Ce ne sont pas des fous, ce sont des rebelles. Ils se réunissent chaque semaine à l’Unité de psychologie médicale de Lunéville (Meurthe-et-Moselle). Ce jeudi d’hiver, ils sont une dizaine, soignants et soignés mêlés, assis autour de la même table ronde. Parmi eux, certains entendent des voix. Oui, comme Jeanne d’Arc. Mais aussi Charlemagne, Socrate, Beethoven, Dickens, Churchill, Freud, Sartre, Nothomb, Zidane… En fait, comme environ 10 % de la population, selon de nombreuses études. Un phénomène aussi répandu que tabou. Sauf qu’ici, on en parle. Il n’y a pas de blouse blanche, pas de maladie ni de patient. Les échanges débutent sans qu’on sache vraiment qui est qui. Et, progressivement, on s’aperçoit qu’ils sont en train de fomenter une petite révolution, qu’ils transgressent, l’air de rien, l’héritage psychiatrique, l’institution.
Et tout ça avec la bénédiction du psychiatre responsable de cette structure, Erwan Le Duigou. Depuis sa création, voilà trois ans, il soutient activement le groupe qu’il souhaite «le plus autonome possible». D’ailleurs, il n’assiste jamais aux réunions, conscient que sa présence pourrait nuire aux discussions. Idéalement, les séances se dérouleraient dans un lieu extérieur, dégagé de toute connotation médicale. Peut-être que des entendeurs de voix «heureux» ou du moins qui s’en accommodent, pousseraient plus facilement la porte. «Le problème ce n’est pas d’entendre des voix, le problème c’est quand elles deviennent méchantes», lance Amandine, une infirmière.