par Didier Péron publié le 13 septembre 2022
«Ton cinéma est la saturation de signes magnifiques qui baignent dans la lumière de leur manque d’explication.» Cette phrase de Manoel de Oliveira, Jean-Luc Godard, dont on a appris la mort à 91 ans par suicide assisté ce 13 septembre, l’a reprise par deux fois, dans For Ever Mozart et Histoire(s) du cinéma. On pourrait s’arrêter là, considérer devant l’énormité de l’œuvre qu’elle ne peut s’évoquer, se résumer, se réduire, se vulgariser sans ridicule ou bévue. On pourrait aussi procéder par copié-collé de textes, d’images et se badigeonner le visage de bleu. «Philosophe, scientifique, prédicateur, éducateur, journaliste, mais tout cela en amateur, il est le dernier (à ce jour) à avoir été le témoin (cohérent dans ses dépositions) et la conscience (morale) de ce qui arrive au cinéma», écrit Serge Daney en 1986, un an après Je vous salue, Marieet Détective. Vingt ans plus tard, c’est au tour d’Olivier Assayas d’essayer de faire le point sur le cas Godard et, à nouveau, c’est la dimension totalisante de l’artiste qui s’impose : «Le fait est que, devant Godard, on est comme devant Picasso. Il a traversé son époque, la prenant tout entière en charge, il est pétri de ses contradictions et de ses fulgurances, il a tout essayé, il a tout absorbé, il a été plusieurs cinéastes, il a eu plusieurs vies, certaines simultanément. Il a été dans le cinéma, il a été en dehors, il a été au-dessus et en dessous, sans cesse préoccupé de le tordre dans tous les sens, de lui arracher une vérité, un absolu, et ce dans un constant déchirement, dont les échos, parfois inintelligibles, n’ont jamais cessé de parvenir jusqu’à nous.»