SUISSE 4 août 2014
Responsable du nouveau service de médecine et psychiatrie pénitentiaires des HUG, le Dr Hans Wolff défend les intérêts des détenus. Une tâche difficile à l’heure où le monde carcéral est pointé du doigt, notamment après le drame de la Pâquerette.
Du drame de la Pâquerette à la remise en question du secret médical en prison, en passant par l’ouverture de Curabilis, le monde carcéral connaît une période mouvementée. Les défis de la médecine pénitentiaire sont-ils plus difficiles à assumer aujourd’hui qu’il y a une trentaine d’années?
Ce n’est pas si évident de comparer. Les pressions politiques et médiatiques sont certainement plus prononcées actuellement, mais nous jouissons également d’un immense avantage: depuis les années 1990, il existe un cadre international visant à donner une ligne directrice à la médecine pénitentiaire. Il y a des règles fondamentales à respecter, qui permettent notamment d’assurer la même qualité des soins en prison que celle garantie par l’assurance de base LAMal. Cela facilite notre travail et nous permet de mieux défendre les intérêts de nos patients et de l’institution, notamment dans les cas où l’on souhaiterait limiter les droits des détenus, comme l’accès aux soins ou la confidentialité.
A propos de confidentialité, que pensez-vous du projet de loi du Conseil d’Etat genevois de limiter le secret médical en prison? (ndlr: projet de loi qui vient d’ailleurs de recevoir un préavis défavorable de la Commission des visiteurs de prison du Grand Conseil)
Par devoir de réserve envers mon employeur, je ne peux pas me prononcer sur le projet de loi du gouvernement genevois. Cependant, pour répondre de manière générale, la confidentialité et le secret médical sont extrêmement importants en prison, car sans cela une relation thérapeutique de confiance ne peut pas être créée.
A l’extérieur, si vous avez l’impression que votre médecin fournit des informations sur votre état de santé à votre employeur sans votre consentement, vous pouvez aisément en changer. En prison, cela est impossible.»
Pour vous, quel est le rôle primordial de la médecine pénitentiaire aujourd’hui?
Notre but, c’est d’offrir aux détenus cette qualité de soins dont je parlais, la même qui est garantie à tout autre citoyen, bref, d’appliquer la même médecine que partout ailleurs, que ce soit au niveau somatique ou psychiatrique. Et ce non seulement dans un souci de respecter les droits de l’homme, mais également pour protéger la société. L’OMS avait d’ailleurs lancé le slogan: Good prison health is good public health.
En quoi la santé publique et la santé des prisonniers sont-elles liées?
Les prisons sont des lieux où s’accumulent beaucoup de maladies, notamment infectieuses. Nous avons de nombreux cas d’hépatites, de HIV, de tuberculoses. Mieux vaut traiter ces maladies pendant un séjour carcéral afin que les détenus ressortent en bonne santé et ne mettent pas en danger la société. Par ailleurs, les prisonniers sont bien souvent des personnes en rupture de soins. La prison est donc un endroit idéal pour prendre ou reprendre contact avec le monde médical. On y procède au dépistage des maladies infectieuses ou psychiatriques et aux actions de prévention, comme la vaccination.