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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 25 septembre 2010





Des élus locaux demandent l’expérimentation des salles de shoot

Des élus locaux regroupés dans l’association Élus, santé publique et territoires (ESPT) appellent l’État à adopter des mesures permettant l’expérimentation des centres de consommation de drogues à moindres risques. L’ESPT, qui compte parmi ses membres des représentants de municipalités de droite et de gauche, a organisé, à l’Hôtel de ville de Paris, une journée de restitution des travaux qu’elle a menés pendant un an. Une vingtaine d’experts ont été auditionnés et les élus se sont rendus à Bilbao (Espagne) et à Genève (Suisse), où des salles de consommation de drogue existent déjà.

Selon leurs conclusions, un tel dispositif constitue « un outil d’amélioration de l’état sanitaire et social des usagers les plus désocialisés et les plus précaires qui, souvent, n’accèdent pas aux soins (baisse des contaminations, des infections et des overdoses, accès aux soins somatiques et psychiques et accroissement du nombre de sevrages) » mais les centres doivent « obligatoirement être intégrés dans une palette complète de prise en charge de la toxicomanie, au côté des autres dispositifs de réduction de risque ».

Les élus vont proposer plusieurs recommandations sur le sujet, en particulier l’établissement d’une cartographie des consommations incontrôlées de drogues sur la voie publique qui devra être connue et partagé par l’ensemble des acteurs.

« Nous espérons maintenant que la mission parlementaire qui est en train de s’installer va s’appuyer sur nos conclusions », a souligné le Dr Laurent El Ghozi, président de l’ESPT. L’élu de Nanterre rappelle que « la toxicomanie est une maladie et on n’interdit pas une maladie ». C’est, poursuit-il, « au ministre de la Santé de définir la politique de santé et non à la MILDT ».

› Dr L. A.


Quotimed.com, le 24/09/2010



VICHY
JUSTICE 

SAMEDI 25 SEPTEMBRE 2010

Tribunal : « Tout est dans le dosage ! »

Il s'était jeté sur une passante dans la rue et avait tenté de lui arracher sa culotte. Sans raison. De là à penser qu'il n'avait pas toute sa raison ?

Bruno n'est pas fou. Enfin pas complètement. C'est la médecine qui le dit. En des termes plus soignés. L'expert psychiatre qui l'a examiné l'a qualifié de débile léger et a conclu qu'il était responsable pénalement de ses actes. Tout en précisant que son discernement était « entravé » par ses pulsions.

Conséquence du diagnostic : il peut être jugé par un tribunal. C'est ce qui conduit Bruno à répondre de l'agression d'une passante, le 30 juillet 2009, dans une rue de Saint-Pourçain-sur-Sioule. Sans raison, il s'était approché d'elle, l'avait prise par l'épaule, avait relevé la robe et tenté d'arracher la culotte.

Bruno a répondu à la convocation. Accompagné de son frère qui est aussi son tuteur légal. Et d'un avocat. Il est présent physiquement. Mais semble ailleurs. Les yeux mi-clos, le teint livide, le regard dans le vague, la main gauche tremblante, cet homme de 44 ans en paraît au moins dix de plus.

« Vous vous souvenez ? », tente le substitut. Jusque là mutique, Bruno comprend soudain qu'on s'adresse à lui. Roule des yeux. Se retourne vers son avocat. Qui lui répète la question. « Non », répond-il après un moment d'hésitation. Le substitut n'insiste pas.

Un malaise s'installe. Le tribunal ne cache pas son embarras. Légèrement en retrait du prévenu, la victime a du mal à contenir son émotion. Elle n'a de cesse de triturer ses doigts. Ses yeux laissent deviner des larmes. On lui demande ce qu'elle réclame au titre de la partie civile. « Que cette personne ne ressorte plus de l'hôpital psychiatrique », marmonne-t-elle, timidement.

Plutôt que de se heurter à un prévenu emmuré dans sa pathologie, le président Labonne prend le temps d'expliquer à la victime les limites de la justice. « On ne contrôle pas la psychiatrie. Si le médecin considère qu'il peut vivre en dehors de l'hôpital, on n'y pourra rien. Vous pouvez seulement demander des dommages et intérêts ».

La marge de manoeuvre du tribunal apparaît mince. La prison ? « Est-ce bien sa place ? », s'interroge le président. L'obligation de soins ? « Il a déjà fait tout ce qu'il fallait pour se soigner », souligne son frère. « La difficulté, relève également le juge, c'est que, dehors, c'est lui qui gère son traitement, sachant qu'il peut très bien oublier de prendre ses médicaments, sans même s'en rendre compte ».

La castration chimique ? « Ce pourrait être la solution la plus adaptée à son cas », suggère le président. « Encore faut-il que le traitement soit compatible avec son état de santé ». Et le frère d'observer : « Il a fait une occlusion intestinale il y a trois ans. Il ne supporte plus les médicaments ». « Tout le problème est dans le dosage. Quand on le baisse, ses pulsions reprennent le dessus, renchérit Me Laurent Gard. Et quand on l'augmente, on prend le risque de nuire à sa santé ».

« La justice est bien désarmée par rapport à ce genre de comportement », se désole le substitut du procureur. Il suggère une peine d'encadrement, soit un an de prison assorti d'un sursis et mise à l'épreuve et d'une obligation de soins. Le tribunal suivra ses réquisitions en fixant la période d'encadrement à trois ans. La victime a obtenu 800 ? de dommages et intérêts.

Bruno est ressorti du tribunal comme il y était entré. Mutique. Il a réintégré l'établissement psychiatrique où il est actuellement placé.

Jean-Pierre Ducros




Sans queue ni tête : quand la psychanalyse rencontre la prostitution

Rien que pour voir Isabelle Huppert interpréter une prostituée libre et indépendante, « Sans queue ni tête » vaut le déplacement! Malgré quelques incompréhensions scénaristiques, le film tient ses promesses : une comédie légère sur un sujet qui l’est beaucoup moins.

Si postulat de départ il devait y avoir, il pourrait ressembler à ce qui suit : un homme, psychanalyste, rencontre une femme, prostituée. Chacun à leur façon  soignent les maux (ou les mots?) et la solitude de l’âme. La réalisatrice Jeanne Labrune n’en fait pas des tonnes, mais insinue avec beaucoup de délicatesse que les deux professions ont plus de ressemblances que l’on imagine. Alice (Isabelle Huppert) et Xavier (Bouli Lanners) font connaissance à un tournant de leur vie : elle est fatiguée par ses clients et pense à changer de vie ; lui en a marre de ses patients et vient de se faire quitter par sa femme. La relation qui s’établit entre ces deux êtres est aussi étrange que profonde. Ils semblent ne jamais se comprendre vraiment, ne se parlent pas beaucoup et pourtant, une sorte d’électricité passe entre eux. Le peu de scènes qu’ils ont en commun suffit à installer la relation dans un ailleurs bien meilleur.

Ce qui par contre est dommageable, c’est l’arrivée d’un tiers en cours de récit. Pierre Cassagne (Richard Debuisne), un psychiatre bien intentionné, se substituera aux manques et aux absences de Xavier. Par le biais d’une sculpture représentant un ange il y aura passation de relais, de Xavier à Alice, puis d’Alice à Pierre : juste retour des choses, puisqu’au départ c’est Pierre qui avait acquis cette oeuvre d’art aux enchères. La boucle est bouclée mais n’en révélons pas trop! Pierre est donc un passeur, présence indispensable? En tous les cas elle se justifie dans le scénario et dans la mise en scène… au détriment de la relation entre Alice et Xavier. Même si le brouillard rend tout merveilleux, il n’aurait pas été du luxe d’en savoir un peu plus. Ce couple qui n’en est pas un (disons qu’il s’agit d’une sorte de duo de « confort ») aurait mérité d’être plus exploré. Car chacun a changé la vie de l’autre. Ce qui, toute proportion gardée, n’est quand même pas rien.

Sans queue ni tête est une comédie. Plutôt satirique mais jamais méchante. Le film ne se moque pas de la solitude humaine, il prend en dérision les situations absurdes engendrées par cette solitude. Entre les hommes et les femmes tout semble étrange et compliqué : le mieux finalement est de s’en amuser. La nature humaine est bien faible et même s’il est difficile de savoir à qui se fier, psy ou prostituée, chacun a son petit plus à apporter.

mercredi 22 septembre 2010


Le silence qui parle

Le projet de loi réformant les soins en psychiatrie: une insulte à la culture / Michaël et Jacqueline Guyader
Publié 6 septembre 2010 dans Agora

Il faut être bête comme l’homme l’est si souvent pour dire des choses aussi bêtes que bête comme ses pieds, gai comme un pinson
Le pinson n’est pas gai, il est juste gai quand il est gai, triste quand il est triste ou ni triste ni gai /
Jacques Prévert

Lorsque s’imposera le bilan de l’action présidentielle de Nicolas Sarkozy, on ne manquera pas de constater la déflagration qu’il aura initiée entre l’Etat et les avancées civilisatrices, les acquis culturels de notre pays. Et l’on pourra dresser un sinistre catalogue : discours à l’université de Dakar sur l’homme Africain “pas assez entré dans l’histoire”, loi organisant les soins psychiatriques sous contraintes en ambulatoire, centres de rétentions administratives à perpétuité, démantèlement de “camps” de Roms, de gens du voyage, création d’une inégalité des citoyens devant la loi, plaisanteries de mauvais goût devant les tombes des résistants des Glières, réponses insultantes à des citoyens en colère, mépris pour les lecteurs de la Princesse de Clèves, et bien sûr j’en passe.

Pour lire la suite, cliquer ici






Gaillac : rencontres Cinépsy les 24 au 26 septembre 2010

Au Imagin’cinéma de Gaillac aura lieu la 3ème édition des Rencontres internationales Cinépsy. Culture(s) et familles.  Débats et échanges autour de 7 films du 24 au 26 septembre 2010.

Tous les 2 ans, Cinépsy aborde des thèmes de psychanalyse familiale autour d’un même support, le cinéma. Ces rencontres internationales de psychanalyse familiale ont pour thème cette année la question de la culture et des cultures en lien avec la famille.

Chaque film ou documentaire est l’occasion de réflexions autour de l’exil, la tradition, les conflits culturels, les rites, la transmission, l’identité… Des professionnels, psychiatres, psychanalystes ou psychologues échangeront leurs travaux avec des personnalités du monde du cinéma, enseignants, critiques, cinéastes. Ces rencontres internationales réunissent des professionnels français, italiens, belges, suisses, colombiens.

Ces journées qui s’inscrivent pour certains dans un cursus de formation sont ouvertes à tout public. Et si l’atmosphère est au travail, le contexte y est chaleureux et convivial.

Rendez-vous à l’Imagin’cinéma de Gaillac le vendredi 24 septembre à partir de 13h30 pour aborder la question de la culture et de la famille autour de tables rondes et de débats avec les films : “La boîte de pandore” de Yesim Ustaoglu, “Les 7 jours” de Ronit Elkabetz, “Mirage de la vie” de Douglas Sirk, “Depuis qu’Otar est parti” de Julie Bertucelli, “Le mas des alouettes” de Paolo et de Vittorio Taviani, “Il y aura tout le monde” de Maria Isabel Ospina de los Rios, “L’âme des guerriers” de Lee Tamahori…

Cette troisième édition de Cinépsy est issue d’un travail en partenariat avec l’équipe d’Imagin’cinéma, les collectivités territoriales locales, les sociétés de thérapie familiale psychanalytique et les associations gaillacoises.
Nouvelles psychanalytiqueshttp://nouvelles-psychanalytiques.blogspot.com/

Se servir de l’institution


La prochaine après-midi des rendez-vous cliniques organisée par l’hôpital de jour de « l’Ile verte » se tiendra le 22 octobre 201

“ Alors que la psychiatrie de l’enfant connaît un remaniement qui passe par une reconfiguration de la séméiologie réduite à un catalogue de troubles avec pour conséquence le handicap qui en résulte, donner toute sa noblesse et sa place à l’institution revient à ne pas cesser de mettre au poste de commande une clinique qui accueille ce que l’enfant a de plus particulier et qui ne se range dans aucune classification.

L’institution peut être l’instrument dont les professionnels vont se servir pour offrir abri et accueil à ce qui se présente pour la plupart des enfants que nous recevons, comme radicalement étranger, voire insupportable, sous les modalités du rejet de l’autre ou de sa destruction.

Nous partirons de l’expérience de l’hôpital de jour « l’Ile verte ». Si groupes et ateliers scandent la vie de l’institution, nous ferons valoir comment cet appareillage institutionnel trouve son fondement dans une approche clinique. Pas de programme, pas de protocole, pas d’institution pré-établie, chacun se dispose pour être « à l’heure du sujet ». Dès lors, l’enfant peut produire ses points d’ancrage, ses constructions avec le trait de l’invention qui lui est propre.

Lors de cette après-midi, à plusieurs, psychiatre, psychologue, infirmiers, nous témoignerons de la façon dont un enfant se sert de l’institution pour trouver un rapport plus pacifié à l’autre. Dans un contexte où la psychanalyse est toujours accusée d’influencer l’offre de soins et souvent soupçonnée de culpabiliser les parents, nous ferons valoir comment l’institution permet d’établir des espaces de conversation avec les parents.

Nous aurons la chance d’entendre Dominique Holvoet, directeur thérapeutique au Courtil, institution fondatrice du RI3, réseau qui favorise les liens de travail et d’échanges entre les professionnels orientés par la psychanalyse d’orientation lacanienne. Les travaux du RI3, dont nous avons eu un écho à Bordeaux lors des journées de Janvier 2010 sur le thème « Cas d’urgence », donnent des points d’appui précis pour la prise en charge des enfants psychotiques et autistes en institution. Cette après-midi sera l’occasion de poursuivre les échanges et d’avancer dans les questions relatives à la pratique en institution. La création d’un Atelier clinique du RI3 dans notre région sera la suite logique de nos travaux. “
Docteur Maryse ROY

Source : http://ampblog2006.blogspot.com/




« Bienvenue chez les psys » détrône le film de Dany Boon...

« Si Armentières était un fruit ? Un film ?... » Voici le genre de questions farfelues ... auxquelles on pouvait répondre, ce week-end, aux infirmiers de l'ANPU, agence nationale de la psychanalyse urbaine. Ces drôles de blouses blanches ont débarqué pour les journées du patrimoine et tentaient d'établir un diagnostic sur les maladies dont pourraient souffrir Armentières. Du second degré ? Pas tant que cela. Selon Laurent Petit, auteur et comédien, à l'initiative du projet, l'initiative a déjà permis de déceler des villes orphelines, des villes mortes nées, des villes prématurées. « On a même examiné des villes au rapport fille-mère très conflictuel, comme Villeurbanne et Lyon », plaisante t-il.

Hier, en fin d'après-midi, Laurent Petit s'est livré à une restitution des réponses aux 100 questionnaires recueillis sur la grand-place durant ces deux jours. En préambule, quelques cartes postales anciennes ont fait resurgir des éléphants ou une course au ballon amusante. Le ton décalé était donné.
Rebondissant sur l'architecte Cordonnier qui a donné son trio monumental à Armentières, il lui a vite associé la bière (Motte-Cordonnier)... « Bienvenue chez les psy » a logiquement détrôné le film de Dany Boon, l'espace d'un instant. Cette psychanalyse de la ville n'en est qu'à ses débuts. On risque fort de revoir Laurent Petit à Armentières, une ville qu'il aime bien, trouve « chaleureuse » et « singulière ».

ANPU - Le bal de l'inconscient

L'ANPU - l'agence nationale de Psychanalyse Urbaine - s'est fixée pour mission de coucher les villes sur le divan.

Laurent Petit et les architectes d'Exyzt observent la ville, détectent ses caractéristiques (paradoxes, non-dits, traumatismes, complexes…), pour déceler les névroses urbaines et proposer des solutions thérapeutiques adéquates.


Outil de démocratisation des projets urbains et architecturaux, cette approche psychique de la ville ville croise l’intérêt de professionnels urbains qui y voient l'opportunité de débloquer en souplesse certains «verrous» inscrits dans «l'inconscient urbain».

Première phase: Le Diagnostic
Seconde phase : Le Traitement
Le Bal de l'inconscient au Point Zéro
Un diagnostic urbain inédit
Les formes de restitutions de l'analyse
Extraits des huit commandements de la psychanalyse urbaine
Laurent Petit
Collectif d’architectes EXYZT
www.anpu.fr



Édition : Contes de la folie ordinaire

A la folie, l'appel au monde la culture

Par Paul Machto
21 Septembre 2010

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire a lancé un appel aux acteurs du monde de la culture, pour soutenir le meeting que nous organisons samedi 25 septembre 2010, à Villejuif, à l'espace Congrès, les Esselières, sur le thème "Quelle hospitalité pour la folie ?".

Cet appel s'adresse au monde de l'art et de la culture parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l'humain, est fait de culture. 

À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n'est pas qu'une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.

Le monde de l'art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n'est-ce pas son rôle?- pour résister à l'attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective.
En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.

La mise en jeu de l'inventivité, la création, le partage des oeuvres d'art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.

 À cette interpellation, nous avons été contents de voir qu'en quelques jours 105 artistes, comédiens, écrivains, plasticiens, cinéastes, aient répondu présents, prêts à s'engager et à soutenir ce mouvement. 
Car au delà de l'aspect conjoncturel, le rejet du projet de loi sur les soins sans consentement adopté en conseil des ministres en mai et présenté bientôt au Parlement, la sensibilité à la question de l'accueil de la folie est forte et ouvre des perspectives pour les semaines et les mois à venir.
En décembre 2008, Nicolas Sarkozy avait désigné les fous, les malades mentaux comme des individus, dangereux, potentiellement criminels, et appelé à un renforcement de l'exclusion, de l'enfermement.
Cet été ce fut au tour des Roms, et des gens du voyage...
La désignation de groupes de citoyens a créé, indiscutablement une vive réprobation dans l'opinion publique.
Le mouvement des 39 a pour objet d'oeuvrer,  sensibiliser et mobiliser justement sur cette question si fondamentale : l'Hospitalité.
Paul Machto

Voici donc les 105 premiers signataires, suivis du texte complet de l'appel :

  1. -       Laure Adler, journaliste, écrivain
  2. -       Jan Arons, peintre, Vallabrègues
  3. -       Nurith Aviv, cinéaste
  4. -       Claude Attia - comédien, Avignon
  5. -       Pascal Aubier - cinéaste
  6. -       Raymond Bellour, directeur de recherche émérite au CNRS
  7. -       Joseph Beauregard - cinéaste documentariste
  8. -       Jacqueline Blewanus, peintre, Vallabrègues
  9. -       Corinne Bondu - formatrice- réalisatrice- productrice
  10. -       Philippe Borrel, cinéaste - documentariste
  11. -       Rony Brauman - ancien président de Médecins sans frontière.
  12. -       Geneviève Brisac, écrivain, éditrice
  13. -       Françoise Brunel
  14. -       Claude Buchwald - Metteur en scène
  15. -       Rodolphe Burger - musicien
  16. -       Michel Butel, écrivain, journaliste.
  17. -       Olivier Cadiot - écrivain
  18. -       Marco Candore, comédien.
  19. -       Laurent Cantet - cinéaste
  20. -       Arlette Casas, responsable communication Université Montpellier 2
  21. -       André Castelli - conseiller général du Vaucluse
  22. -       Carmen Castillo, cinéaste
  23. -       Guigou Chenevier, Musicien compositeur
  24. -       Isabelle Chevalier, musicienne
  25. -       Françoise Cloarec - peintre et écrivain
  26. -       Dominique Conil - écrivain
  27. -       Michel Contat, chercheur CNRS émérite
  28. -       Compagnie Les Acidus, comédiens
  29. -       Patrick Coupechoux, écrivain, journaliste
  30. -       Christine Dantaux - galériste socialiste - Pernes les Fontaine
  31. -       Marie Darrieussecq - écrivain
  32. -       Marcelo De Athayde Lopes, danse thérapeute
  33. -       André Debono, peintre (Nîmes)
  34. -       Christine Deroin - écrivain
  35. -       Marcial Di Fonzo Bo, comédien et metteur en scène
  36. -       Claire Diterzi, chanteuse et compositrice
  37. -       Annick Doideau, peintre (Paris)
  38. -       Catherine Dolto, éditrice
  39. -       Suzanne Doppelt, écrivain
  40. -       Patrice Dubosc - cinéaste
  41. -       Françoise Ducret, Peintre
  42. -       Jean Pierre Ducret - Président du C.A. du Théâtre de Cavaillon
  43. -       Christine Fabreguettes - artiste plasticienne Vaucluse
  44. -       Serge Fauchier, peintre (Perpignan)
  45. -       Stéfano Fogher - musicien, comédien
  46. -       Patricia Geffroy, Animatrice ateliers d'écriture
  47. -       Esther Gonon secrétaire générale de la Scène Nationale de Cavaillon
  48. -       Jean Michel Gremillet - directeur de la Scène Nationale de Cavaillon
  49. -       Jean Louis Guilhaumon - Maire de Marciac- Fondateur du Festival Jazz In Marciac.
  50. -       Sylvie Giron - danseuse, chorégraphe
  51. -       Sabina Grüss -sculptrice
  52. -       Mariette Guéna, peintre
  53. -       Patrick Guivarch, responsable des cinémas UTOPIA d'Avignon
  54. -       Pierre Helly - metteur en scène
  55. -       Catherine Herszberg - journaliste, écrivain.
  56. -       Gérard Haddad écrivain
  57. -       Olivier Huet
  58. -       Charles Kalt, plasticien (Strasbourg)
  59. -       Leslie Kaplan - écrivain
  60. -       Monique Lauvergnat Maire - adjointe à la Culture 84 Le Thor
  61. -       Linda Lê - écrivain
  62. -       Fred Léal, écrivain
  63. -       Agnès Lévy, peintre
  64. -       Frédéric Loliée, comédienne.
  65. -       Jean-Daniel Magnin, Secrétaire général du Théâtre du Rond Point
  66. -       Thibault Maille, compositeur
  67. -       Clotilde Marceron - musicienne, Cavaillon
  68. -       Elissa Marchal, artiste peintre
  69. -       Britta Medus
  70. -       Daniel Mesguich, comédien, metteur en scène, directeur du Conservatoire d'art dramatique de Paris.
  71. -       Marie José Mondzain, philosophe
  72. -       Mario Moretti - galériste socialiste - Pernes les Fontaine
  73. -       Valérie Mréjen, cinéaste
  74. -       Yves Müller - artiste - photographe
  75. -       Véronique Nahoum Grappe - anthropologue
  76. -       Eric Nonn, écrivain
  77. -       Paul Otchakovski-Laurens, éditeur
  78. -       Xavier Person, écrivain.
  79. -       Rosie Pinhas-Delpuech, écrivain, directrice de collection, traductrice
  80. -       Jacques Rancière, philosophe
  81. -       Claude Régy, metteur en scène
  82. -       Jean Michel Ribes, auteur, metteur en scène, directeur du Théâtre du Rond-Point,
  83. -       Christophe Ribet - comédien
  84. -       Marcel Robelin, peintre (Nîmes)
  85. -       Daniel Robert, Peintre
  86. -       Pierre Rosenstiehl, mathématicien
  87. -       Dominique Rousseau, auteur illustrateur Bédéiste
  88. -       Valérie Rouzeau, Poète
  89. -       Caroline Sagot Duvauroux - peintre et poète
  90. -       Lydie Salvayre - écrivain
  91. -       Joshka Schidlow, critique de théâtre
  92. -       Michèle Sébastia, Comédienne
  93. -       Meriem Serbah - actrice
  94. -       Emmanuele Scorceletti - photographe
  95. -       Tristan Siegmann, photographe (Paris)
  96. -       Anne Saussois, peintre (Paris)
  97. -       Bénédicte Stalla-Boudillon - comédienne
  98. -       Catherine Vallon, Metteur en scène
  99. -       Agnes Verlet, Ecrivain
  100. -       Elise Vigier, comédienne, metteuse en scène
  101. -       Vanina Vignal, cinéaste
  102. -       Véronique Widock, comédienne
  103. -       Martin Winckler, écrivain
  104. -       Mâkhi Xénakis, sculpteur
  105. -       Catherine Zambon -  auteure de théâtre et comédienne

« Quelle Hospitalité pour la Folie ? »

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie,

c'est l'homme même qui disparaît. »

François Tosquelles.


Nous adressons à la société tout entière la question « quelle hospitalité pour la folie? » quand une future loi, véritable insulte à la culture, s'attaque à l'essence même du lien social, en désignant à la vindicte de tous et en menaçant des personnesplus vulnérables que dangereuses.

Si cet appel s'adresse au monde de l'art et de la culture c'est parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l'humain, est fait de culture. 

À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n'est pas qu'une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.

Le monde de l'art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n'est-ce pas son rôle?- pour résister à l'attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective.

Chaque artiste, chaque intellectuel ou acteur culturel, s'engage dans une recherche originale, dans des propositions toujours risquées, des remises en jeu des repères consensuels, à la croisée de l'intime et de l'Histoire.

Chaque artiste invite l'autre dans cette autre lecture, et en toute liberté.

En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.

La mise en jeu de l'inventivité, la création, le partage des oeuvres d'art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.

Appel  à la culture, comme liant créatif de l'intime et du social... le lieu d'un maillon essentiel, à restaurer dans la réflexion actuelle pour penser l'accueil de l'insensé, pour penser la question de la folie, de la maladie et du sort qu'on lui réserve.

Nous souhaitons avoir votre concours, votre engagement pour préserver cette part énigmatique de l'humain, sa part de folie.


Un projet de loi « sur les modalités de soins psychiatriques » sera discuté cet automne au Parlement : il détourne le terme de « soins » et représente une grave attaque contre les libertés individuelles ; il risque d'altérer profondément la relation entre patients et soignants.

Ce projet de loi instaure des « soins sans consentement », y compris « en ambulatoire », c'est-à-dire en dehors de l'hôpital, au domicile. Il remplace les modalités actuelles d'hospitalisation et d'alternative à l'hospitalisation en promouvant toujours plus de contrôle et de répression. 

Tout un chacun est aujourd'hui concerné par cette réforme. En effet, la notion de « santé mentale » utilisée notamment par les rapports gouvernementaux semble étendre le domaine des troubles psychiques à la simple exacerbation des sentiments, des émotions, aux peurs, à la tristesse, aux énervements, aux angoisses, aux ressentis et vécus douloureux, liés à des situations précises telles que le travail, une rupture, un deuil. De plus, l'évocation du « trouble de l'ordre public », entraînant la mise en place de soins psychiatriques sans consentement, comporte un risque de dérive pour les libertés individuelles.

Ce texte s'inscrit dans le droit-fil du discours de Nicolas Sarkozy à l'hôpital d'Antony le 2 décembre 2008. Désignées par le Président de la République comme potentiellement criminelles, en tout cas potentiellement dangereuses, toutes les personnes qui présentent des signes peu ordinaires de souffrance psychique, quelle que soit leur intensité, se trouvent  en danger de maltraitance. Se saisissant de dramatiques faits-divers, pourtant exceptionnels, le Président a laissé libre cours à son obsession sécuritaire. Cette orientation a déjà donné lieu à plusieurs textes réglementaires qui aggravent les conditions de l'hospitalisation et poussent vers plus d'enfermement, plus d'isolement.

Le projet de loi qui crée les « soins sans consentement » y compris à domicile, est un saut dans l'inconnu. Il représente un risque de dérive particulièrement inquiétante car sont instaurés :

         - des soins sous la menace d'une hospitalisation forcée en cas d'absence aux consultations ;

         - des soins réduits à la surveillance d'un traitement médicamenteux, nouvelle camisole chimique ;

         - des soins où la rencontre, la confiance dans la relation, la patience, la prise en compte de la parole, sont oubliées ou accessoires.

Nous savons bien que c'est la peur qui génère des réactions violentes chez certaines personnes ; or, cette loi va organiser la peur des patients et la peur chez les patients.

Ce texte porte atteinte à  la confiance entre le patient et le soignant : celui-ci représentera en permanence une menace, une surveillance sur la liberté d'aller et venir du patient, car il lui incombera de signaler toute absence aux consultations et aux visites, sous peine de sanctions . Le préfet, saisi par le directeur de l'hôpital, enverra les forces de l'ordre pour contraindre la personne à une hospitalisation. Le malade devenant « un contrevenant », il s'agit donc de nous exclure de notre métier de soignant.

Cette politique accompagne une dérive, depuis une quinzaine d'années, des pratiques psychiatriques : carence des formations, augmentation des isolements, retour des techniques de contention, primauté des traitements médicamenteux sur l'écoute, la relation, l'accueil des personnes en souffrance psychique. Ce projet de loi, avec la conception des troubles mentaux qu'il implique, va amplifier ces pratiques d'un autre âge.

Un collectif s'est constitué en décembre 2008, en réaction immédiate à ce sinistre discours présidentiel : « Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire ».

Se sont ainsi réunis des professionnels de la psychiatrie qui entendent résister à cette orientation inacceptable, à ces pratiques asilaires et aux nouvelles dérives scientistes.

Dans de nombreuses équipes, dans de nombreux services et secteurs psychiatriques, des artistes, des philosophes apportent leur concours aux professionnels pour mettre en œuvre avec les patients des espaces de création, d'initiatives, d'événements artistiques, joyeux, sérieux, inventifs, troublants, surprenants, en apportant de la vie, du désir là où la vie, le désir ont tendance à s'évanouir.

Des expositions, des créations théâtrales, des événements musicaux, des créations vidéos, des musées d'Art brut, des initiatives radiophoniques et par Internet se sont multipliés, donnant à voir la fécondité des productions originales possibles, enrichissant ainsi des thérapeutiques diversifiées.

Nous devons créer les conditions d'un accueil humain de la douleur morale, du désarroi psychique, des discours énigmatiques et délirants.

La possibilité de penser le soin et la folie est aujourd'hui mise en cause. Nous entendons bien résister à ce glissement vers le pire, et pour cela nous avons besoin de vous.

Nous ne voulons pas d'un tri des êtres humains en fonction de leur valeur utilitaire.

Nous ne voulons pas d'un retour au grand renfermement.

Nous ne voulons pas de l'internement à domicile.



«On juge le degré de civilisation d'une société

 à la manière dont elle traite ses marges, ses fous et ses déviants.»

Lucien Bonnafé

mardi 21 septembre 2010

Woody Allen et la psychanalyse

A écouter ici

Des peluches un peu agitées du bocal

Vous ne savez pas quel cadeau offrir pour Noël cette année.

Pourquoi pas une peluche atteinte elle aussi d’une maladie mentale ?

Ces peluches ont toutes un problème psychologique: vous avez le choix entre la tortue dépressive Dub, Kroko le crocodile aquaphobe ou encore le mouton Dolly affecté de troubles de la personnalité.

Oh et il y a aussi Sly le serpent, qui souffre d’hallucinations.

Sérieusement, qui a eu l’idée de ces peluches là? Un certain Martin Kittsteiner, un allemand qui affirme que “les enfants et les adultes aiment leurs vulnérabilités et trouvent en elles quelque chose qui les réconforte et les aide à guérir”.

Après tout pourquoi pas? Chaque peluche coûte 30 €, accès au site web compris pour pouvoir jouer au docteur et “soigner” sa peluche.

http://www.gizmodo.fr/2010/09/20/78202.html#more-78202

samedi 18 septembre 2010







A l’hôpital Sainte-Anne, ça va être de la folie

Journées européennes du patrimoine








 

Une schizophrène, attachée au lit
par son père depuis 10 ans.
Photo : Stéphane Moiroux/Laure Gruel;
peinture : Paolo Del Aguila

 
2 000 visiteurs sont attendus dans l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne à Paris à l’occasion des Journées européennes du patrimoine (18 et 19 septembre). Les 100 photos de l’exposition « Regards sur la folie » montrent la perception et la prise en charge de la psychose au sein de quatre peuples amérindiens : les Inuits, les Sioux-Lakotas, les Mayas et les Shipibo.Un travail sur place sur le continent américain pendant un an mené par Laure Gruel, psychomotricienne en psychiatrie et Stéphane Moiroux, infirmier et photographe professionnel. Une approche artistiquement subtile et humainement convaincante qui ouvre bien des portes et des esprits.

« Il y a un tabou autour de la folie, même dans des peuples qui ont d’autres représentations des troubles mentaux ». Stéphane Moiroux montre ses images de la folie chez les peuples Maya, Inuit ou Sioux en plein centre de Paris, dans un ancien pavillon de soin au cœur du centre historique de l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, inauguré en 1867. Les photos sont suspendues, pas de question de percer des trous dans les murs d’un bâtiment classé monument historique. « Quand on a monté ce projet, on s’est dit qu’il fallait le faire dans un lieu qui pouvait avoir du sens. On aurait pu faire cela dans un festival photographique, mais cela reste un public très spécialisé de la photographie. Nous, on parle des personnes en souffrance mentale et nous voulons toucher un grand public. »

Chaque peuple a sa propre manière de gérer la folie

Stéphane Moiroux, 29 ans, est depuis trois ans photographe et depuis dix ans infirmier. Il a travaillé aux soins palliatifs avec beaucoup de patients africains qui avaient souvent une manière « magique », « mystique » ou « symbolique » de représenter leur maladie. Sa partenaire du projet, Laure Gruel, 30 ans, est psychomotricienne en psychiatrie. Un métier où les patients parlent de leurs émotions à travers le corps, des massages, le théâtre, la balnéothérapie. Elle était très touchée par la souffrance de ses patients et par leur manière d’exprimer les choses. Après de longues discussions, Laure Gruel et Stéphane Moiroux sont tombés sur une question-clé : « Qu’est-ce que pourrait être la représentation des personnes qui ont des troubles mentaux graves comme la schizophrénie dans des populations qui ont une vision et une perception du monde différentes de notre rationalisme en Occident ? » Ils ont cherché des contacts auprès des centres hospitaliers, des centres de soins et d’hébergement en Amérique et ont décidé de rester pendant un an en Amérique afin d’étudier et d’aborder la question de la folie à travers quatre peuples différents. Un an après, ils sont de retour. Résumé : chaque peuple a sa propre manière de gérer la folie.

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Le droit au séjour des étrangers malades de nouveau menacé
Par Carine Fouteau
18 Septembre 2010

C'est devenu un rituel : dès qu'il en a l'occasion, le député UMP du Vaucluse Thierry Mariani essaie de restreindre les droits des étrangers en matière de santé. Lors de l'examen du projet de loi immigration, intégration et nationalité devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, mercredi 15 septembre, il est parvenu à faire adopter par les députés un amendement ajoutant une régression supplémentaire à un texte, qui sera défendu par Éric Besson à partir du 28 septembre dans l'hémicycle, durcissant déjà considérablement la politique migratoire.

Dans le collimateur : les étrangers gravement malades, c'est-à-dire ceux «dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité», selon la définition inscrite à l'article L313-11-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Depuis la loi Chevènement de 1998, ces personnes obtiennent une carte de séjour temporaire lorsqu'elles ne «peuvent effectivement  bénéficier d'un traitement approprié» dans leur pays d'origine. Thierry Mariani propose, lui, qu'elles n'en bénéficient qu'en cas d'«inexistence» du traitement dans leur pays d'origine.

La différence est de taille: pour les malades, la question, vitale le plus souvent, n'est pas de savoir si les médicaments existent, mais s'ils y ont accès. Dans certains pays, du Sud notamment, les traitements sont théoriquement disponibles, mais les personnes qui devraient en bénéficier ne peuvent les acheter pour de multiples raisons: soit parce qu'ils sont trop chers, soit parce qu'ils sont quantité insuffisante, soit encore parce que leur lieu d'habitation est trop éloigné du lieu de distribution.

Quel avenir pour ces étrangers, parmi lesquels les malades du cancer et du sida, s'ils ne sont pas régularisés? Première hypothèse: ils resteront ou deviendront sans papiers et auront d'autant plus de mal à se soigner, avec des risques, en cas de transmission de la maladie, en matière de santé publique. Seconde hypothèse: de retour dans leur pays d'origine, n'ayant pas accès aux traitements, leur état de santé se dégradera inévitablement jusqu'à ce qu'ils meurent.

«Notre système social français ne peut quand même pas financer les malades du monde entier!», rétorque Thierry Mariani, joint par Mediapart. Le député, rapporteur du projet de loi Besson, s'inquiète de deux décisions du conseil d'État, du 7 avril 2010, selon lesquelles l'accès «effectif» aux soins recouvre non seulement l'existence de l'offre médicale, mais aussi la possibilité pour l'intéressé d'en bénéficier en fonction de ses ressources, du bénéfice éventuel d'une prise en charge financière et de la région dont il est originaire.

«Cette interprétation très généreuse fait peser une obligation déraisonnable au système de santé français, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d'un pays ne bénéficiant pas d'un système d'assurance social comparable au nôtre», écrit-il dans l'exposé des motifs de son amendement. Et d'ajouter, de vive voix: «Cette jurisprudence est une bombe à retardement. À part les Suédois, on ne pourra plus expulser personne! Même les Américains pourraient venir se soigner en France!»

Pour parer à cette éventualité, il propose un retour en arrière législatif de plus de dix ans. Et cela, alors même que, de l'aveu du ministère de l'immigration, le nombre de cartes de séjour délivrées pour ce motif a diminué de près de 20% entre 2004 et 2008 (de 6.105 à 4.894), selon les chiffres officiels publiés dans le dernier rapport au Parlement sur les orientations de la politique de l'immigration.

   * «Un droit acquis de haute lutte»

Pour l'association Act Up-Paris, cet amendement fait peser des risques sur la vie de milliers d'étrangers gravement malades – environ 28.000 personnes sont potentiellement concernées. Son communiqué décrit un possible scénario en cas de vote par le Parlement: «Décembre 2010 : Mme N., en situation irrégulière, est expulsée vers l'Ouganda de la France où elle suivait un traitement. Elle est séropositive et atteinte d'un cancer. En Ouganda, moins de la moitié des séropositives ont accès à un traitement. Juin 2011: Mme N. meurt faute de traitements. L'amendement Mariani a réduit son espérance de vie de plusieurs années à 6 mois, l'amendement Mariani l'a tuée

«Le droit mis en cause aujourd'hui a été acquis de haute lutte. Le vote d'un tel amendement signifierait un retour en arrière par rapport aux grands combats des années 1990, notamment liés à la lutte contre le sida», insiste Didier Maille, responsable du service social et juridique du Comité médical pour les exilés (Comede), association membre de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE).

Pour Europe Écologie/les Verts, «cette politique de non-assistance à malades en danger est inacceptable. Celui qui la défend et ceux qui la voteront commettront une faute morale grave indigne de la tradition humaniste de notre pays. Mais au-delà de toute considération éthique, cela fera courir un risque sanitaire avéré pour tous les citoyens faute de soigner correctement les personnes qui en ont besoin».

Pas de quoi culpabiliser Thierry Mariani, auteur d'un amendement particulièrement remarqué en 2007, instaurant les tests ADN dans le cadre du regroupement familial. Face au tollé provoqué par ce texte, le gouvernement, après des mois d'atermoiements, avait été contraint de renoncer à l'appliquer. Cette fois-ci, le député affirme «avoir été soft car, dans ce pays, à chaque fois que la droite propose une loi sur l'immigration, on est traités de réactionnaire». Il promet quand même d'aller «plus loin» dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec son collègue UMP Claude Goasguen, chargé d'une mission sur l'Aide médicale d'État. 



22.02.10
Société
Reportage

Aux Diaconesses, à Paris : "Le patient est notre guide"

"Partie très calmement. Famille en pleurs", "Sans réaction depuis ce matin. Après l'avoir tourné, le patient s'est éteint". Jamais dans le service de soins palliatifs du groupe hospitalier Diaconesses-Croix-Saint-Simon, à Paris, le personnel n'oublie de remplir le "cahier de décès" qui permettra à qui veut d'en connaître les circonstances. Un procédé rare, et pourtant utile. Comme les "cérémonies du souvenir", organisées deux fois l'an et où sont conviés les proches de toute personne morte à l'hôpital.

Sur 250 à 300 décès par an, 200 ont lieu dans cette unité ; 200 sur 240 admissions. La durée médiane de séjour y est de onze jours, mais chaque cas est particulier. Dominique Minguet, infirmière, se souvient ainsi de ce patient "la veille en partance" qui s'est réveillé un matin en disant : "J'ai faim."

Le service, qui compte quinze lits, reçoit 1 700 demandes de prise en charge par an. Il faut faire des choix. "Nous tenons compte des douleurs rebelles ou des difficultés à respirer, mais aussi de la détresse morale", explique le docteur Dominique Karoui.

Séances de lecture

Le service accueille en priorité les malades venus directement de leur domicile, parce que ceux déjà hospitalisés ailleurs sont suivis par des médecins, même si les conditions d'écoute ne sont pas toujours idéales. Parce que les personnes qui accompagnent le "départ" d'un proche à leur domicile peuvent aussi être en danger. Comme souvent les femmes âgées restant auprès de leur mari.

La priorité va aussi aux personnes isolées, comme les SDF, et aux parents en fin de vie d'enfants en bas âge. Ce samedi, on en entend d'ailleurs rire dans le couloir aux couleurs vives.

Chaque semaine, le personnel participe à des groupes de parole, indispensables. Les arrivées des patients sont en effet souvent d'une grande violence, car beaucoup n'ont pas été tenus au courant de leur orientation en soins palliatifs. Il faut alors comprendre s'ils veulent connaître ou non la vérité. "Il n'y a pas de bonne mort. Chaque patient est notre guide", résume Marina Benouaich, une autre infirmière.

Denise Barbeyer, 96 ans, sait parfaitement où elle est. Atteinte d'un cancer, elle semble sereine : "Je suis d'accord pour tous les soins, y compris ceux qui risquent de me raccourcir un peu l'existence." "J'aime la vie, à condition qu'elle soit consciente", précise-t-elle. La vieille dame apprécie l'attention de tous les instants qu'on lui porte, et que des bénévoles lui fassent la lecture - "L'Evangile au risque de la psychanalyse, de Dolto, Anouilh et aussi Giraudoux". Il y a là aussi les proches d'une femme arrivée il y a trois jours. Ils voulaient tout faire pour qu'elle reste chez elle, mais après un week-end passé dans "d'atroces douleurs et une détresse énorme", ils ont fait une demande de prise en charge, raconte l'une d'eux. Une médecin généraliste qui se dit rassurée que la malade soit là où l'on sait vraiment suivre le patient d'un point de vue "médicamenteux et psychologique".

Ici, les visites sont autorisées 24 heures sur 24, et en se débrouillant, on arrive à coucher parfois jusqu'à quatre proches pour la nuit, le moment le plus angoissant. Après un décès, une chambre est toujours laissée vide le temps d'une nuit. Un laps de temps indispensable au personnel. Tout cela a un coût, mais le service est à l'équilibre, grâce à l'activité soutenue qu'a permis la mise en place d'un lit d'urgence qui facilite les roulements.

Le directeur de l'hôpital, Philippe Pucheu, ne pense pas possible et nécessaire de généraliser ces pratiques "Il n'y a pas de bons et de mauvais services. Chacun fait selon sa fonction. Mais une meilleure organisation et la transmission de la culture d'accompagnement pourraient permettre des améliorations dans les hôpitaux, et même plus généralement." L'équipe réfléchit à impliquer médecins de ville et maisons de retraite, car elle juge certaines situations de décès inacceptables. Comme ces morts dans les couloirs des urgences de personnes en fin de vie, dont le "départ" pouvait être anticipé.

Laetitia Clavreul
Article paru dans l'édition du 23.02.10.






J. Peker, Cet obscur objet du dégoût
Parution : 7 janvier 2010







Cet obscur objet du dégoût
Julia Peker

Paru le : 07/01/2010
Editeur : Bord de l'eau (Le)
Collection : Diagnostics
ISBN : 978-2-356-87053-7
EAN : 9782356870537
Nb. de pages : 190 pages

Prix éditeur : 20,00€

Pourquoi avons-nous tant de mal avec ce qui nous dégoûte ? Pourquoi tournons-nous la tête à la vue d'une réalité non ordonnée, grouillante ou sanguinolente ? Pourquoi nos restes organiques sont-ils vécus comme de répugnants déchets ? Serrements de gorge et nausée escortent la montée d'un puissant signal de rejet, détournant l'esprit d'un champ tour à tour purulent, visqueux, puant.
Pourtant comme le goût le dégoût s'éduque, l'insupportable varie et se déplace, mais pour désigner au coeur de la réalité la plus familière une part maudite, dévalorisée et teintée d'une obscure fascination, que nous apprivoisons par l'ignorance. A travers la sensation de l'immonde le dégoût affecte donc insidieusement les contours du monde, traçant le seuil d'arrière-cours sans fonds, exclues de l'ordonnancement des apparences.
S'intéresser au dégoût, c'est alors, paradoxalement, contribuer à agrandir les frontières de l'humain.

Sommaire:
LE SCANDALE LOGIQUE DE L'AMBIVALENCE

La saveur d'une poire fangeuse : dégoûts amers et dégoûts sucrés
L'érotique du dégoût
La Belle est la Bête

L'IMMONDE ET LE MONDE

Du reste au déchet
Anomalies

LE PROPRE ET L'INAPPROPRIABLE

L'intrus
L'impropre

LE SPECTACLE DE L'IMMONDE

L'interdit esthétique
L'effet de réel
Le littéral

L'auteur:
Agrégée de philosophie, critique d'art, Julia Peker est doctorante à l'Université Bordeaux III.


Dans Libération du 25/2/10, on pouvait lire cet article:
Dégoût et des couleurs

Le rejet de «l'immonde» sur le terrain de la philosophie

Par ROBERT MAGGIORI

L'envie est de vomir - mais ces koro sont des friandises pour les Indiens du Parana qui vous accueillent : des «larves pâles qui pullulent dans certains troncs d'arbre pourrissants». Il faut donc y aller… Et Claude Lévi-Strauss - il le raconte dans Tristes tropiques - y va de sa bouchée : initiation de l'ethnologue. Curieuse frontière que celle qui passe entre goûts et dégoûts. Ici elle est culturelle, et sans doute les Indiens trouveraient-ils répugnant qu'on se délecte de grenouilles ou de boudin. Mais au sein d'une même culture, elle est incertaine : à quoi tient que l'amateur d'escargots ne mange guère de limaces ? Aussi en vient-on à la dire naturelle : chairs décomposées, vomissures, puanteurs, excréments et excrétions provoquent comme une protestation innée ou «préprogrammée» du corps.
Mais là encore les choses ne sont pas claires : tes yeux, mon amour, secrètent les larmes, mais on les essuie plus facilement que la morve verdâtre que secrète ton nez. Plus : ce qui, par nature ou culture, suscite répugnance, excite aussi désir et appétence. L'ethnologie, la physiologie, la psychanalyse ou l'histoire des mentalités ont beau faire feu de tout bois, le mystère demeure : pourquoi «ça nous dégoûte» ? Quelle raison et quelle fonction a le dégoût ?

Dans Cet obscur objet du dégoût, Julia Peker apporte des réponses très éclairantes, en ce qu'elle déplace la question vers la philosophie, qui jusqu'ici n'en avait pas dénoué tous les enchevêtrements conceptuels, laissant ainsi flotter l'idée que l'écœurement impose silence à la raison. Certes, parler des «effets ontologiques et subjectifs» de la «puanteur de la merde» peut paraître osé. Mais le propos se révèle pertinent dès qu'on l'inscrit dans la thèse que défend la jeune philosophe et critique d'art, à savoir qu'«à travers la sensation de l'immonde le dégoût affecte insidieusement les contours du monde, et semble jouer un rôle décisif dans la détermination de ce qui fait monde».

Pour «tenter de voir clair en ces bas-fonds», Julia Peker passe par l'analyse de l'hygiénisme, de l'étrange collusion qui lie attraction et répulsion, des amalgames entre propreté et propriété, saleté et altérité, des services que l'excrémentiel rend au langage quand celui veut blesser ou déshumaniser («petite merde, vermine, ordure…»), des interdits esthétiques qui pèsent sur le laid. Puis elle arrive à trouver dans la nausée une sorte de «leçon». Le dégoût, «en circonscrivant un pan du réel, en se collant à quelques étiquettes d'objets stigmatisés», joue, dit-elle, «un rôle répulsif stratégique». L'existence de «ce hors-champ immonde atteste par sa puanteur et son grouillement que nous ne maîtrisons pas tout, il signale l'existence d'excrétions, d'exceptions de toutes sortes qui sont en excès sur l'ordre qui les produit». Si bien qu'à vouloir du monde exclure l'immonde - toujours le fait des autres - on le clôt, on extirpe sa part maudite «pour que puisse briller la blancheur éclatante d'un monde parfait, où se répand le parfum aseptisé de la sainteté». A le faire paradoxalement agir comme un «principe éthique», on maintient au contraire actives les lignes de faille - celles qui laissent ouverte «la différence subtile entre identité et intégrité».







Les médecins du travail craignent d'être placés sous la tutelle des patrons

16.09.10

En gestation depuis au moins deux ans, la réforme de la médecine du travail voit finalement le jour à la faveur du projet de loi sur les retraites. Durant l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale, le gouvernement et des députés de la majorité ont défendu, mardi 14 septembre, plusieurs amendements qui changent les règles de fonctionnement des services de santé dans le monde de l'entreprise.

Pour les acteurs concernés et les élus de gauche, ces dispositions, présentées "en catimini", sont inacceptables, notamment parce qu'elles placent les médecins du travail sous la coupe des patrons. "Il ne s'agit pas seulement d'un coup bas social, mais d'un véritable meurtre", s'est exclamé Patrick Roy, député (PS) du Nord.

Dans le secteur industriel et commercial, environ 6 500 médecins et plus de 10 000 professionnels "non médicaux" suivent un peu plus de 15 millions de salariés, d'après un avis du Conseil économique et social présenté en 2008 par Christian Dellacherie. Quelque 950 structures interviennent, au sein même des entreprises ou à l'extérieur (grâce aux "services interentreprises").

Malgré une série de réformes depuis la fin des années 1990, le dispositif est en butte à de nombreuses difficultés. "Trois quarts des médecins du travail sont âgés de plus de 50 ans et 1 700 départs en retraite sont prévus dans les cinq années à venir", écrivait M. Dellacherie dans son rapport. L'efficacité du système est aussi mise en doute compte tenu de la forte augmentation des maladies professionnelles. De plus, les responsabilités sont éparpillées et le financement est jugé opaque.

Depuis 2008, le gouvernement discute avec les partenaires sociaux et les différents intervenants du secteur pour résoudre ces problèmes. Aucun consensus n'a été trouvé. Au printemps, 1 100 "médecins, inspecteurs, contrôleurs du travail et acteurs de santé au travail" ont lancé un appel qui critique les orientations affichées par Xavier Darcos puis par Eric Woerth, les ministres successivement chargés du dossier.

Le gouvernement et des députés de la majorité ont néanmoins décidé de passer à l'acte en introduisant plusieurs amendements dans le projet de loi sur les retraites. L'initiative a froissé les professionnels du secteur - ainsi que la gauche -, car ils s'attendaient à un texte spécifique consacré à la médecine du travail. Mais pour M. Woerth, la réforme du système de santé dans le monde de l'entreprise est intimement liée à "la question de la pénibilité" - un sujet clé dans les débats sur les régimes de pensions.

Parmi les mesures, très techniques, présentées par le gouvernement, il en est une qui a déclenché une vive polémique : elle prévoyait à l'origine que les missions des médecins du travail soient exercées "sous l'autorité de l'employeur". Une disposition perçue comme une remise en question de l'indépendance des professionnels de santé. On donne "les clés du poulailler au renard", ont dénoncé l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Le Nouveau Centre a défendu un sous-amendement pour corriger le tir : il précise que les services sont "en lien avec l'employeur" - et non plus sous ses ordres.

Bien que l'exécutif ait accepté de revoir sa copie sur ce point, l'inquiétude reste entière. Le Syndicat national des professionnels de la santé au travail déplore notamment que le texte prévoie la possibilité d'un suivi médical de certaines catégories de salariés "par des médecins non spécialisés en médecine du travail". Pour François Desriaux, représentant de l'Andeva, "il aurait fallu une réforme beaucoup plus ambitieuse, distinguant bien l'évaluation des risques, qui doit être indépendante, de la gestion des risques" qui, elle, relève de l'employeur.



"On revient à la médecine du travail instituée par Pétain"
Bernard Salengro, médecin du travail et secrétaire national de la CFE-CGC
17.09.10

Pourquoi le fonctionnement de la médecine du travail a-t-il été amendé au milieu d'un texte sur la réforme des retraites ? En aviez-vous été informé ?

Bernard Salengro : Non. On nous avait annoncé une réforme, mais qui viendrait après la réforme des retraites, qui serait publique, annoncée. Alors qu'on a eu un amendement glissé en dernière minute, en catimini, comme si on avait honte de la zizanie qu'on faisait.

L'amendement est essentiellement l'amendement 730, déposé par le gouvernement, qui transforme le service de santé au travail, qui était un service protecteur des salariés, en un service protecteur des entreprises.

Comment en est-on arrivé à cette dérive ?

De façon tout à fait logique. Parce que c'est ce que les employeurs demandent depuis toujours.
Reprenez les éditoriaux du Dr Georges Clemenceau, l'homme politique qui était médecin du travail, dans L'Aurore, en 1906. Il disait déjà, pour défendre la reconnaissance de la maladie du plomb : les médecins du travail sont considérés comme des gêneurs par les employeurs.

Et il y a toujours eu la pression des salariés pour que les médecins du travail les protègent – c'est ce qui s'est passé en 1946 – et la pression des entreprises pour que les médecins du travail les aident à rentabiliser le système.

La tentative du Medef sur les députés UMP et sur Eric Woerth, le ministre du travail, a réussi, puisqu'ils présentent textuellement la demande du Medef qui avait été présentée il y a deux ans aux organisations syndicales et que toutes avaient refusée à l'unanimité.
C'est aussi simple que de dire : on va organiser la lutte antidrogue en la confiant aux dealers. Ce n'est pas possible, ça ne marche pas.

Quel est le danger véritable de cette réforme pour les salariés ?

C'est qu'au lieu d'avoir un système de protection, ils vont avoir un système de manipulation. Et sous couvert d'un affichage sympathique, la santé au travail, on va avoir des professionnels pour lesquels on pourra se poser des questions de confiance, d'indépendance, de confidentialité, et de réalité de leur aide.

C'est tellement facile de dire à une personne qui a une surdité que c'est dû au fait qu'elle va trop en boîte de nuit, ou à une personne atteinte d'un cancer du poumon que c'est dû au fait qu'elle fume trop et non pas à l'amiante qu'elle a manipulé toute sa vie.

Quels sont les moyens dont disposent les médecins du travail pour se protéger d'éventuelles pressions des employeurs ?

Aujourd'hui, le médecin du travail, pour être indépendant, a plusieurs cordes à son arc. L'indépendance, ce n'est pas l'absence de pressions, c'est plus l'équilibre des pressions. Dans l'entreprise, l'équilibre des pressions, c'est l'équilibre entre les pressions des employeurs et celles des salariés. C'est pourquoi l'indépendance des médecins du travail est facilitée lorsque la représentation des salariés est organisée et facilitée.

Par ailleurs, le médecin du travail est un salarié protégé, que l'on ne peut licencier qu'avec l'accord d'une représentation des salariés à la Commission de contrôle des services ou le comité d'entreprise, avec l'accord de l'inspecteur du travail, et celui du médecin inspecteur du travail. C'est dire s'il est protégé.

Vous n'exagérez pas un peu en prétendant que la protection des salariés est remplacée par la sécurité des employeurs ?

Je ne pense pas exagérer. Le système de médecine dans les usines existe depuis longtemps. C'était une médecine sous l'autorité de l'employeur, chargée d'optimiser le matériel humain par la sélection, par l'entretien. C'est la médecine du travail avec sélection génétique instituée par Pétain.

A la Libération, on a repris les outils et les hommes en leur donnant un objectif opposé – cela a été voté à l'unanimité des députés : éviter toute altération de la santé du fait du travail.

Avec cet amendement, on retourne vers le système de Pétain, car les médecins du travail avaient une indépendance garantie par la loi, protégés contre le licenciement par l'inspecteur du travail, et bénéficiant d'un agrément renouvelé tous les cinq ans par l'autorité des services déconcentrés du ministère.

Tout cela saute au profit d'une mention indiquant que c'est sous l'autorité de l'employeur. On imagine que la direction du poulailler par le renard n'est pas une grande garantie...

Quelle est la position de l'Ordre des médecins sur cette question ?


La position de l'Ordre des médecins, que j'ai sollicité il y a dix jours, quand l'amendement est sorti, a été de reprendre sa déclaration de juin dans laquelle il dit son opposition avec la loi qui vient d'être votée.

Si vous regardez le site du Conseil national de l'ordre des médecins, à la date du 16 septembre, il y a un texte qui dit que l'Assemblée nationale a voté une importante réforme de la santé au travail, le texte ne répond pas aux attentes des salariés, ni aux nécessités de l'exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique.

Le médecin du travail doit être le coordonnateur de l'équipe de santé pluridisciplinaire. Et l'intervention de médecins non spécialisés en médecine du travail doit se faire au sein du service de santé au travail, sans être déconnectée de la connaissance du milieu de travail et des postes de travail.

Ils disent qu'ils s'étonnent de l'absence de toute concertation, ce qu'ils regrettent vivement, alors qu'ils demandent depuis six mois à être reçus par le ministère. Dans ces conditions, ils ne peuvent qu'émettre une vive protestation.

De quels moyens disposent les professionnels et les syndicats pour s'opposer à cette évolution de la médecine du travail ? On en parle peu.

Le fait qu'on en parle peu, c'est ce que voulait Eric Woerth en glissant cet amendement dans le grand brouhaha de la retraite.

Heureusement, des syndicalistes et la CFE-CGC ont repéré cet amendement et ils ont tiré la sonnette d'alarme pour que petit à petit la population s'aperçoive de la rouerie qu'est ce cavalier législatif. Car c'est une loi cachée derrière une autre loi.

C'est normalement illégal et anticonstitutionnel. Mais on n'est plus à ça près...

Quelles mesures doivent prendre les médecins du travail pour s'opposer à un tel amendement ?

Les médecins du travail se mobilisent pour avertir les députés, les sénateurs et l'opinion publique. Mais au bout du compte, si la loi est votée, elle sera appliquée. C'est dire le danger de la situation actuelle.

Car les médecins du travail feront ce que la loi dit. Ce n'est pas tellement un problème de médecins du travail, c'est surtout un problème du système de protection des salariés.

Et c'est là où c'est dommage – mais c'est voulu – qu'ils n'aient pas conscience de ce qui se passe.

La médecine du travail peut-elle être accusée de connivence avec les syndicats ?

Non. En revanche, elle fonctionne avec les syndicats et les employeurs. Et le texte que cette loi a bouleversé dit que le médecin du travail est le conseiller de l'employeur, des salariés et de leurs représentants.

Et si vous demandez à un salarié, il aura tendance à dire qu'il est avec l'employeur, et celui-ci dira qu'il est avec les salariés.

Que peut faire un médecin du travail lorsqu'il y a harcèlement moral des salariés vis à vis d'un cadre ?

Dans ce cas, comme lorsqu'il y a harcèlement moral, le médecin du travail doit d'abord écouter et se faire une opinion. Au-delà, en présupposant que c'est confirmé, il peut agir en interpellant l'employeur et en lui rappelant qu'il a une obligation de sécurité et une obligation de prévention du harcèlement moral.

Je peux vous dire que lorsque c'est écrit, je connais peu d'employeurs qui ne répondent pas, car le risque pour eux est de se faire interpeller au pénal pour mise en danger délibérée d'autrui. Et les juges sont particulièrement sévères quand l'origine de l'information vient d'un expert médicolégal qu'est le médecin du travail.

Pourquoi n'y a-t-il pas de médecine du travail à l'éducation nationale ?

Parce que l'État est un mauvais employeur ! Alors que l'on sait que l'éducation nationale a besoin de suivi médical, d'ergonomie psychique, affective et cognitive. Le nombre de dépressions dans l'éducation nationale est impressionnant.

S'agissant du dossier médical personnalisé (DMP), comprenez-vous que les patients craignent de voir les médecins du travail y accéder ?

Oui, parce que les médecins du travail connaissent mal les contraintes du secret médical sur tous les médecins, y compris les médecins du travail.

Le secret médical s'impose aux médecins du travail comme aux autres médecins. C'est une disposition qui relève du code pénal.

Le médecin du travail perd de l'efficacité par le manque de coordination avec le médecin traitant. Il a lui-même son dossier pour le salarié au niveau santé au travail et ses dossiers sont en avance au point de vue qualité informatique sur le DMP. Il regrette qu'il ne puisse transmettre les informations qu'il a au médecin traitant, pour par exemple lui signaler que tel salarié est exposé à l'amiante et doit surveiller à sa retraite le risque de survenue de cancer dû à l'amiante. C'est là que l'accès au DMP serait intéressant pour une meilleure efficacité au profit du salarié.

Mais M. Douste-Blazy – ancien ministre de la santé – a montré une inculture médicale patente dans ce domaine.

Un médecin du travail peut-il intervenir lorsqu'il y a harcèlement d'un employé dans une entreprise de moins de 11 salaries ?

Bien sûr. Il est saisi par la personne harcelée, ou par ses collègues. Il fait le diagnostic de la situation et de la personne, et fait un courrier à l'employeur en lui demandant de changer la situation relationnelle. Bien sûr, il faut s'en assurer et se méfier des manipulations.

Tout cela relève du registre du médecin du travail, l'objectif étant d'éviter l'altération de la santé au travail. Éviter est une démarche proactive, ce n'est pas constater ou déplorer, c'est éviter. C'est pour cela que M. Woerth le retire.

Lors de ma dernière visite médicale à la médecine du travail, je n'ai été vue que par une infirmière qui a signé mon certificat d'aptitude. Est-ce une pratique légale ? Cela est-il dû à la pénurie de médecins du travail ?

Ce n'est pas une pratique légale. Cela le sera peut-être demain, mais pas aujourd'hui. La pénurie des médecins est organisée et virtuelle. Je m'explique. Selon les chiffres du ministère, il n'y a pas un médecin du travail sur deux qui est à temps plein.

Si tous les médecins du travail étaient à temps plein, il faudrait en licencier 30%. Cependant, il y a un problème dans les années qui viennent qui est inévitable par des contraintes universitaires sans rapport avec l'intérêt du métier, de la prestation et de la société.

Une infirmière est comme un "Canada Dry" : avec toute la gentillesse et la compétence qu'elle peut avoir, elle n'est pas formée au diagnostic. C'est donc tromper les patients que de leur faire passer une visite avec une infirmière. Une infirmière peut aider un médecin, elle ne peut pas le remplacer.

C'est une organisation mise en place surtout par les directeurs de service de santé au travail, qui ont peur de ne pas recevoir la cotisation des entreprises et qui du coup auraient des problèmes financiers.

Il y a eu une enquête faite, il y a deux ou trois ans, par Le Canard enchaîné qui a montré que, dans 66 départements, les services de santé au travail avaient la même adresse que le Medef, et que la bonne connaissance de ces circuits montre qu'il y a souvent des arrangements de location, de prêts de matériel et de personnels qui expliquent bien des choses, et la nécessité de conserver la cotisation des entreprises.

Peut-on craindre, dans un prochain avenir, une disparition totale de la médecine du travail ?

Je crois qu'on peut le craindre, effectivement, et un habillage "Canada Dry" de santé au travail par des techniciens divers et variés à la solde des employeurs.

L'important, quand quelqu'un a la fièvre, c'est de casser le thermomètre. Là, c'est ce qu'on fait.

C'est dire l'importance de cet amendement et la gravité de cette manipulation que représente ce cavalier législatif, qui entraîne une perte de liberté et de protection des salariés. Et j'espère que les députés sauront interpeller le Conseil constitutionnel pour cette loi glissée derrière une autre loi, sans aucun rapport avec celle-ci, et pour un sujet aussi grave.





Société
08/09/2010

Le bracelet électronique en débat

Mesure phare de la loi sur la sécurité intérieure, son port serait obligatoire aux récidivistes.

Par THOMAS HOFNUNG

Un télescopage en bonne et due forme. L’annonce, hier, de la découverte du corps de la joggeuse disparue dans une forêt du Nord est intervenue alors que le Sénat entamait l’examen de la loi de programmation sur la sécurité intérieure (dite «Loppsi 2»). Celle-ci inclut, comme le souhaitait Nicolas Sarkozy, l’instauration du port du bracelet électronique pour les récidivistes après la fin de leur peine.

Contrôle. L’homme qui a reconnu avoir violé et tué la jeune femme avait été placé en préventive en mai 2004, avant d’être condamné en 2006 à dix ans de prison pour un viol sous la menace d’une arme dans les Hauts-de-Seine (lire ci-contre). Libérable dès 2012 par le jeu de réduction des peines, il a par ailleurs bénéficié d’une libération conditionnelle, possible à mi-peine.

Ce fait divers ressemble à s’y méprendre à celui qui s’était produit il y a un an près de Milly-la-Forêt. Marie-Christine Hodeau, une joggeuse de 42 ans, avait été retrouvée morte dans une forêt. Son meurtrier, condamné en 2002 à onze ans de réclusion criminelle pour le viol et l’enlèvement d’une adolescente de 13 ans, avait bénéficié en 2007 d’une libération conditionnelle assortie de strictes mesures de contrôle. Il s’était pourtant réinstallé dans la commune des parents de sa première victime.

Aussitôt, la polémique avait enflé sur le prétendu «laxisme» des juges, mais aussi sur la nécessité de renforcer l’application de la «castration chimique». Nicolas Sarkozy avait reçu la famille de la victime et promis de renforcer la lutte contre la récidive - une loi sur le sujet était d’ailleurs discutée au même moment au Parlement.

Hier, lors d’un petit-déjeuner à l’Elysée avec des responsables de la majorité, Sarkozy a indiqué qu’il «ne reculera pas» et qu’il mettra en œuvre les mesures annoncées le 30 juillet à Grenoble. Le Président avait souhaité que «les magistrats puissent condamner automatiquement les multirécidivistes au port du bracelet électronique pendant quelques années après l’exécution de leur peine».

«Escalade». Cette mesure pourrait-elle éviter les drames causés par des récidivistes ? La loi sur la surveillance et la rétention de sûreté, votée en 2008, permet déjà de contraindre à porter le bracelet au terme de la peine dans des cas exceptionnels, comme le rappelle Laurent Bedouet, de l’Union syndicale des magistrats. «C’est une telle escalade législative que des textes ne sont jamais appliqués : au moment où ils le devraient, d’autres plus sévères sont en fait votés…» La Loppsi 2 étendra sans doute la possibilité d’imposer le bracelet après la fin de la peine. «Mais il ne faut pas laisser croire que le bracelet est la panacée, poursuit Laurent Bedouet. Les psychiatres expliquent bien que, s’il convient à certains détenus, il n’est pas adapté à d’autres qui, s’ils sont saisis d’une pulsion irrépressible, tueront malgré tout. Le bracelet permettra seulement de les localiser et de les arrêter plus vite.»

La Loppsi inclut par ailleurs deux amendements : l’extension des peines plancher pour les violences aggravées et l’instauration d’une peine de prison incompressible de trente ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes. Hier, devant les députés, Brice Hortefeux a assuré que la Loppsi 2 serait le seul texte sur la sécurité présenté aux parlementaires durant le quinquennat.




Le mode d’action des IRS dévoilé par des Français

Comment agissent les antidépresseurs tels que ceux de la famille des IRS (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, comme le Prozac) ? Des travaux de chercheurs de l’Université Paris-Descartes apportent un nouvel éclairage. Odile Kellermann (INSERM U 747) et Jean-Marie Delaunay (INSERM U 942) ont montré in vitro puis in vivo une chaîne de réactions déclenchée par les IRS.

Ils ont identifié le rôle clé d’un micro-ARN nommé miR-16, qui contrôle la synthèse du SERT, le transporteur de la sérotonine. Normalement, SERT est présent dans les neurones à sérotonine. Son expression est réduite au silence par miR-16 dans les neurones à noradrénaline.

En réponse à la fluoxétine, les neurones à sérotonine libèrent une molécule-signal qui fait chuter le taux de miR-16, ce qui déverrouille l’expression du transporteur de la sérotonine dans les neurones à sérotonine mais aussi dans ceux à noradrénaline.

Ces derniers deviennent ainsi sensibles à la fluoxétine. Et ils deviennent mixtes, produisant à la fois de la noradrénaline et de la sérotonine. In fine, la quantité de sérotonine libérée est accrue à la fois au niveau des neurones à sérotonine et des neurones à noradrénaline.

Ainsi, « ces travaux dévoilent pour la première fois que les antidépresseurs sont capables d’activer une nouvelle source de sérotonine dans le cerveau », indiquent les chercheurs.

› Dr BÉ. V.

« Science », 17 septembre 2010, vol. 329, n° 5998.
Quotimed.com, le 17/09/2010