Sur les dangers des punitions infligées aux garçons au collège
| 09.03.11
Dans les débats publics sur l'école, il est un chiffre sur lequel on ne s'attarde guère : au collège, 80 % des élèves sanctionnés sont des garçons. Pourquoi une telle omniprésence masculine ? Comment expliquer cette forte asymétrie entre les filles et les garçons ? C'est ce que s'est demandé Sylvie Ayral, qui a mené pendant plusieurs années une recherche approfondie sur les sanctions infligées au collège en les examinant à la lumière des débats sur le "genre".
Institutrice en milieu rural pendant quinze ans, Sylvie Ayral est professeure d'espagnol, docteur ès sciences de l'éducation et membre de l'Observatoire de la violence à l'école. En 2007, elle avait consacré une monographie aux sanctions prononcées dans le collège rural où elle exerçait. Elle a complété ce travail en y ajoutant quatre établissements : un collège périurbain, un collège urbain accueillant pour l'essentiel une population issue de l'immigration, un collège rural de ZEP et un collège urbain privé "à haut niveau de réussite scolaire".
Au total, Sylvie Ayral a analysé près de 6 000 sanctions et punitions scolaires en croisant les données sur le sexe, l'âge, l'échec scolaire ou le milieu social. La chercheuse a également étudié des lettres d'élèves, des rapports de professeurs et des questionnaires distribués aux adultes exerçant dans ces établissements. Ce travail a été complété par des entretiens réalisés, de 2007 à 2009, avec des professeurs, des assistants d'éducation ou des élèves de 4e et de 5e, 25 filles et 25 garçons.
Chefs de "meute"
Pour les adultes qui travaillent dans ces établissements, l'explication est simple : les garçons ont une maturité hormonale plus tardive, ils ne sont pas suffisamment encadrés par des figures masculines à la maison ou à l'école, et ils aiment "marquer leur territoire" afin de devenir des chefs de "meute". Un discours en partie repris par les élèves, qui évoquent pêle-mêle la loi de la jungle, le goût de la bagarre et l'héritage de la guerre.
L'appareil punitif scolaire, qui était à l'origine un projet éducatif sous-tendu par des idéaux éthiques, fonctionne donc, selon Sylvie Ayral, comme une "fabrique des garçons", reproduisant, sans le savoir, les stéréotypes de la domination masculine : aux hommes la force, la provocation, l'indiscipline, aux filles la discrétion, la sagesse, la docilité. Il est temps, conclut-elle, d'engager une réflexion sur les effets pervers d'un système qui est pourtant censé présenter des vertus éducatives.
La Fabrique des garçons, Sanctions et genre au collège
Préface de Jack Lang, PUF "Le Monde", 224 p., 24 €
Anne CheminPréface de Jack Lang, PUF "Le Monde", 224 p., 24 €