… croyances. Toutefois, à l’aune d’une éthique des promesses et des débats (publics, politiques, médiatiques, au sein de l’entreprise) anémique, cette éruption n’est-elle pas compréhensible ? La crise du Covid-19 est venue embraser une crise de croyance qui cristallise une autre crise, celle-ci plus ancienne et protéiforme, de confiance et de légitimité. Mais peut-être cette crise de croyance scientifique, politique, institutionnelle, réverbère-t-elle une autre crise de croyance, autrement plus critique : en l’avenir ?