Cet article est à retrouver dans le numéro 10 de la revue Carnets de science, en librairie dès aujourd'hui.
Autorité publique et violence légitime
Mais rembobiner le très long film de l’histoire du châtiment suprême montre que la plupart des sociétés, jusqu’à une époque récente, l’ont inclus dans leur arsenal répressif. Des millénaires durant, sans exception ou presque, toutes les autorités publiques détenant le monopole de la violence légitime et supprimant de ce fait le recours à la vengeance privée se sont octroyé le droit de prescrire la mort pour punir les infractions jugées les plus attentatoires à l’ordre social, moral, religieux ou politique. Et tous ces pouvoirs ont dû répondre aux mêmes questions. Comment faire pour que la peine de mort serve à protéger la société contre ses ennemis les plus dangereux, affirmer l’autorité de la puissance publique et décourager les futurs délinquants ? Quel mode d’exécution privilégier ? Faut-il mettre en spectacle la peine pour frapper les imaginations ? Doit-on donner la mort aux femmes et aux enfants de la même façon qu’aux hommes ?, etc.
Au bas Moyen Âge (XIIe-XVe siècle), tandis que le droit pénal romain refait surface, que la centralisation monarchique s’affirme et que la justice royale tend à supplanter la justice seigneuriale, « châtier les réfractaires à l’ordre établi apparaît de plus en plus comme une nécessité », pointe Tanguy Le Marc’hadour, du Centre d’histoire judiciaire. L’idée s’impose que le criminel doit effacer la gravité de sa faute en payant de sa personne et que plus un délit est important, plus son auteur doit souffrir. Sont notamment passibles de mort les homicides, les incendies de maisons et de récoltes, les vols, les viols, les rapts, la fabrication de fausse monnaie et le relaps (le fait, pour un chrétien, de retomber dans une hérésie à laquelle il avait renoncé).