Dans la droite ligne du texte du Printemps de la psychiatrie(dont nous sommes partie prenante) paru sur ce blog, voici une lettre ouverte écrite par Nathalie Batardière, pédopsychiatre, que l'Union syndicale de la psychiatrie adresse à la secrétaire d'Etat, Madame Cluzel.
Madame la secrétaire d’État au Handicap,
Copie à Monsieur le président de la République
à Madame la ministre de la Santé et des Solidarités
Madame la secrétaire d’Etat au Handicap,
Psychiatres et pédopsychiatres du service public, nous sommes atterrés par votre sortie médiatique sur les ondes de RMC. Vous y avez affirmé votre volonté «de ne plus placer les enfants autistes devant un psychiatre», en dénonçant une «prise en charge inadéquate dans les hôpitaux psychiatriques où ils n’ont rien à faire». Vous avez même souhaité « que l’on arrête de parler de psychiatrie». Nous vous demandons des excuses. Nous ne pouvons accepter la violence de vos propos et nous nous interrogeons sur les enjeux de votre intervention.
Il ne peut s’agir d’erreurs à répétition. Après Marie-Arlette Carlotti, Ségolène de Neuville, les gouvernements se suivent,mais les secrétaires d’État au handicap lancent leurs bombes les unes après les autres à l’encontre du travail effectué par les psychiatres et les équipes hospitalières. Ils annulent ainsi les constats de notre ministre de tutelle réaffirmant la nécessité d’allouer plus de moyens à l’hôpital public.
Tout d’abord nous tenons à vous rassurer : nous, psychiatres ou pédopsychiatres, ne sommes pas contagieux et notre contact ne peut induire les troubles du développement. Face à ce qui est un diagnostic médical, nous rencontrons des enfants porteurs de troubles du spectre autistique (TSA) au même titre que nos confrères pédiatres (neuro).«Le passage devant un psychiatre»ne peut être la cause du trouble du développement.Tout comme vous avouerez qu'il serait simpliste d’attribuer à nos confrères cardiologues ou oncologues la responsabilité d’un infarctus du myocarde ou d’un cancer qu’ils viennent de diagnostiquer.
Nous ne pouvons croire que vous méconnaissiez, Madame,à ce point la nature des handicaps des personnes présentant des troubles du spectre autistique (TSA) dont vous avez la responsabilité. Tous ces enfants n’ont pas la chance d’être de haut niveau (Asperger). Nous ne rencontrons d’ailleurs que très rarement ces enfants Asperger pour lesquels le plan de stratégie nationale contre l’autisme a d’ailleurs été fait, et donc ne s’adressant pas aux problématiques de la grande majorité des enfants et adultes «TSA».
Aussi nous ne pouvons accepter vos propos aussi grotesques que calomnieux.
Nous tenons encore et encore à réaffirmer nos positions éthiques:
Non, l’annonce dudiagnostic TSA ne peut le plus souvent se suffire à lui-même. Il s’agit de penser «l’après»et donc l’aide à apporter face aux conséquences des troubles. Si,en tant que médecins, nous sommes engagés dans le diagnostic le plus précoce possible au côté de nos confrères (neuro) pédiatres, il nous est par contre impensable de laisser les enfants et les parents sans prise en charge après l’annonce de cette mauvaise nouvelle. Que penseraient le patient et sa famille d’un rééducateur fonctionnel qui,après le bilan diagnostique d’une paraplégie,ne proposerait aucune prise en charge? L’annonce diagnostique est suivie d’une lutte pour que les troubles et les fonctionnements spécifiques ne soient pas un handicap. C’est d’ailleurs au prix de ce combat sans relâche, grâce à la pertinence des outils utilisés, que nombres d’enfants «TSA»accueillis en pédopsychiatrie ne deviendront pas des adultes relevant de votre secrétariat au handicap.