Injure et agression verbale dans le soin en psychiatrie
17.04.2013
« On n'est pas là pour se faire insulter », disait récemment un soignant après qu'un patient eut monté le ton dans un échange. Pas là pour ça, certes, mais après ? Comment prendre la distance nécessaire vis-à-vis de l'insulte ? Que vient faire et dire l'insulte dans les rapports soignants/soignés ?
Étymologie de « injure »
Le mot « injure » est issu du latin « insulto » qui signifie littéralement « s'élancer sur », « attaquer » « outrager »1. Il procède d'un sens très agressif, très actif. L'injure est donc avant tout un acte d'agression. Il convient toutefois de noter qu'il s'agit d'une agression verbale et non physique. La blessure induite, si elle peut être douloureuse pour l'esprit, pour l'ego, ne marque pas dans le corps.
Aujourd’hui, les tribunaux, les revues « people » abondent de demandes de réparations pour injures ou outrages et nombre d'entre elles aboutissent à ce que la justice statue et demande réparation du préjudice.
Sigmund Freud disait : « Le premier être humain à jeter une insulte, plutôt qu'une pierre est le fondateur de la civilisation »2. La vie humaine est préservée. Il y a meurtre de l’adversaire certes, mais meurtre symbolique. L’autre est reconnu comme égal, comme humain, pour et de qui la vie est importante malgré le différend. Dans le cadre du soin, nous considérerons avec lui qu'il s'agit ici aussi d'un acte symbolique. L’agression physique qui est un acte grave vis-à-vis d'un soignant, répréhensible, induisant une réponse institutionnelle est évitée.
« Prendre la distance nécessaire vis-à-vis de l’insulte : un travail indispensable au soignant... »
Quelle étiologie de l’injure?
Posons-nous la question du processus qui aboutit à l’insulte. Deux propositions peuvent ainsi être faites :
La notion de transfert/contre transfert
Le transfert est un terme proposé par Freud dans le cadre de la théorie psychanalytique correspondant au transfert de sentiments sur la personne du médecin3. Dans la cure, tout comportement actuel a son origine et est en accord avec les expériences passées. Il révèle donc au patient, par la relation affective que celui-ci établit avec son analyste, tout un ensemble inconscient d'attitudes amicales ou hostiles établies dans son enfance.
Si le transfert en psychanalyse est une projection émotionnelle de l'analysé sur la personne du thérapeute, le contre-transfert est l'« ensemble des réactions inconscientes de l'analyste à la personne de l'analysé et plus particulièrement au transfert de celui-ci »4. Par extension, nous pouvons admettre des sentiments envers nous, soignants, émanant des personnes en soins5. En retour, nos propres sentiments surgissent dans les rapports que nous entretenons avec ces personnes face à leur ressenti envers nous, envers ce qu'elles éveillent en nous.
Si le « transfert » entre le patient et le soignant est négatif, chargé d'hostilité, il sera difficile d'éviter le contre-transfert du soignant tout autant négatif.
Nous comprenons ici que l'injure n'est pas destinée au soignant mais à un « objet » interne au patient qui fait référence à des événements, des personnes rencontrées dans son enfance. Répondre à cette agression est se tromper de rencontre, d'interlocuteur et la notion de relais pris par un autre personnel est essentielle en termes de réaction professionnelle.