Etre de gauche, c'est se réclamer du progrès et de l'idée qu'un individu peut se transformer au cours de la vie et qu'il n'est pas le fruit d'une hérédité figée de toute éternité.
18/01/2017
STEPHANE MAHE / REUTERS
Qu'est-ce que la gauche ? Le fait même de poser une telle question signifie que la gauche est en état de crise dans un monde ravagé par le terrorisme et confronté, depuis la chute du mur de Berlin et la destruction des tours du World Trade Center, à une formidable poussée de valeurs réactionnaires, anti-démocratiques et obscurantistes. Si nous n'étions pas dans une telle situation, on ne se demanderait pas ce qu'est la gauche, on n'aurait pas besoin de redéfinir son identité. J'ai donc envie de poser la question autrement : "De quoi la gauche peut-elle hériter aujourd'hui ?", de quels idéaux, de quel récit?
Issue d'une famille de résistants – mon père gaulliste et ma mère social-démocrate – j'ai le sentiment d'avoir toujours été politiquement de gauche en ce sens que j'ai été anticolonialiste et sartrienne, puis contestataire, en mai 1968, d'un enseignement figé qui ne prenait jamais en compte la moindre modernité littéraire, puis marquée par la pensée de Michel Foucault, Michel de Certeau, Louis Althusser, Jacques Derrida, Roland Barthes, Gilles Deleuze - auteurs aujourd'hui insultés en France, notamment par la droite, mais traduits et commentés dans le monde entier. J'ai toujours spontanément voté à gauche et j'ai été aussi très éloignée du "gauchisme": ni maoïste, ni trotskyste, ni anarchiste, etc. Mais je n'accepte pas comme on le fait aujourd'hui, que l'on compare le gauchisme à l'extrême-droite, comme s'il s'agissait de deux fanatismes en miroir. Rien n'est plus ridicule. Et de même, je n'aime pas que l'on assimile la droite républicaine à l'extrême-droite, car c'est bien souvent cette droite républicaine qui a su combattre la droite extrême. Il ne faut pas confondre le conservatisme éclairé avec la bêtise réactionnaire. C'est cela aussi être de gauche.