Par Charlotte Herzog Publié le 23 décembre 2020
TÉMOIGNAGES Bien que la fin du jour sans fin paraisse encore lointaine, rien n’empêche de songer à l’après et de s’accrocher à l’espoir que cela suscite. Les lecteurs du « Monde » ont laissé leur imagination s’emporter et nous ont livré leurs rêves « d’après ».
Et pour vous, ce sera comment « l’après » ? Ce sera la fête. Une constante dans vos mots : le désir de plonger dans le monde sensible. Vous nous avez envoyé plus de 200 témoignages pour évoquer le besoin de retrouver l’autre, le contact physique et les sensations de la vie lorsqu’on est entouré. Sans entrave et sans masque, se toucher, s’enlacer, s’embrasser. Se sentir, se sourire, rire sans avoir peur d’être toxique pour l’autre.
Nous avons interrogé vos envies, projets et fantasmes. Vous nous avez invités aujourd’hui dans votre vie d’après. Celle où vous boirez des cafés plus savoureux que jamais aux côtés d’inconnus que vous aimez déjà. Celle où vous ne vous méfierez plus, où vous partirez, légers, à l’improviste, faire des tours de la France ou du monde. Cette vie où vous ferez la tournée de vos proches dont l’absence vous aura trop pesé. Où vous la paierez, votre tournée, plutôt mille fois qu’une, dans vos bars retrouvés. Cet après qui vous fera vibrer de théâtre, frissonner de cinéma, savourer vos flâneries et reconnaître que l’insouciance est un état de grâce.
Vous avez interrogé votre connaissance de la notion de liberté, que vous promettez désormais de chérir. Certains se sont découverts au travers de la solitude et se sont engagés à ne plus se lâcher la main. Une majorité d’entre vous a ressenti une irrépressible envie de pousser les murs, et vous vous êtes promis de ne plus vous imposer de barrières. De franchir les frontières pour vous évader dans la nature ou pour surmonter vos peurs. Vous avez reconnu la préciosité « des toutes petites choses » en accordant à votre « vie d’avant » qu’elle n’était pas si mal, finalement. Enfin, vous avez constaté que la société « d’après » méritait davantage d’amour et de solidarité.
Mais surtout, vous avez commencé et terminé par cela : le premier jour de « l’après » sera dansant. Une immense fête. Petits et grands, ensemble, nous danserons, sur de la musique qui ne s’arrêtera plus. Et ce sera beau.
Partir au bout du monde. ça paraît classique, mais c’est ce dont je rêve, en pyjama chez moi entre mon dernier Zoom pour les cours et le prochain appel FaceTime avec mes proches. Quitter les quatre murs de mon appartement, loin de ma famille avec mon sac à dos dans un pays loin et inconnu. Découvrir de nouvelles saveurs – autres que celles livrées par Deliveroo –, voir de nouveaux paysages. Pourquoi pas l’Australie ? Plus loin que ça, c’est difficile à faire et puis là au moins je verrai d’autres poissons que Maurice, mon poisson rouge, dans son aquarium.
Emilie, 21 ans, étudiante.
Claire, 33 ans, restauratrice.
Sortir, danser et enlacer. Quand tout cela sera fini, je sortirai sans me questionner, je danserai toute la nuit en boîte ou chez des amis, mais surtout je toucherai, j’enlacerai, et j’embrasserai mes amis et mes rencontres. Voilà ce qui me manque : le contact humain. Je rêve de ce moment incroyable lorsque l’on sortira tous, libérés et heureux, que l’on pourra tous se coller et partager notre transpiration nocturne dans la joie. Je m’imagine même émue de pouvoir profiter des bars et boîtes sans masque et sans distanciation. Finalement, je rêve de reprendre une vie extravagante, festive, folle, pleine d’émotions, de rencontres et de contacts comme avant.
Zoé, 21 ans, étudiante.
J’écumerai les bals folk. Je prendrai la main de gens que je ne connais pas, pour danser à leurs côtés. J’emporterai dans une valse étourdissante un ami ou un étranger. Je m’emplirai du pouvoir de la foule qui bouge sur un seul et même rythme. J’écouterai le bruit d’un plancher effleuré ou tapoté, caressé ou frappé. Je sentirai monter en moi la vague du son qui emporte le mouvement, et je rirai, avec tous ces autres retrouvés, du plaisir d’être là, à danser et respirer.
Claire, de Brest.
Ghita K., Paris
Je respirerai. Je retirerai ce masque et je respirerai. Je respirerai à pleins poumons. Je pourrai de nouveau sourire, exprimer cette joie diffuse de liberté revenue et la partager en marchant pendant des heures.
Claire G
Je veux juste retourner à la piscine, ma vieille piscine municipale des années 1960 avec ses cabines en plastique moulé qui s’écaille, ses bracelets de vestiaire impossibles à nouer avec une seule main, ses douches au filet d’eau chaude ou pas. Je veux enfin franchir ces quelques marches et entamer les premières brasses libératrices.
Dominique B
Anonyme, 54 ans, Montpellier
Je rêve d’un repas de famille dans le jardin avec une grande nappe blanche et des rires d’enfants ou des pleurs de bébé, qui résonneraient de nouveau dans ma tête. En un mot, je rêve de cette vie que j’avais… et de la chance que j’avais d’avoir tant d’amour et d’amitié. Et de liberté !
Aline, 72 ans, retraitée
Emilie
Quand tout sera fini, si je ne suis pas moi-même finie, j’inviterais mes enfants et mes petits-enfants, je trouverai les uns vieillis et les autres grandis, on mangera ensemble et on fêtera tous les anniversaires passés chacun dans son coin et on soufflera, insouciants, toutes ces bougies sans redouter les aérosols. Je filerai aussi bavarder avec mon amie Mireille qui habite à un quart d’heure à pied de chez moi, et j’irai prendre le café promis avec tous les amis que je me suis fait sur Facebook pendant cette période sans repères.
Marie, 74 ans
Teresa, 53 ans
Je veux voir des expressions de visages sans masque. Même les gens qui font la gueule me manquent.
Florian, 21 ans, dans la mode
Anonyme, 17 ans
Je rêve à ce futur plus ou moins lointain qui me permettra, avant que l’âge ou ma condition physique ne m’en empêche, de partir au gré de mes envies, pour voyager, et aussi retrouver nos enfants et petits-enfants, les amis… Bref, reprendre une vie normale sans ce voile noir qui s’est abattu devant nos yeux pour nous masquer le futur.
Dominique, 66 ans, horticultrice à la retraite
Caroline
Quand ce sera fini, je pourrai montrer à ma petite qu’on a tous un sourire sous le masque (elle est née pendant le premier confinement). Et épouser son père. Qu’il sera beau ce jour nouveau !
Mathilde, 27 ans, musicothérapeute
Quand tout sera fini, je savourerai ma vie et plus encore… Il aura fallu cette crise sanitaire, épisode frustrant et castrateur de libertés, pour réaliser à quel point ma vie « ordinaire »contribue à mon bonheur et à mon épanouissement.
Carole, 51 ans, cadre dans la fonction publique.
J’apprendrai à vivre. Même si le deuxième confinement a été moins difficile à vivre que le premier, il a été le révélateur de mes troubles profonds. C’est bien, lorsque nos défauts nous sautent aux yeux, le plus dur est fait. Donc, apprendre à vivre avec et à réparer, voilà mon souhait.
Anonyme
Caroline, 55 ans, cadre de santé dans un hôpital
Quand tout cela sera fini, je sourirai à tout le monde dans la rue et je chanterai la liberté retrouvée. Et aussi, je brûlerai mes masques.
Aurélie, 44 ans, coach et formatrice
Quand tout cela sera fini, j’irai vous embrasser. J’irai vous embrasser comme le font les mamans, avec la tendresse et la gourmandise de sentir la chaleur de l’autre contre soi. J’irai vous embrasser comme le font les adolescentes pour se dire bonjour le matin, avec la joie sautillante de ceux qui ont toute la vie devant eux. J’irai vous embrasser comme le font les frères et sœurs entre eux, dans un geste déjà cent fois répété que les joues se calent d’elles-mêmes exactement au même endroit à chaque fois afin que les lèvres claquent dans l’air dans une esquisse d’embrassade preste et qui ne s’attarde pas.
J’irai vous embrasser comme deux vieux amis qui se retrouvent après des années de séparation, qui n’ont pas besoin de se parler pour se comprendre immédiatement tellement leur enfance les a façonnés dans le même bois, et qui s’attardent dans une longue étreinte amicale qui se passe de mots. J’irai vous embrasser comme une amante brûlante de désir et ivre du réconfort de vous retrouver enfin, et je vous embrasserai encore et encore et encore des mille manières que les hommes ont de s’embrasser entre eux, juste pour le plaisir…
Olivia.
Juliette
Quand tout cela sera fini, je sourirai à tout le monde dans la rue et je chanterai la liberté retrouvée. Et aussi, je brûlerai mes masques.
Aurélie, 44 ans, coach et formatrice
Anne S., qui attend de sauter dans un avion
Je veux écouter mes amis me raconter de vive voix et vive vue ce qu’ils ont vécu, leurs projets d’avenir, me raconter des conneries aussi, beaucoup, et rire autour de repas qui n’en finiront pas. Je suis consultante en ressources humaines à Paris. Mais quand ce sera fini, je serai libraire dans le Berry.
Stéphanie, 39 ans
Assia, 20 ans
Je partirai à Ouessant… Avaler la route, embarquer, me saouler aux embruns…. Débarquer, aller boire un café à la Duchesse Anne. Et puis marcher… Une île du bout du monde, mon paradoxe du déconfinement.
Magalie D
L., 30 ans
Je rêve de parler autrement qu’à mon écran d’ordinateur et à mon téléphone. Et aussi, de marcher sans compter mes pas ou les kilomètres.
Cécile, enseignante, 54 ans
Je rêve de serrer ma grand-mère dans mes bras. Ça fait si longtemps.
Pierre-Louis, 20 ans
Enzo
Marcher, marcher et encore marcher. Chausser mes boots de randonnée et partir.
Catherine, 43 ans
Je veux profiter de ma jeunesse jusqu’au bout de la nuit. Je veux juste revivre normalement, et le plus tôt possible.
Léonie, 17 ans
Sarah, 28 ans, Paris
Je rêve d’un après où la fête et les sorties seront reines et où le partage et l’amour seront rois. Après le Covid-19, moi, je serai sûrement bourré.
Emza, 26 ans, étudiant
Ma femme, mes enfants et moi, on s’arrache de Paris et on va vivre dans une grande ville pas loin de la côte, de la campagne, pour respirer et faire baisser la pression d’une grande ville, profiter du présent et de l’espace.
Julien, 43 ans
William, 23 ans, étudiant en physique théorique
J’attends un coup de fil impromptu pour aller boire un verre. J’attends que la vie reprenne avec ses imprévus joyeux et modestes. J’attends les amis, la vie sociale, les inconnus souriants au soleil dans la rue. J’attends que la vie reprenne et que les libertés reviennent. J’attends l’insouciance, le sel de la vie !
Sylvie, enseignante
Je ne pense qu’au jour où le Parc des Princes pourra être à nouveau rempli avec 47 000 spectateurs. Vivre un match avec des dizaines de milliers de personnes qui supportent la même équipe est un facteur essentiel à mon bonheur.
Fabien, 26 ans, cadre
Jérôme, 35 ans, journaliste radio
C’est peut-être le souhait le plus simple et pourtant qui me semble si beau, anticiper de petits événements quotidiens avec les gens que j’aime, et savourer une tasse de café sur une terrasse, sans me soucier des contraintes, en ayant dans la main le simple bonheur d’être libre.
Gabrielle, 31 ans
J’ai hâte de m’asseoir à nouveau sur les marches à Cais do Sodré à Lisbonne, d’y boire une caïpirinha, de regarder les vagues du Tage qui se jette dans la mer.
Marie G., 62 ans, gouvernante
Je rêve de pouvoir dire à mes filles qu’elles ont connu la fin d’un ancien monde qui ne réfléchissait plus à rien, qui partait dans un mur… Et qu’elles connaissent maintenant un autre monde, qui se rappelle que nous sommes aussi des animaux, que nous faisons partie de plusieurs cercles, que nous ne sommes pas tout au dessus et que la vie est un équilibre.
Anne
Je me coucherai le soir suffisamment fatiguée pour ne pas subir l’insomnie.
Michèle, 72 ans, écrivaine et traductrice
Quand tout sera fini, je cesserai de m’angoisser pour mon avenir dans la culture, en régie des œuvres, et ma prochaine insertion professionnelle. J’exercerai le job de mes rêves.
Mathilde, 22 ans
Jean-Louis, 66 ans
Une énorme fête, lâcher prise, se frotter à la sueur de corps étrangers, l’euphorie de partager un moment hors du temps, l’ivresse et la légèreté, voilà ce qui me manque le plus. Dès que ce sera fini, j’organise une fête dantesque. Et même les petits matins chiffonnés de gueule de bois me sembleront doux.
Camille
Je monterai à Montmartre me fondre dans la foule. Au parc des Buttes Chaumont, je m’assiérai sur un banc à côté des vieilles gens, pour parler comme avant de pluie et de beau temps. J’assiégerai les terrasses des bistrots au sommet du Trocadéro, place des Vosges ou à la Bastille et je finirai les verres abandonnés en criant « santé ! ». Je retournerai à l’Espace Marais me placer sous les postillons des acteurs, voir leur chair trembler et leur sueur perler. Par leurs coudes et genoux accolés, je sentirai les tressaillements de mes voisins spectateurs.
Valérie Valkanap
Joséphine, 23 ans
Quand tout cela sera fini, je pourrai pleinement apprécier la personne que j’ai découverte pendant ce confinement et qui m’a, jour après jour, redonné espoir : moi-même.
Paul, 39 ans
Noa, 18 ans, étudiante
J’ai une envie irrépressible de me réconcilier avec l’autre dans sa relation la plus élémentaire. Retrouver le plaisir humain d’être ensemble sans penser qu’on est trop près. Une relation sans barrière, sans entrave, sans retenue, sans avoir la crainte de porter en soi quelque chose de toxique pour l’autre. Supprimer définitivement ce rapport clinique à la vie. Et rétablir une relation humaine chaleureuse, animée de nos émotions visibles, de nos éclats de rire et de toutes les expressions intrinsèques à la communication. Se dire que les corps vont pouvoir se rapprocher à nouveau sans délimitation d’espace, sans consignes sanitaires. Revivre la convivialité du monde. Nous relier les uns aux autres avec ardeur.
Elodie, 45 ans, enseignante
Sophie, 30 ans