La crise sanitaire du Covid-19 a bouleversé la pratique des soins en santé mentale, à l'extérieur de l'hôpital. A l'intérieur aussi.
Depuis le mois de mars, les hôpitaux généraux se sont réorganisés. Certains ont ralenti leur activité psychiatrique. D'autres ont tenté d'apporter des solutions spécifiques aux patients présentant un trouble mental et atteints du Covid-19. Du côté des hôpitaux psychiatriques, on a limité les admissions et accéléré certaines sorties, afin de limiter le risque de foyers épidémiques. Soutenue par les consignes fédérales, la psychiatrie hospitalière s'est, en quelque sorte, confinée dans l'attente de jours meilleurs.
Le secteur ambulatoire a assuré sa fonction, dans des conditions pénibles, assumant des visites au domicile et en intensifiant les contacts par téléphone ou par visio-conférence. Il n'empêche : des patients ont été perdus de vue. Nos voisins français les estiment à 10%.
Et ce qu'on a redouté est arrivé. Laissés seuls face à leur souffrance et à leurs symptômes, les patients, qui avaient retrouvé un certain équilibre grâce aux prises en charge, ont vu leur santé mentale se détériorer. Depuis le mois de mai, ce sont les plus fragiles qui en subissent les conséquences. Et ce sont les hospitalisations sous contrainte qui ont explosé.
Explosition des prises en charge sous contrainte
En Belgique, la prise en charge psychiatrique sous contrainte concerne deux situations. La première est l'internement. Elle concerne les personnes qui ont commis un fait qualifié délit ou crime et qui, du fait d'un trouble mental, ne peuvent être condamnées. Elles sont dès lors "internées" et soignées dans les annexes psychiatriques des prisons, dans des centres de psychiatrie légale et dans des hôpitaux psychiatriques sécurisés.
Et puis, il y a les "mises en observation". Elles concernent toute personne qui, présentant un trouble mental, met gravement en péril sa santé et sa sécurité ou constitue une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui. Cette mesure, qui dépend de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux, est prise, en urgence, par le procureur du Roi, à défaut de tout autre traitement approprié. La personne concernée par une mesure de mise en observation se retrouve donc hospitalisée sous contrainte dans un service agréé en hôpital général ou psychiatrique.
Travailler dans un service d'hospitalisation sous contrainte est à la fois difficile et passionnant. On y rencontre le plus beau et le plus délaissé de notre humanité : la folie, celle qui se soigne mais ne se guérit pas, celle qui interpelle et fait peur, celle qui est violente, celle qui ne se reconnaît pas comme telle.
Des situations parfois désespérées, parfois désespérantes, des familles découragées, mais aussi, beaucoup de potentiel : de créativité, de rémission, de solutions originales ou individualisées. Les patients cumulent les pathologies, les difficultés sociales, l'isolement, la dangerosité et la non demande de soins. Ils sont en crise, agités et réclament une attention médicale, infirmière et sociale intensive.