Poursuivant ses études des formes de l’individualisme contemporain, le sociologue Alain Ehrenberg s’intéresse dans «la Mécanique des passions» aux neurosciences cognitives, devenues le «baromètre» de la modernité, pour déterminer ce qu’elles modifient dans les comportements individuels ou sociaux, et quelle image de l’homme elles produisent.
L'ouvrage décrit une anthropologie à partir du problème central portant sur les rapports cerveau-comportement. Photo Quentin Bertoux. Agence VU
Il est tellement courant de parler de «vie sociale» qu’on ne remarque presque plus le paradoxe qui consiste à faire de la société un organisme, un ensemble biologique, comme s’il s’agissait d’une plante ou d’un animal vivant. On s’étonne si peu qu’on attribue dès lors au corps social des «malaises» ou des pathologies, on le dit «en bonne ou mauvaise santé», traumatisé, vieilli, en dépression, en crise de croissance - ce qui, en toute logique, devrait aboutir au remplacement de la sociologie, du droit, de l’économie ou de la science politique par la médecine générale, la psychologie clinique ou la psychiatrie.