Le philosophe marxiste a bâti une pensée qui lui permet d’affronter la crise sanitaire actuelle et celle, économique et sociale, qui vient. Les deux premiers volumes de ses œuvres complètes, parus récemment, en témoignent.
« Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Ecrits I », et « Passions du concept. Epistémologie, théologie et politique. Ecrits II », d’Etienne Balibar, La Découverte, « L’horizon des possibles », 308 p. et 276 p.
Bien qu’il soit l’un des intellectuels français les plus commentés à l’étranger, Etienne Balibar (né en 1942) se distingue par sa discrète humilité. En témoignent les deux premiers volumes de ses œuvres complètes, Histoire interminable et Passions du concept. On y retrouvera non seulement l’impressionnante variété des questionnements qui sont les siens (sur l’universel, la frontière, le racisme, la violence…), mais aussi la générosité d’un philosophe qui a toujours conçu la réflexion comme un franc dialogue avec ses contemporains du monde entier. Alors que s’ouvre une crise planétaire, entretien avec ce philosophe sans frontières.
Comment un homme comme vous, profondément imprégné par la culture politique marxiste, fait-il face à l’actuelle pandémie ? La question sociale est-elle chassée par la question virale ?
Voilà une jolie alternative, presque un sujet de bac ! Pour moi, ce que la « question virale » a de plus frappant, c’est bien sûr les souffrances dont elle s’accompagne, mais aussi l’urgence qu’elle confère au problème de l’immunité qui traverse toutes les barrières nationales ou sociales.
Mais il y a un autre recoupement : c’est la vulnérabilité différentielle de nos sociétés à la pandémie. Nous ne sommes égaux ni devant le risque ni devant les mesures prises pour le conjurer. Les inégalités, dramatiquement accentuées, se transforment en différences anthropologiques, c’est-à-dire en clivages à l’intérieur de l’espèce humaine.