Une malheureuse aliénée, hantée de l’idée fixe du suicide depuis plusieurs années, à la suite de la mort de son mari, avait tenté de mettre plusieurs fois son désir en exécution… Une surveillance discrète, organisée par la famille, avait jusqu’alors rendu vaines ses tentatives.
18.07.2016
Un jour, cependant, elle s’échappe, entraîne son jeune enfant sur un quai désert : « Vois, mon chéri, comme cette eau est belle », et pendant que l’enfant regarde du haut du ponton, elle le précipite dans la Seine et ne tarde pas à l’accompagner, mais de courageux sauveteurs ont été témoins du drame et, non sans dangers, parviennent à ramener sur la berge la mère et l’enfant. Ce dernier est heureusement sain et sauf. La mère est inanimée. On court chercher un médecin En attendant, les passants s’attroupent, tous savent ce qu’il faut faire : qui ne sait pas soigner un noyé ?
Une boîte de secours est là, providentielle, un flacon est dans la boîte de secours ; vite, un verre ; et l’on verse largement, dans la bouche inerte de la noyée, le liquide qui doit la ramener à la vie. N’est-il pas pour cela dans la boîte de secours ?
Pendant ce temps le médecin arrive, la victime est sans connaissance depuis vingt minutes, mais il se souvient que M. Laborde en a fait revenir de plus loin ; il prend une pince et s’apprête à pratiquer les tractions rythmées de la langue. Il ouvre la bouche de la noyée, saisit la langue qui aussitôt se dépouille de sa muqueuse. « La malheureuse s’est empoisonnée avant de se noyer, elle a la langue brûlée. » « Non, docteur, lui répond un des sauveteurs, peut-être est-ce dû à ce qu’on lui a fait prendre. » Le médecin voit un verre à demi rempli d’une solution incolore, il le sent et recule vivement la tête, à demi asphyxié : on avait donné de l’ammoniaque à la victime qui, malgré tous les soins, reste la proie de cette mort qu’elle avait tant convoitée.