Pour la juriste, les réticences françaises envers la gestation pour autrui viennent de la façon dont notre législation, s’inspirant du droit romain, définit le père et la mère.
Laurence Brunet est chercheuse associée à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (université de Paris-I). Elle a coordonné, en 2013, une étude juridique commanditée par le Parlement européen sur la gestation pour autrui (GPA) dans l’Union européenne.
La GPA suscite en France une grande réticence, notamment parce qu’elle dissocie les deux figures réunies dans la maternité « classique » : la mère d’intention, qui accueillera l’enfant à la naissance, et la gestatrice. Comment expliquez-vous que cette figure se soit imposée sans difficulté au Royaume-Uni, au Canada, en Israël ou aux Etats-Unis, et qu’elle ait tant de mal à être acceptée en France ?
Si la figure de la mère d’intention est si difficile à concevoir en France, c’est que les droits d’inspiration romaine comme le droit français reposent depuis des millénaires sur l’idée que la mère est « toujours certaine » – c’est le sens de l’adage latin « mater certa semper est ». Au regard de la loi française, elle est désignée non par un acte juridique, mais par l’accouchement.
Les deux mille ans de chrétienté dont nous sommes les héritiers ont consolidé cette vision naturaliste : en France, la maternité est considérée comme une essence. Dans les creux de la jurisprudence du XIXe siècle, les choses étaient parfois plus subtiles, mais ni la loi ni le contrat ne peuvent se substituer à cette loi de la nature.