Une auxiliaire de vie assiste une femme tétraplégique. Photo Voisin. Phanie
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jeudi 2 avril 2020
Handicapés et aides à domicile, une dépendance décuplée
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Une auxiliaire de vie assiste une femme tétraplégique. Photo Voisin. Phanie
Une auxiliaire de vie assiste une femme tétraplégique. Photo Voisin. Phanie
« Pour les plus démunis, le système tient mais avec de graves insuffisances »
En pleine crise sanitaire causée par le coronavirus, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Louis Gallois, alerte sur la situation des sans-domicile et des migrants.
Propos recueillis par Isabelle Rey-Lefebvre et Julia Pascual Publié le 2 avril 2020
Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), réclame la mise à disposition de nouveaux lieux pour mettre à l’abri les sans-domicile et juge catastrophique la fin de l’enregistrement des demandes d’asile. Il plaide pour que les plus démunis ne soient pas les grands oubliés une fois la crise liée à l’épidémie de Covid-19 passée.
Que pensez-vous des réponses apportées aux plus démunis dans cette crise du coronavirus ?
Je constate que le système tient, mais il y a de graves insuffisances. Les associations, qui œuvrent en général avec des bénévoles âgés, ont considérablement réduit leurs distributions alimentaires, leurs maraudes et leurs accueils de jour.
Des gens appellent le 115 parce qu’ils ont faim et n’ont pas mangé depuis deux ou trois jours. Ils ne peuvent même plus faire la manche. Mais les associations font preuve de réactivité et d’innovation pour pallier ces manques.
Sur le plan de l’hébergement, qui accueille 110 000 sans-abri dans des structures dédiées, 50 000 dans des chambres d’hôtels et 100 000 dans les circuits réservés aux demandeurs d’asile, le système tient grâce à l’engagement des salariés : entre 60 % et 70 % d’entre eux sont au travail, alors qu’ils ne sont pas correctement protégés car nous manquons cruellement de masques et de gel hydroalcoolique. Chaque jour, je constate leur engagement et leur créativité. C’est une fierté. Un grand merci à eux.
Covid-19 : «Si nous sortons d’une première vague avant l’été...»
Par Christian Losson —
Dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, samedi. Photo David Gannon. AFP
Dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, samedi. Photo David Gannon. AFP
Antoine Flahault, épidémiologiste, tire les premières leçons de la pandémie qui frappe la planète et esquisse des perspectives sur la possibilité d’en sortir au mieux.
Professeur de santé publique à l’Université de Genève, l’épidémiologiste Antoine Flahault pilote l’Institut de santé globale. Il a notamment coordonné la lutte contre l’épidémie de chikungunya qui avait frappé 40% de l’île de la Réunion entre 2005 et 2006 et dirigé, en France, l’Ecole nationale de santé publique. Il est également le coordinateur de l’ouvrage Des épidémies et des hommes (1).
Que nous dit la pandémie du Covid-19 sur notre planète ?
Elle démontre la vulnérabilité mais aussi l’interconnectivité des habitants de la Terre. Le nouveau virus a été disséminé sur tous les pays en moins de trois mois. Il a entraîné en certains endroits des épidémies dévastatrices, mettant à mal l’ensemble du système de santé des pays parmi les plus riches de la planète. Et au-delà, il menace la stabilité sociale, politique et économique des Etats, localement et internationalement. Plus que jamais, la solidarité des peuples est mise à l’épreuve. Mais l’entraide et l’empathie vis-à-vis de ceux qui souffrent dans leur corps ou pour leurs proches sont essentielles dans ces moments singulièrement difficiles.
En quoi cette pandémie est-elle exceptionnelle, ou pas, dans l’histoire de l’humanité ?
La dernière pandémie qui a marqué profondément la mémoire collective remonte à un siècle. La grippe espagnole, même si ce terme n’est pas exact car elle venait des Etats-Unis et non d’Europe. Depuis, nous avons connu d’autres pandémies de grippe, en particulier en 1957 et en 1968. Mais personne ne s’en souvient vraiment. La pandémie du sida a, elle, secoué le monde à partir des années 1980, et continue à faire des ravages (32 millions de victimes, 770 000 morts en 2018, ndlr), mais elle est de nature différente. Le virus s’avère transmissible mais pas contagieux, sans contamination par voie respiratoire, comme l’est ce nouveau coronavirus. On se retrouve donc aujourd’hui confronté à un virus respiratoire qui se comporte un peu comme le virus de la grippe espagnole, qui entraîne en grande partie des symptômes bénins. Sauf que chez 15% ou 20% des personnes infectées, la maladie entraîne des insuffisances respiratoires nécessitant l’hospitalisation. Et chez 5% à 10% des cas, un placement en soins intensifs, parfois suivi d’un décès. Nous voilà face à un virus qui a le potentiel de rapidement saturer l’ensemble du système de santé, et risque d’engorger nos urgences et nos sas de réanimation équipés de ventilateurs.
Covid-19 : «C’est un cas d’école statistique, mais un peu vicieux…»
Par Erwan Cario —
Photo Getty Images
«Liens», «hubs», «réseaux»… Pour le chercheur Marc Barthelemy, l’analyse mathématique permet de comprendre le processus de propagation du virus.
Dans les années 60, le célèbre psychologue Stanley Milgram conduisit une expérience singulière pour tenter d’estimer le nombre d’étapes nécessaires pour relier deux individus pris au hasard dans la population américaine. Il demanda donc à près de 300 personnes habitant au Kansas et au Nebraska d’envoyer une carte à une personne habitant à Boston, mais seulement en passant par une personne de leur connaissance, la plus susceptible de connaître le destinataire. La personne qui recevait la carte devait reprendre le processus, jusqu’à ce que la missive atteigne son but. Seules 64 cartes y arrivèrent, mais le chiffre marquant fut 5,2, le nombre moyen d’intermédiaires dans le trajet du courrier. Si cette expérience dite du «Petit Monde» confirma l’hypothèse des célèbres «six degrés de séparation», elle inspira aussi, à la fin des années 90, les travaux fondateurs de Duncan J. Watts et Steven Strogatz sur l’étude des réseaux (ou graphes) mathématiques. Ces derniers ont étudié différents réseaux, comme celui des lignes électriques en Californie, ou le réseau des acteurs en analysant certaines de leurs caractéristiques, comme la distance moyenne entre deux «nœuds» et le nombre de liens connectés à chaque nœud et découvert qu’il s’agissait aussi de «petits mondes». Ce sont ces réseaux qui servent aujourd’hui, en épidémiologie, à comprendre comment un virus se propage. Entretien avec Marc Barthelemy, directeur de recherches à l’Institut de physique théorique (CEA) et membre associé au Centre d’analyse et de mathématique sociales à l’EHESS.
De quoi parle-t-on quand on parle d’un «réseau» ?
C’est un objet mathématique très simple, qui correspond à un ensemble de nœuds reliés par des liens. C’est un objet très général, et c’est ce qui en fait tout son intérêt. Il peut décrire plein de choses. Pour un réseau social, les nœuds sont les individus, et le lien est à définir. Il n’y a bien sûr pas de lien physique et il faut donc une convention qui va établir si deux personnes sont liées entre elles. L’exemple le plus évident aujourd’hui, c’est quand deux personnes sont «amies» sur Facebook. En épidémiologie, les nœuds sont les individus, et le lien, c’est la possibilité pour le virus de se propager entre les deux. Ce «réseau de contact» n’est donc pas forcément équivalent à notre réseau social.
Covid-19 : y a-t-il une surmortalité en France par rapport aux dernières années ?
Par Cédric Mathiot 2 avril 2020
Hôpital Louis Pasteur, Colmar, le 26 mars 2020. Sébastien Bozon. AFP
L'Insee et Santé publique France communiquent depuis quelques jours des chiffres sur la surmortalité potentiellement liée au Covid-19. Mais le recul manque encore pour mesurer l'impact de l'épidémie.
Bonjour,
De nombreux lecteurs nous ont demandé si l’épidémie de Covid-19 avait un impact mesurable sur le nombre de décès en France. Pour avoir un ordre d’idée, il y a eu, en 2019 (les chiffres varient d’année en année), 610 000 décès en France. Soit une moyenne de 1 670 par jour.
Ce sujet d’une éventuelle surmortalité liée au Covid-19 fait partie du suivi de l’épidémie en France. A terme, ce sera sur la base de ces données (davantage que sur le décompte en temps réel que les autorités tentent de faire actuellement) qu’on pourra se faire une idée du bilan de l’épidémie en France. Mais le recul est encore insuffisant pour avoir des statistiques et les interpréter. Même si des premiers chiffres circulent.
La première source est l’Insee. Face au Covid-19, l’institut statistique a mis en place un dispositif d’information exceptionnel, «consistant à diffuser chaque semaine le nombre de décès quotidiens enregistré dans chaque département, afin de contribuer en toute transparence à la mise à disposition de données pendant l’épidémie de Covid-19». L’Insee effectue des comparaisons avec les deux années précédentes. La première note sur le sujet a été publiée le 27 mars.
Sur les seize premiers jours de mars : plus de décès en 2018 et 2019 qu’en 2020
Ce travail se heurte à un écueil : les données ne peuvent être obtenues en temps réel. L’Insee dispose ainsi du nombre de décès quotidiens (des données encore provisoires) avec onze jours de décalage. Les mairies ont légalement une semaine pour transmettre les décès à l’Insee, mais il faut y ajouter le temps de la transmission par voie de courrier pour les décès (certes marginaux) qui sont encore communiqués par ce canal. En se basant sur les seuls décès transmis par voie dématérialisée (environ 90% des décès étaient transmis ainsi en 2019), l’Insee parvient à réduire le décalage à sept jours. Des chiffres un peu plus récents, mais qui posent un problème : la comparaison d’une année sur l’autre du nombre de décès enregistrés par voie dématérialisée peut-être biaisée par le fait que ce mode de transmission tend a augmenter d’année en année. Une hausse statistique peut ainsi traduire une modification de l’usage (généralisation de la dématérialisation), et pas une hausse du nombre de décès à proprement parler. Ce qui explique que l’Insee communique plus volontiers sur l’ensemble des décès (transmission papier et numérique) pour laquelle les données sont plus comparables. Mais avec une dizaine de jours de retard, donc.
Au niveau national, écrit l’Insee, le nombre de décès survenus entre le 1er et le 16 mars 2020 est inférieur aux décès survenus entre le 1er et le 16 mars 2018 ou en 2019. Ainsi, entre le 1er et le 16 mars 2020, 26 900 personnes sont décédées, contre, sur la même période, 28 600 en 2019 et 32 900 en 2018.
Groupe d'entraide mutuelle
27/03/2020
Les petites fabriques de lien… en temps de crise sanitaire !
Les GEM font de la résistance ! L’accueil au public ne peut plus se faire pour l’instant. Alors, partout, on s’organise pour tisser du lien, rester en contact…
Grâce au GEM, on partage, on fraternise, on fait ensemble, on cherche de l’en-commun, on se soutient chaque jour. On n’a pas d’objectifs à atteindre un jour ou l’autre. C’est notre travail et notre engagement à tous, au quotidien. C’est ça l’entraide mutuelle !
Au CNIGEM, pour continuer à vous soutenir, on vous soumet ce qui se fait déjà dans nos GEM ou ailleurs et on vous propose de collecter toutes les idées que vous testez pour en faire profiter le plus grand nombre.
Les psys au chevet de leurs collègues soignants
Par Olivier Monod —
Les psychologues et psychiatres s'organisent sur le terrain et via des cellules d'écoute téléphonique pour apporter un soutien moral aux médecins, infirmières et autres personnels de l'hôpital sous pression face à l'épidémie de Covid-19.
Jusqu’à 150 appels par jour. L’activité de la plateforme de soutien psychologique aux soignants de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) (1) a été multipliée par 30. D’habitude, ces appels concernent surtout l’épuisement professionnel. Maintenant «il s’agit de l’anxiété liée au coronavirus : la provenance de nos appels suit l’évolution géographique de l’épidémie, nous avons 30% d’appels de l’Ile-de-France et 20% provenant du Grand-Est», explique l’association.
Mais la prise en charge des soignants sous pression commence dans les services hospitaliers. Les psychologues habituellement dédiés aux patients passent désormais leur temps auprès de leurs collègues. En première ligne face à l’épidémie de Covid-19, les soignants trinquent. Il s’agit surtout d’angoisse : peur pour soi, crainte de contaminer ses proches, fatigue, stress des réorganisations permanentes pour s’adapter à une crise que personne n’arrive vraiment à prévoir, colère face au manque de moyens…
Covid-19 : le centre hospitalier de Plouguernével revoit ses capacités d’accueil
Publié le 31 mars 2020
De gauche à droite : Dr Vincent Mazé, président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales et coordinateur médical sur la gestion crise ; Alain Guéguen, maire de Plouguernével ; Xavier Chevassu, directeur général du centre hospitalier de Plouguernével, et Dr P. Bourgeat, président de la commission médicale d’établissement.
Dans le cadre de son plan blanc, le centre hospitalier de Plouguernével a prévu une unité de seize lits pour les patients atteints du Covid-19.
Dans le contexte actuel d’épidémie de coronavirus, le centre hospitalier de Plouguernével a modifié son organisation pour se préparer à l’accueil de patients atteints du Covid-19. Ainsi, une unité de seize lits est prête à être activée pour l’accueil de patients Covid positifs hospitalisés en psychiatrie, sans signes de gravité somatique et dont les soins psychiatriques doivent se poursuivre.
Coronavirus : 15 millions d’euros de chèques-services créés pour les SDF
Le dispositif doit permettre à quelque 60 000 sans-abri d’« acheter de la nourriture » ou « des produits de santé ou d’hygiène », annonce le ministre du logement.
Le Monde avec AFP Publié le 1er avril 2020
Un dispositif de chèques-services de 15 millions d’euros va être mis en place pour 60 000 personnes sans domicile fixe qui ont des difficultés à avoir accès aux ressources de première nécessité depuis le début de l’épidémie de coronavirus, a annoncé, mardi 31 mars, le ministre du logement.
Ces chèques « permettront d’acheter de la nourriture ou des produits de première nécessité, de santé ou d’hygiène, dans plus de 220 000 points de vente », a expliqué Julien Denormandie dans une interview publiée dans le journal Ouest-France.
L’Etat va ainsi débloquer 15 millions d’euros pour pouvoir fournir les 60 000 bénéficiaires, dont « la moitié » se trouve en Ile-de-France, a précisé le ministre.
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Solidaires-handicaps.fr met en relation personnes handicapées, aidants et professionnels
Publié le 31/03/20
Le secrétariat d'État chargé des Personnes handicapées annonce, le 31 mars dans un communiqué, le lancement de la plateforme internet solidaires-handicaps.fr. Ce site vise à faciliter la mise en relation entre les personnes handicapées, leurs aidants, les professionnels et les dispositifs d'accompagnement et d'appui qui leur sont destinés. Il s'agit d'une initiative du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et de la fédération des centres régionaux d'études, d'actions et d'informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (Ancreai).
La formation des personnes handicapées accélère son passage à distance
Publié le 31/03/20
Le mouvement d'informatisation de la réadaptation des personnes en situation de handicap s'accélère dans un contexte de crise sanitaire. Les professionnels sont par conséquent obligés de repenser les modalités de communication et d'accompagnement.
Les auxilliaires de vie sont en première ligne dans le soin aux personnes handicapées
Publié le 31/03/20
L'observatoire national Covid-19 piloté par l'espace éthique de la région île-de-France a constitué un groupe de travail dédié au handicap. Ses premières réflexions pointent la lourde tâche qui repose désormais sur les professionnels du domicile.
Difficulté d'accès aux soins accrue en cette période de pandémie, manque de formation des personnels de l'aide à domicile pour bien faire comprendre les règles sanitaires, épuisement des familles confrontées au handicap et aux angoisses liées au confinement, grandes difficultés des personnes handicapées psychiques qui se retrouvent seules, manque de dispositifs adaptés pour assurer la continuité pédagogique pour tous les élèves en situation de handicap... l'observatoire national Covid-19 piloté par l'espace éthique de la région île-de-France pointe, à partir des premiers retours d'expériences, des "lignes d'action utiles aux réflexions préparatoires aux futurs risques sanitaires d'ampleur".
Comment expliquer le coronavirus, les gestes barrières et le confinement aux enfants ?
Publié le 01/04/20
Aidants professionnels et familiaux doivent expliquer aux enfants la crise du coronavirus, l'importance des gestes barrières et du confinement. Cette fiche pratique propose une revue non exhaustive des ressources disponibles en ligne.
Face à cette situation inédite, les professionnels ont inventé, souvent chacun de leur côté, des solutions pour expliquer aux jeunes enfants et au moins jeunes en situation de handicap la pandémie de Covid-19, l'importance des gestes barrières et du confinement mais aussi aider les aidants naturels et professionnels. Ils proposent également des outils pour exprimer les émotions ou stimuler les enfants qui ne peuvent plus bénéficier des services éducatifs et rééducatifs habituels.
En bande dessinée et en vidéo
Dessinée par Marguerite de Livron et rédigée par son frère Paul de Livron, Coco le virus est devenue la star des explications en bande dessinée, référencée par de nombreux sites professionnels. Psychomotricienne de formation, Marguerite de Livron a travaillé plusieurs années auprès d'enfants et d'adultes porteurs de handicaps. Elle réside actuellement en Suisse où elle ne peut exercer son métier. Alors elle a décidé de se consacrer à sa deuxième passion : l'illustration. Après le développement de la pandémie, sa bande dessinée Coco le virus est devenue une saga. De nouvelles planches abordent un thème différent qui suit l'évolution de la crise ou qui répond aux questions que soulèvent les enfants lecteurs. Toutes les histoires sont téléchargeables gratuitement sur le site Cocovirus.net et traduites en 7 langues.
La culture japonaise explique-t-elle ses faibles chiffres COVID-19 ?
PAR ROCHELLE KOPP 1er AVR.2020
JAPON
Alors que la pandémie de COVID-19 se propage et que le nombre de personnes infectées et de décès montent en flèche dans divers endroits à travers le monde, un puzzle en cours a été l'augmentation relativement lente de ces chiffres au Japon. (Bien qu'à ce jour, les chiffres ont commencé à grimper de manière inquiétante.)
L'une des principales raisons du faible nombre d'infections enregistrées est que le Japon a imposé des critères stricts pour être éligible au test, en se concentrant sur le fait de donner des tests uniquement aux personnes qui ont eu des fièvres depuis plus de quatre jours combinées avec des voyages à l'étranger, un contact étroit avec une personne infectée. personne ou symptômes pulmonaires suffisamment graves pour justifier une hospitalisation. Le but de cette approche n'a pas été d'identifier toutes les personnes infectées, mais plutôt de concentrer les ressources sur celles qui ont le plus besoin de traitement et de suivre les grappes d'infection.
Il a également été signalé que les médecins japonais utilisaient les nombreux scanners CT du pays pour identifier la pneumonie qui est un résultat courant du nouveau coronavirus, qui est ensuite traité mais souvent sans qu'un test de COVID-19 ne soit effectué. Ainsi, certaines personnes traitées pour ce qui est probablement COVID-19 ne seront pas comptabilisées comme des cas confirmés dans les statistiques.
À quoi rêvent les Japonaises d'aujourd'hui ?
- De Godzilla à Hiroshima. De l'e-baby à l'après-Fukushima…
- Patricia Attigui
- Dans Spirale 2011/4 (n° 60), pages 117 à 122
1S
i dans l’imaginaire japonais l’apocalypse est un thème majeur traité par le cinéma, la peinture et l’imagerie manga, le tsunami de mars 2011, avec son tragique contrecoup nucléaire, fait ressurgir le spectre de la catastrophe, intimement lié à l’histoire ancienne et récente de l’archipel. Tokyo Magnitude 8 (2009), entre autres mangas visionnaires, résonne étrangement aujourd’hui. Il évoque les suites d’un puissant tremblement de terre sur la capitale, tout comme A Spirit of the Sun imagine un terrible séisme, suivi d’un tsunami qui ravage Tokyo et provoque l’éruption du mont Fuji. En créant technologiquement l’illusion et le rêve qui nous apparaissent plus réels que le réel, l’image virtuelle se détachait jusque-là de la réalité physique pour nous transporter dans un néo-monde où la matérialité du corps s’estompait, devenant stricto sensu hors jeu. Mais face à une réalité qui vient valider les jeux hors norme du virtuel, quel statut donner à ces expressions cataclysmiques de cauchemars venus hanter les consciences ? S’agit-il d’exorcismes ou de prémonitions ? Et s’il est question d’exorcismes, que devient dès lors le féminin, cible d’une fantasmatique des plus complexes qui ne date pas d’hier ? Pour exemple, la célèbre estampe érotique d’Hokusaï (vers 1814), Le rêve de la femme du pêcheur (ci-contre) est, de ce point de vue, très signifiante. Elle nous montre une femme s’accouplant avec une pieuvre monstrueuse.
La thématique du corps féminin livré à autant de succions voluptueuses nous laisse entrevoir la proximité d’une étreinte fatale, dont les yeux morts et spongieux de la créature tentaculaire seraient l’augure [2]
. Jouit-elle ? Rêve-t-elle ? Meurt-elle ? Comment interpréter cette vision de femme, comme disait Edmond de Goncourt, « évanouie dans le plaisir, comme un cadavre ». Nous savons que la tradition japonaise a toujours lié intimement le registre de l’érotique à celui de la mort, et depuis des siècles les pêcheuses sont enveloppées d’un parfum vénéneux. Dans l’imaginaire japonais, la mer c’est la mort. C’est de la mer que les morts viennent visiter les vivants. La réalité était cristallisée dans le rêve et les cauchemars qui hantaient les consciences ont rendu encore plus réel le spectre de la catastrophe avec lequel les Japonais ont toujours vécu. Mais à la conscience plus ou moins inquiète de la menace qu’a toujours fait peser la nature, s’est ajoutée, depuis 1945, la terreur atomique. Godzilla, gigantesque lézard monstrueux, produit de mutations post-Hiroshima, apparaît dans les studios de cinéma japonais en 1954. Mais aujourd’hui, à quoi rêvent les femmes de pêcheurs lorsque la réalité rejoint la fiction et que leur environnement a été dévasté ? Quels sont les fruits qu’elles craignent d’engendrer ? Plusieurs mois après les explosions et la fusion des cœurs de réacteurs nucléaires de Fukushima-Daïchi, les villes situées aux alentours de la centrale (soit au-delà des 30 km fixés comme zone de danger) n’ont toujours pas été évacuées, et face à cet ennemi invisible, inodore, silencieux, la population met en cause le gouvernement, et considère que le pays ne protège pas ses enfants [3]
. Nombreux sont ceux qui réclament l’évacuation des enfants, des jeunes filles et des femmes enceintes. Ils se sont constitués en une association qui a demandé aux enfants de Fukushima d’écrire des lettres sur ce qui se passe dans leur région où règne le silence de l’atome. Parmi ces lettres, il y a celle d’une petite fille de 9 ans qui demande : « Est-ce que j’accoucherai d’un enfant normal quand je serai grande ? » On voit bien ici qu’en se mêlant de tout, le sexuel est « coextensif à l’ensemble des activités humaines dans lesquelles il ne demande qu’à s’immiscer » (André, 1999, p. 144), jusques et y compris dans la catastrophe nucléaire. Quand la femme du pêcheur d’Hokusaï garde les yeux fermés dans cet accouplement tentaculaire, à quoi rêve-t-elle ? Quand celle de « Fécondation impie » (voir la bande dessinée de Kanako Inuki, La femme défigurée, T.2, Delcourt, cf. p. suiv.) qui annonce l’horreur de Parasitic Beast, a les yeux grands ouverts, que regarde-t-elle ? Entre rêve et vision hallucinée, il y a l’écriture du désastre dont les mangas, énigmatiques peintures affolées d’étranges scènes primitives, se font l’écho.
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