Joseph Beuys ou la mythologie de la médecine : peu d’œuvres sont, au XXe siècle, à tel point saturées de références aux blessures et aux manières de les guérir, que ces blessures soient infligées au corps de l’artiste, à la société ou à la nature. Et peu de vies sont à tel point marquées par des histoires de plaies et de guérisons répétées par l’artiste – histoires emblématiques et incertaines, qui apparaissent de façon elliptique ou explicite dans sa création.
A commencer par celle-ci : Beuys aurait entrepris des études de médecine. Or, s’il est certain que son intérêt pour les sciences naturelles s’est manifesté dès son enfance, les circonstances n’étaient pas favorables à de telles études. Né en 1921 à Krefeld, il obtient l’Abitur – le baccalauréat – au printemps 1941. A cette date, dans le IIIe Reich, le destin d’un homme de 20 ans ne fait aucun doute. Si Beuys, comme on le lit souvent, aspirait alors en effet à de telles études, il ne s’en enrôle pas moins dans la Luftwaffe l’année suivante, peut-être pour éviter pire affectation.