Chacun connaît l’histoire de Camille Claudel, la grande artiste qui fut la maîtresse et la rivale de Rodin. En 1913, quelques jours à peine après la mort de son père, qui l’avait toujours protégée, sa mère la fit interner dans un asile de fous. Voici ce que lui écrivait sa fille deux semaines après son arrivée :
“J’ai bien reçu les objets que vous m’avez envoyés. Voilà bien de l’argent dépensé. Avec le quart de cet argent-là, j’aurais vécu tranquille longtemps dans mon quai de Bourbon où j’étais si bien... Cela va-t-il durer longtemps, cette plaisanterie-là ? Vous ne pourriez pas me donner quelques renseignements à ce sujet ? Je n’en serais pas fâchée”
Camille Claudel
Pour toute réponse, la mère interdit au médecin-chef de laisser sa fille correspondre avec quiconque ou de recevoir des visites. De fait, la « plaisanterie » allait durer jusqu’à la mort de Camille, en 1943. Elle fait ainsi partie des 40 000 fous, ou plutôt présumés fous, que Vichy laissa mourir de faim.
Cette histoire paraîtra, à la conscience commune, remonter à l’ancien temps. Il y a beau temps, pense-t-on, qu’on n’enferme plus les gens malgré eux dans des asiles de fous.