C’était en 2004, lors d’un atelier d’apprentissage de chants, dans l’unité Alzheimer de la résidence des Pervenches (établissement du groupe Hom’Age), à Biéville-Beuville (Calvados). Odile Letortu, médecin coordonnateur, s’est aperçue que des personnes atteintes de la maladie à des stades modérés à sévères, qui oublient le passé et ne sont a priori plus capables de se rappeler une nouvelle information, réussissaient à apprendre des chansons nouvelles, comme, par exemple, J’ai demandé à la Lune, d’Indochine, ou Le Manège, de Stanislas.
Frappée par ce phénomène inattendu et inespéré, Odile Letortu est allée trouver l’équipe d’Hervé Platel, professeur de neuropsychologie et chercheur à Caen (unité Inserm U1077), l’un des premiers à avoir identifié les réseaux cérébraux impliqués dans la perception et la mémorisation de la musique. Ils ont constaté qu’à son écoute, ces malades apathiques, qui ont des troubles du comportement, se mettaient à chanter, sourire, communiquer.
« La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée », disait Platon. « Les résultats vont au-delà de ce qu’on pouvait imaginer, une chanson nouvelle d’une dizaine de lignes devient familière en moins de huit semaines (huit séances d’une heure trente), la présentation du texte ou les premières notes chantées suffisent pour que les malades entonnent la mélodie », constatent Odile Letortu et Caroline Mauger, neuropsychologue. Alors que le souvenir explicite des séances est oublié, certains patients sont même capables de produire spontanément les mélodies de ces chansons quatre mois plus tard.
Hervé Platel, Mathilde Groussard, maître de conférences à l’université de Caen, et Caroline Mauger ont cherché, grâce à la neuro-imagerie, quelles régions cérébrales permettent l’acquisition de nouvelles informations. Une étude est en cours, incluant un groupe de vingt patients au stade modéré à sévère de la maladie d’Alzheimer, un groupe à un stade débutant et un groupe sans troubles, afin de voir comment leur cerveau interprète l’écoute de chansons apprises récemment, nouvelles ou connues depuis l’enfance, et ainsi d’identifier quelles zones cérébrales soutiennent ces nouveaux apprentissages.
ALLIÉ THÉRAPEUTIQUE
« La question qu’on se pose est de savoir si ce sont les zones cérébrales qui fonctionnent encore qui permettent cet apprentissage nouveau ou si un circuit de mémoire implicite, alternatif, prend le relais », s’interroge Hervé Platel, qui mène des recherches dans ce sens.